December 31, 2009

2010 : ce qui change pour les .fr

Demain, les règles d'enregistrement de noms en .fr seront modifiées. Quelles sont les évolutions notables de la nouvelle charte ?

L'article 14 relatif au choix du nom de domaine est ainsi complété :

L’AFNIC n’est pas en mesure d’effectuer un contrôle des enregistrements réalisés par les bureaux d’enregistrement pour le compte des titulaires et ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait du non respect des dispositions ci-dessus.
Il appartient au titulaire de procéder aux recherches nécessaires pour s'assurer que le terme qu'il souhaite enregistrer et ou utiliser à titre de nom de domaine soit conforme aux dispositions sus visées.
Ces nouveaux alinéas sont, à n'en pas douter, la conséquence de la condamnation du registre en octobre dernier, dans une affaire francelot.fr (décision dont il n'a pas été question ici tant elle ne le mérite pas !)

Pareillement, l'article 17 (qui disposait notamment que l'A.F.N.I.C. est gardienne de la bonne application de la charte) est réécrit, pour supprimer ce qui touche au rôle du registre. L'article 24 déplace la responsabilité sur les épaules du candidat, en prévoyant désormais que "le demandeur est seul responsable de l’enregistrement et de l’utilisation du nom de domaine", et qu'une fois titulaire, il garantit l'A.F.N.I.C. non plus seulement "contre toute action, réclamation, revendication ou opposition de la part de toute personne invoquant un droit quelconque sur un nom de domaine, la conséquence d'un enregistrement ou d'une transmission", mais aussi contre "une utilisation" [sic] du nom. De leur côté les registrars devront mieux encore informer des termes de la charte : "le bureau d’enregistrement est tenu d’informer le demandeur sur la nécessité de respecter les termes de la charte de nommage" (art. 24). De façon à ce que ce soit bien clair, il est réitéré que "l’AFNIC ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait de l’enregistrement et ou de l’utilisation d’un nom de domaine, ni de leurs conséquences dommageables directes ou indirectes" (même article).
Il reste un peu surprenant de lire dans le nouvel article 14 que le registre ne procède pas à des contrôles, alors que cela semble être le cas en pratique à propos des termes fondamentaux ou des noms de commune.

En ce qui concerne ces termes fondamentaux, l'article 14.3.1 est modifié pour préciser "que la liste diffusée en ligne ne comporte pas l’ensemble des termes fondamentaux dans la mesure où le seul fait de diffuser certains d’entre eux pourrait heurter la sensibilité du lecteur". La nouvelle rédaction fait peut-être suite à l'action qui a été menée devant la C.A.D.A. en vue de la publication de cette liste.

Afin de tenir compte des mécanismes d'exécution provisoire, la charte est aménagée et prévoit que ce que le registre a fait sur injonction judiciaire, il peut le défaire en cas d'injonction contraire : "dans l’hypothèse où une décision appliquée par l’AFNIC viendrait à être réformée (rétractation, appel, cassation, etc…), l’AFNIC procédera à l’application de la nouvelle décision (...)" (art. 15.4).

Petit amendement des dispositions qui suivent (art. 15.5), sur la suppression forcée d'un nom de domaine. A noter que l'A.F.N.I.C. pourra procéder à des vérifications des critères d’éligibilité par le titulaire "dans l’hypothèse où [elle] est en possession de pièces contradictoires (retour de courrier postal avec la mention « NPAI », constat d’huissier, adresse incohérente, etc.)".

L'article 19 sur le gel des noms de domaine est réécrit, et limite désormais les hypothèse où il peut intervenir. Il en est de même du blocage à l'article 20.

December 27, 2009

[4] Ne dites plus "registrar", mais

recommandation est faite désormais d'utiliser le très poétique "registraire".

Registraire, n.m.
Domaine : Informatique-Télécommunications/Internet.
Synonyme : bureau d’enregistrement.
Définition : Organisme intermédiaire autorisé entre un office d’enregistrement et les demandeurs ou titulaires d’un nom de domaine, qui effectue l’enregistrement et la modification des noms de domaine.
Voir aussi : office d’enregistrement, système d’adressage par domaines.
Équivalent étranger : DNS registrar, domain name registrar, registrar.

[3] Ne dites plus "registry", mais

"office d'enregistrement".

Office d’enregistrement
Domaine : Informatique-Télécommunications/Internet.
Définition : Organisme gestionnaire d’un ou plusieurs domaines de premier niveau.
Voir aussi : domaine de premier niveau, système d’adressage par domaines.
Équivalent étranger : TLD registrar, top-level domain registrar.

[2] Ne dites plus "top-level domain", mais

... "domaine de premier niveau" (on le disait pas, déjà ?). C'est toujours au Journal Officiel de ce matin, cette fois dans l'arrêté Vocabulaire des télécommunications :

Domaine de premier niveau
Domaine : Informatique-Télécommunications/Internet.
Synonyme : domaine de tête.
Définition : Domaine correspondant au niveau le plus élevé dans la structure d’adressage de l’internet, et dont la représentation codée est située à la fin de tout nom de domaine.
Note : Le domaine de premier niveau est identifié soit par la représentation codée d’un nom de pays, telle que « .fr », soit par une abréviation telle que « .com » ou « .org ».
Voir aussi : domaine, registraire, système d’adressage par domaines.
Équivalent étranger : top-level domain (TLD).

[1] Ne dites plus "pharming", mais...

... "dévoiement". C'est la recommandation publiée au Journal Officiel de ce matin relativement au Vocabulaire de l'informatique et de l'internet.

Dévoiement, n.m.
Domaine : Informatique/Internet.
Définition : Technique consistant à détourner subrepticement des communications à destination d'un domaine vers une adresse différente de son adresse légitime.
Voir aussi : domaine, filoutage.
Équivalent étranger : pharming.

December 26, 2009

Authentification des avocats & domaine .fr

Publication ce matin au Journal Officiel d'un arrêté relatif à la communication par voie électronique dans certaines procédures devant les cours d'appel.
Le texte est relatif aux conditions de forme des actes de procédure, au système de communication des juridictions, au système de communication entre avocats et à la sécurité des moyens d'accès à ce système. Dans la section relative à l'identification et à sa fiabilité, on notera avec intérêt à l'article 17 qu'elles reposent en partie sur un nom de domaine en .fr :

L'adresse de la boîte aux lettres sécurisée de l'avocat est hébergée par un serveur de messagerie dont le nom de domaine est « avocat-conseil.fr ». La structure de l'adresse de messagerie est de la forme « cnbf.nomprénom@avocat-conseil.fr », le préfixe « cnbf.nomprénom » permettant d'identifier l'avocat. L'utilisation de cette adresse de messagerie couplée à l'utilisation du certificat avocat permet de garantir l'identité de l'avocat en tant qu'expéditeur ou destinataire du courrier électronique.

December 21, 2009

Intel est pris... qui croyait prendre !

Voilà qui n'est pas banal ! La société Intel Corporation, qu'on ne présentera pas, souhaite empêcher qu'une société française utilise les marque et nom commerciale M@INTELCOM, et le nom de domaine maintelcom.com.
Le tribunal constate la notoriété de la marque du demandeur, et juge que les deux premiers signes (marque et nom commercial) la reprennent, en ce que "les éléments adjoints à savoir le sigle M@ et les lettres M@ et COM [sic] ne font pas perdre à l’élément INTEL son caractère attractif", du fait du caractère répandu de ces sigles dans le monde de l'informatique et des réseaux, dans lesquels le demandeur exerce son activité. Le tribunal ajoute que "phonétiquement, le mot INTEL, placé entre le sigle @ et l’extension COM, sera prononcé en tant que tel".

Bref, contrefaçon caractérisée, et annulation de la marque du défendeur. Pour les mêmes motifs, le tribunal fait interdiction d'utiliser le nom commercial. Mais, en ce qui concerne le nom de domaine, l'arobase n'en est plus une, et "transformée" en a, permet de lire maintelcom.com d'une manière différente des autres signes ! Les juges relèvent qu'est bien exprimée dans ce nom l'activité de maintenance du défendeur : "le signe INTEL, composé de deux syllabes, se fond dans cet ensemble et perd son caractère attractif propre et ce, quand bien même il bénéficie d'une grande notoriété".

[TGI Paris, 26 novembre 2009]

December 19, 2009

C'est bien l'utilisateur d'un nom de domaine qui est responsable de son usage

Petit à petit, la jurisprudence avance dans le bon sens et se consolide : c'est l'utilisateur du nom de domaine qui est responsable de son usage. Le titulaire qui n'en fait pas usage ne devrait pas être inquiété, contrairement à ce qu'ont trop souvent jugé, et que jugent encore, les tribunaux français.

Dans un commentaire d'une affaire impliquant eBay, je remarquais que "la responsabilité de la société française est retenue parce qu’elle est titulaire du nom ebay.fr, ce qui n’est pas cohérent avec la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de responsabilité découlant de l’usage d’un nom de domaine".

La critique a-t-elle été prise en compte ? Dans un jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 décembre 2009, impliquant également diverses sociétés du groupe eBay, les juges ont estimé qu'eBay France avait qualité à agir, "attendu qu’[elle] exploite le site ebay.fr et qu’elle remplit entres autres fonctions, le rôle d’éditeur de site internet, peu important qu’elle ne soit plus, depuis peu de temps, titulaire du nom de domaine éponyme".
Cette considération est pragmatique... et la seule qui tienne sur le plan juridique. Espérons qu'elle soit désormais systématique (et en premier lieu en appel dans les affaires eBay) !

December 17, 2009

Requête de sens


Le revers de la médaille, quand on a le succès de Google, c'est peut-être bien d'avoir trop d'utilisateurs ! Un moteur de recherche "élitiste" s'adresse a priori à des utilisateurs avertis. Mais en ce qui concerne Google, les juges considèrent que "l’utilisateur moyen du moteur de recherche ne sait pas parfaitement que Google suggest ne propose que des requêtes tapées avant lui par d’autre, internautes classés par ordre de popularité". C'est à partir de cette représentation de "l'utilisateur moyen" que le juge considère que le fait d'afficher, parmi les suggestions, à l'occasion d'une recherche commençant par "direct", les mots "Direct Energie Arnaque", est un trouble illicite, que la société Direct Energie peut demander au juge des référés de faire cesser :

Considérant qu’une telle présentation de la suggestion litigieuse, sans avertissement préalable informant l’internaute du mode d’établissement de cette liste, fautive et engendrant évidemment un préjudice à ladite société, constitue un trouble manifestement illicite ; que pour se distraire de cette responsabilité Google ne peut :
- alléguer la neutralité (par ailleurs réelle) du mode d’établissement automatique de cette liste, puisqu’elle est l’auteur du système, en contrôle le fonctionnement et en assure la diffusion ;
- alléguer les conditions d’utilisation puisque celles-ci ne sont accessibles qu’à ceux qui opèrent une recherche délibérée (par deux “clics”, le premier sur “à propos de Google” sur la première page, puis un second sur “conditions d’utilisation” à la seconde page") ;
- soutenir que l’affichage de la requête “direct-énergie-arnaque” est porteuse d’une information objective et potentiellement utile puisque ledit affichage n’est pas remis en cause, seule l’étant la manière dont il est réalisé ;

La cour d'appel de Paris a de ce fait condamné le moteur "à faire mention sur son écran d’entrée d’une information destinée à l’internaute et permettant à celui-ci de comprendre comment est établie la liste des suggestions" (si l'on voulait faire un raccourci, on pourrait dire que le juge ne veut pas qu'il y ait d'arnaque sur l'origine de la suggestion !).

Cette décision est en retrait par rapport à celle rendue précédemment dans la même affaire : le premier juge avait ordonné "de supprimer le terme "direct energie arnaque" des suggestions proposées par le logiciel Google Suggest sur le site accessible à l'adresse www.google.fr dans un délai de huit jours". Elle annonce la question qui pourrait bien être centrale dans les affaires à venir touchant aux usages de Google : celle de l'intelligence de l'utilisateur. Car dans ses conclusions dans les affaires C‑236/08, C‑237/08 et C‑238/08 à propos des Google AdWords, l'Avocat Général de la Cour de Justice de l'Union Européenne suggère que l'internaute est plus averti que ne le pense le juge français ici...

Parking chez Sedo, et responsabilité

La cour d'appel de Paris a rendu le 23 septembre dernier un arrêt condamnant Sedo, suite au parking par un de ses utilisateurs d'un nom de domaine jugé contrefaisant d'une marque du demandeur (en l'occurrence, le demandeur était l'Institut National de la Propriété Industrielle).
La société doit-elle être responsable de la façon dont ses clients ont choisi de se servir de leurs noms de domaine ? Oui, oui, et re-oui selon les juges français. Non, non, non et non ont dit leurs homologues allemands (dans une douzaine de décisions au total).
A partir de l'arrêt de septembre, j'ai voulu ré-examiner la situation, pour m'apercevoir que la divergence d'approche ne tient pas à des lois différentes dans les pays, mais à la qualification des faits. L'approche retenue en France paraît trop sommaire, et pas à même de restituer les responsabilités dans toute leur finesse.


L'étude est parue dans le numéro de décembre de la Revue Lamy Droit de l'Immatériel (n° 55, étude n° 1837) aux pages 55 à 58.


December 16, 2009

Paris, ses tribunaux, ses noms de domaine...

C'est suffisamment rare pour être signalé : une décision UDRP rendue en langue anglaise fait référence à deux jugements français (en l'occurrence c'est le défendeur, américain, qui s'appuyait sur elle). Le nom wifiparis.com n'a pas été transféré à la Ville de Paris [D2009-1279].

December 12, 2009

UDRP "expedited decision"

The Czech Arbitration Court, an ICANN-approved dispute resolution provider, proposes UDRP complainants to get an "Expedited Decision" (see the call for comments for more), heavily criticized.
The CAC proposes a substantially lower filing fee if a complaint is short (2,000 words max), no response is filed and the case is decided by a single panelist. The arbiter would (of course) decide using the same standard of assessment as in normal UDRP proceedings. The panel's decision will be shorter, with only the principal arguments. The panel will have a discretion to request the normal filing fee whenever it is fair and reasonable.

I am working with the CAC. Here are the short comments I submitted, following my Center's invitation.

UDRP was designed to fight against manifest abusive registrations (and only against them). The proposal to have an expedited decision (lower fees / shorter complaint / shorter reasoning) is thus coherent with the UDRP rationale.
Nevertheless, the system entirely relies on the Panelist's decision to accept or not an expedited procedure. This makes the whole system too subjective, and decisions may differ from a Panelist to another.
In my opinion, there should be objective safeguards to allow a complainant to apply for an expedited treatment of its case. Such safeguards could be:
- the respondent has already been sanctioned for cybersquatting two times or more, and
- the complainant's trademark has been deemed "well known" in at least two countries in the recent years.
I believe that the creation of a prior "filter" may contribute to make the system more fair.

December 08, 2009

One article, one conference

The Geneva law school organizes in February a conference on the resolution of intellectual property disputes. Several talks of interest, in particular Dr Bettinger on Solving Internet domain name disputes: the UDRP and the future dispute resolution mechanisms. Information here.

Lisa Ramsey, law professor at San Diego, published on SSRN an article on Brandjacking on Social Networks: Confusion About the Source of Information or Advertising.

December 07, 2009

Braderie

Dans un article récent, M. Aubert fait part d'une affaire dans laquelle le titulaire d'un nom de domaine l'a échangé contre quelques bouteilles de Pepsi (... et aussi un intéressement financier aux profits que le nom pouvait générer ensuite).
Cela m'a donné l'idée de rassembler ici d'autres exemples de troc mal intentionnés :

  • des billets d'avion contre air-france.com (2001)
  • de la publicité (pour une valeur d'environ 1.000 $) en échange du nom theberrycompany.com (2002)
  • 20.000 € de bons d’achat Decathlon pour transférer decathlon.pl (2003)
  • des t-shirts ou des livres pour les neveux du titulaire du nom de domaine en contrepartie de thecatinthehat.com (2003)


En connaissez-vous d'autres ?

December 04, 2009

Marché des noms de domaine en France

L'A.F.N.I.C. a publié récemment l'Observatoire 2009 du marché des noms de domaine en France, étude toujours intéressante. Voici quelques remarques notées au vol au cours de la lecture.

Page 8, on apprend que les chaînes de caractères les plus utilisées sont « france », « immobilier » et « paris ». J'ai regardé s'il existe une "proportion" correspondante de contentieux autour de ces termes. En remontant sur 10 ans, je n'ai trouvé qu'alicefrance.fr, lotofrance.fr, et un conflit autour de jeunes.paris.fr qui ne concernait pas le seul second niveau. Pas de parallèle, donc.

Page 11 : "Depuis quelques années, le .fr fait partie des extensions faisant le plus l’objet de procédures de résolution des litiges par nom de domaine, ce qui reflète l’importance attachée par les ayants droit français au contrôle de leurs noms dans l’extension nationale en priorité par rapport à des extensions moins prisées". Pas tout à fait d'accord avec cette interprétation, car les règles relatives aux .fr sont aussi celles qui offrent l'éventail le plus large de protection de droits antérieurs : droit d'auteur, noms d'administrations, noms d'élus, etc.

P. 38 : "85 % des 10 000 noms de famille les plus courants sont également enregistrés à l’heure actuelle". Autant de motifs de contentieux sur la base de l'article R. 20-44-46 du C.P.C.E. ?

P. 97 : "le succès récent des réseaux sociaux de type Facebook pourrait avoir dissuadé une partie des particuliers titulaires de noms de domaine .fr de créer leur propre site Web au profit d’un profil sur un réseau social, les particuliers utilisant alors plutôt leur nom de domaine afin de se constituer des adresses électroniques personnalisées". Surprenant !

Enfin, page 104, on peut mesurer l'effet d'opportunité créé par la mise en place de la procédure PREDEC, mais aussi comment elle a permis d'évacuer rapidement un stock de contentieux (nombre significatif de procédures de décembre 2008 jusqu'avril 2009, puis décroissance).