La commune avait engagé une action UDRP pour obtenir le nom parvi.org, sur le fondement de son droit sur la marque PARVI PARIS VILLE NUMERIQUE. Elle avait obtenu gain de cause, par une décision contestable dans l'appréciation du risque de confusion et surtout de la mauvaise foi du titulaire du nom lors de l'enregistrement. Après avoir observé que demandeur et défendeur ne se trouvaient pas dans le même Etat et ne parlaient pas la même langue, l'arbitre avait exprimé ses doutes sur le fait que le titulaire du nom pouvait connaître la marque de son adversaire... mais avait malgré cela prononcé le transfert (!).
On ne compte plus le nombre de décisions UDRP trop sommaires, peu convaincantes ou carrément irrégulières. On sait en revanche que sur un volume d'environ 35.000 décisions à ce jour, une cinquantaine seulement ont fait l'objet de recours.
C'est cette rare démarche qu'a entreprise le défendeur ici, après s'être vu privé de son nom. Devant une juridiction texane - compétente en application de la clause de mutual jurisdiction prévue dans les règles UDRP -, l'ex-titulaire de parvi.org a expliqué comment il en était venu à choisir ce nom utilisait en latin (§ 13 à 16 de sa requête), qu'il était ignorant de l'existence de la marque PARVI PARIS VILLE NUMERIQUE enregistrée en France, et qu'il n'utilisait pas encore parvi.org à des fins commerciales quand le contentieux a débuté.
Il fut d'autant plus aisé de convaincre le juge de l'inanité de la décision de transfert que... la Ville de Paris n'a pas jugé nécessaire de se défendre en l'espèce ! C'est ainsi que le juge américain a prononcé, par défaut, une condamnation retenant des faits de reverse domain name hijacking et de tortious interference, et infligé une pénalité approchant les 100.000 € (jugement sur le site de l'OMPI).
La sévérité de la décision est à la hauteur de son importance. Alors que le contentieux marques / noms de domaine tournait presque toujours à l'avantage des premières, c'est un retour de balancier. L'existence d'un droit de marque ici ne doit pas empêcher là l'enregistrement et l'utilisation d'un nom de domaine. Le jugement qui vient d'être rendu pourrait inciter à l'avenir ceux qui perdent des actions UDRP (et leur nom de domaine) à former plus systématiquement des recours.
Quant à la Ville de Paris, puisqu'elle ne s'est pas présentée à l'audience ni n'a daigné répondre dans la procédure américaine, on pourrait se demander si elle paiera effectivement l'indemnisation qu'elle doit désormais. Les contribuables lui sauraient probablement gré de s'abstenir... néanmoins cela pourrait avoir à terme des conséquences fâcheuses : la saisie du patrimoine qu'aurait la municipalité sur le sol américain. Peut-être n'en a-t-elle pas ? Dans ce cas, on peut imaginer que le créancier fasse saisir aux Etats-Unis... le futur gTLD auquel candidate la Ville, le .PARIS ! On rappellera qu'il y a déjà eu des tentatives de ce genre devant l'ICANN.
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