September 08, 2013

Actualités en vrac

GEOPOLITIQUE
Il s'agit probablement d'une des nouvelles les plus marquantes que le droit des noms de domaine ait connu : l'ICANN envisagerait de créer une structure juridique en Suisse. A supposer qu'elle obtienne le feu vert du gouvernement américain pour ce faire, on est curieux de savoir à quoi pourrait ressembler cette entité : s'agirait-il de "filialiser" certaines activités, ou de s'abriter sous une ombrelle ? Symboliquement, en tout cas, cela revient à vouloir s'approcher du statut des organisations internationales déjà présentes à Genève (ou Lausanne), premier pas vers une pleine intégration de l'ICANN dans l'ordre international.
Pendant ce temps, la saisie de noms de domaine continue.


CONTENTIEUX DES GTLDS (sélection)
L'ICANN semble avoir mis un point final au débat sur la possibilité d'utiliser un nouveau TLD en tant que tel, par exemple sous la forme http://amazon.
Diverses décisions d'objection ont été rendues, par exemple donnant l'avantage à l'un des postulants au .eco contre un autre candidat. Se prépare le round suivant, celui de la contestation en justice de ces décisions d'objection d'un genre nouveau. Le titulaire allemande d'une marque DEL MONTE a ainsi engagé une action judiciaire contre le titulaire d'une marque homonyme.


DIVERS
L'Ordre des Pharmaciens propose que toutes les pharmacies en ligne s'identifient à partir du nom de domaine pharma-france.fr qu'il a réservé, proposant de facto la reconstitution de sous-domaines.
[MAJ, 25/9 : Maxime Platakis me fait à juste titre remarquer que ce nom de domaine n'appartient pas à l'Ordre]
Une liste de mots interdits sur Instagram a été publiée. On y trouve... des noms de marque, comme #iphone ou #iphone4s (et aussi #instagram).


DOCUMENTS
Dans un guide destiné aux musées et consacré à la gestion de la propriété intellectuelle, l'OMPI insiste sur l'importance stratégique des noms de domaine (WIPO Guide on Managing Intellectual Property for Museums 2013 Edition, § 3.4). Dans son dernier rapport d'activité, l'Agence du Patrimoine Immatériel de l'Etat fait la même observation et rappelle aux administrations qu'elle peut les assister pour la réservation et la défense de noms de domaine (p. 16).
Continuant son exploration du cadre juridique français en matière de noms de domaine, Bertrand du Marais consacre un nouvel article au service public du nommage.

July 30, 2013

Sélection d'actualités (juillet)

TV ou tu veux pas ?
Un opérateur de télévision met à disposition ses programmes sur son site. Un autre site propose l'accès à ces vidéos, ainsi que leur téléchargement. Il est mis en demeure par la télévision de cesser ses activités.
Au-delà des questions de droit d'auteur que soulève ce contentieux, on observera que la société de télévision trouve aussi dans les règles du code des postes et des communications électroniques un argument juridique : selon elle, l'usage par son adversaire d'un nom de domaine en .fr serait illégal (cf. mise en demeure, page 6).
Cette prétention est quelque peu déroutante : c'est en effet le nom de domaine lui-même qui doit être susceptible de porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle (c'est le texte même de l'article L. 45-2 du CPCE), il ne devient pas illégal par ricochet si le service qui lui est associé est irrégulier.

Range ton parking !
Divers registrars placent automatiquement en parking les noms qui viennent d'être réservés auprès d'eux. Tant que son titulaire n'a pas débuté l'utilisation du nom qu'il a enregistré, le registrar peut tirer quelques revenus en cas de clic sur l'un ou l'autre lien apparaissant sur la page parking. Une telle pratique de la part du registrar est-elle licite ? Un début de réponse vient d'être donné en droit américain.
GoDaddy, bien connu pour créer par défaut des pages parking pour les domaines en attente, est poursuivi pour ce faire. Le registrar américain a cherché à convaincre le juge que le contentieux devait en rester là, sans succès. Il a été jugé en Californie qu'il y a bien usage au sens de l'Anticybersquatting Consumer Protection Act, ce qui ouvre un boulevard au plaideur qui attaque GoDaddy... et pourrait amener ce dernier à modifier ses pratiques.

Nouveaux TLDs, nouveaux contentieux
C'est bien connu, l'alcool peut échauffer les esprits, et c'est ce qui s'est produit en Afrique du Sud récemment. Ce ne sont pas les vins locaux qui sont à l'origine de ce coup de sang, mais le souhait des producteurs français de protéger au mieux leurs appellations dans, au minimum, les nouveaux domaines .vin et .wine. Face à la difficulté de concilier les intérêts en présence - protection nationale des appellations d'un côté, intérêts et investissements des candidats de l'autre -, il a été décidé de se donner le temps de la réflexion (point 4.1.2.a du communiqué du GAC à Durban le 18 juillet 2013). Pour la résolution d'un autre problème complexe, celui de la protection éventuelle des noms d'organisations internationales, un mécanisme spécifique de prévention des litiges est à l'étude (cf. point n° 5 du même communiqué). Au fait, puisque le dernier sommet de l'ICANN est évoqué, on y a dit que la Trademark ClearingHouse est sur le point de voir le jour... comme à chaque réunion !
A noter aussi qu'à mesure que l'on avance dans le processus de mise en oeuvre des nouvelles extensions (ou que l'on discute de la réforme du whois), se pose de façon toujours plus pressante la question de l'articulation des normes de l'ICANN avec la protection de la souveraineté nationale.
Pendant ce temps, aucune objection juridiquement fondée n'a permis d'enrayer le lancement d'un nouveau TLD. Alors que divers plaideurs ont utilisé la procédure dite Legal Rights Objection pour tenter d'empêcher la création des .cam, .express, .gmbh, .home, .limited, .mail, .mls, .pin, .rightathome, .song, .tunes, .vip, ou .yellowpages, toutes ces extensions ont été validées, par une ou plusieurs décisions. A leur lecture, on retiendra :
- que la détention de plusieurs centaines de marques par le demandeur est indifférente (et que plusieurs demandeurs tendent à vouloir protéger un terme commun à toutes ces marques, sur lequel ils n'ont pas nécessairement de droit),
- qu'il est tenu compte de la portée de la marque du demandeur (connue du public ou non ?),
- qu'il est tenu compte de l'usage possible du domaine par le candidat (usage d'un nom générique dans son sens générique),
- qu'il y a des références sont au droit américain ou au droit européen des marques en fonction du centre de gravité du litige, mais aussi citation de précédents UDRP
La plus riche des décisions est probablement celle qui porte la référence LRO2013-0022.

July 13, 2013

Actualités du droit des noms de domaine, mai-juin 2013

JURISRUDENCE

Enregistrement et utilisation de noms de domaine sont bien deux stades distincts, dont seul le second obéit à un régime juridique. Implicitement dessinée dans l'arrêt Locatour par la Cour de cassation française en 2005, cette distinction est consacrée au niveau européen avec cet arrêt de la CJUE du 11 juillet 2013, selon lequel l'enregistrement d'un nom de domaine n'est "qu’un acte formel moyennant lequel est demandé à l’organisme désigné pour la gestion des noms de domaine de faire figurer, contre paiement, ledit nom de domaine dans sa base de données et de connecter les internautes qui saisissent celui-ci exclusivement à l’adresse IP indiquée par le titulaire de ce nom de domaine. Le seul enregistrement d’un nom de domaine ne signifie, toutefois, pas encore que celui-ci sera effectivement utilisé par la suite pour créer un site Internet et qu’il sera par conséquent possible pour les internautes de prendre connaissance de ce nom de domaine." Ne peut donc s'appliquer à un nom de domaine simplement enregistré les règles relatives à la publicité (ni aux marques, ni à tout autre droit, suis-je tenté d'ajouter ! Sur la distinction création / emploi du nom, voir le livre promu dans la colonne de droite).

Ta ta ta ! Sanction de la société qui avait utilisé le nom patronymique de Monsieur Mikhaïl Kalashnikov à des fins commerciales et procédé respectivement à la réservation des noms de domaine kalashnikow-energy.com et kalashnikow-energy.fr, "commettant ainsi une faute en s’appropriant le patronyme “KALASCHNIKOV” dans le but d’amener la clientèle à croire en l’existence de liens commerciaux directs entre les parties et ainsi à attribuer une origine commune aux produits et services respectivement proposés, d’autant plus que cette utilisation est manifestement associée à l’univers des armes." (Cour d'appel de Paris, 29 mars 2013).

Mme Aline C. a demandé et obtenu la fermeture de sites portant atteinte à sa réputation. Elle obtient aussi la suppression des noms aline-c....com, aline-c....-julien-m....com et julien-m....com. Le juge va jusqu'à accepter que cette suppression soit effectuée "par toutes personnes habilitées sur simple présentation de [son] ordonnance" [TGI Paris, 19 avril 2013]. Décision, hem, disons très créative...

Dans la série des décisions ratées, on peut citer le jugement par lequel Facebook Inc. a réussi à récupérer les noms fuckbook.net, fuckbook.fr, fucksbooks.com, fuckbook.be, fuck-book.be, fuckbook.eu, fuck-book.es, fuck-book.ch, fuckbook.fr, fuck-book.fr, fucksbooks.fr et même "tous noms de
domaine contenant le terme “fuckbook”, "fuck-book" ou “fucksbooks”" ! Alors que la décision établit que ces noms sont exploités par une société, elle retient la responsabilité personnelle du gérant au motif qu'il est "titulaire de noms de domaine qui permettent directement l’accès au site litigieux". Selon le tribunal, "il est donc également responsable personnellement à ce titre". Il y a ici violation du principe selon lequel on ne répond que de son propre fait. Si c'est l'utilisation qui est sanctionnée, alors seul l'exploitant peut être condamné. Quant au transfert des noms, ordonné en l'espèce, on rappellera avec un peu de lassitude qu'il ne devrait pas être prévu, même dans le cas d'une marque aussi forte que celle du demandeur [TGI Paris, 13 juin 2013].


ACTUALITES
Les saisies de noms de domaine se poursuivent. L'accentuation de la coopération internationale est désormais affichée par le déroulement des logos des autorités nationales qui y participent. Sur les 328 noms saisis fin juin figurent trois noms en .org ; 151 noms auraient été saisis en Europe (dont des .fr - sur le crédit à apporter à ces communiqués, relire ici).

Yahoo! crée un second marché des adresses e-mail, en libérant des alias qui ne sont plus utilisés. Marché gratuit toutefois, la récupération de comptes existants n'étant pas prévu à titre onéreux.

Le Conseil National des Barreaux continue de penser qu'utiliser "avocat" dans un nom de domaine est anormal quand le site n'est pas celui d'un avocat (rapport sur la participation des avocats à des sites internet de tiers, juin 2013, p. 16).

.eu : a été publié en mai un appel à manifestation d'intérêt en vue du renouvellement (éventuel) du mandat de l'actuel registre qui arrivera à expiration en octobre 2014. Cela n'affectera pas les règles d'enregistrement existantes.

.be : à l'instar de son voisin français, il aura bientôt une assise législative, le Royaume de Belgique ayant préparé un texte pour la gestion de cette ressource publique.

.fr : la consultation publique pour l’ouverture des noms de domaine contenant 1 & 2 caractères numériques et/ou alphabétiques sous le .fr compte 6012 caractères. On pourrait donc pensé qu'elle n'a suscité que peu d'intérêt (une seule contribution) ; on risque d'assister au phénomène inverse lors de l'ouverture !


PUBLICATIONS

Alors que depuis des mois les tenants de la protection des toponymes font entendre leur voix contre les porteurs de projet de TLDs reprenant ces désignations, paraît un livre intitulé Protection of geographic names in international law and domain policy chez Kluwer. Félicitations à l'auteur, Heather Ann Forrest ! Merci aussi à Loïc André pour son livre Le droit des marques à l'heure d'internet, paru aux éditions Gualino.
Au rang des publications académiques récentes et intéressantes, est à signaler ce compte-rendu de conférence sur la gouvernance de l'internet étudiant le cas des noms de domaine.

June 12, 2013

Le Conseil d'Etat FRappe deux fois

Le Conseil d'Etat a rendu lundi 10 juin 2013 deux arrêts importants, qui font suite à la demande d'annulation de la désignation de l'AFNIC comme registre du .fr en 2010 (et de la convention qui lui est accessoire), et de l'annulation des chartes d'enregistrement prises entre 2009 et 2011, ainsi que la procédure PREDEC. Acceptant la reqûete, le Conseil a jugé qu'aucun de ces actes n'aurait dû être pris.
Ainsi que l'a indiqué l'AFNIC dans un communiqué, ces décisions concernent des textes révolus. Néanmoins, ces arrêts pourraient bien avoir des effets pour l'avenir - pour l'industrie française des noms de domaine ou bien au-delà (on ne mesure pas encore l'ampleur de l'onde de choc). C'est l'objet de mon court commentaire publié aujourd'hui sur Dalloz Actualités.

June 02, 2013

Actualités du droit des noms de domaine - mai 2013

Nouveaux TLDs

La grogne contre les "closed gTLD" continue : les opposants à ces projets d'utilisation de certains domaines par leurs seuls gestionnaires fourbissent des armes diverses, de l'action juridique à la campagne de lobbying, de plus en plus souvent hors des enceintes que l'ICANN a prévu pour ce faire. On ne mesure pas encore l'effet que cela pourrait avoir sur les projets eux-mêmes ou la façon dont ils pourront être menés. Pendant ce temps, l'annonce par un porte-parole de Google que les ccTLDs ne sont pas tous pondérés de la même manière est susceptible de jeter encore un peu plus le trouble chez les porteurs de projets. De même qu'une étude Sedo selon laquelle deux tiers des petites entreprises ignorent tout de l'arrivée des nouvelles extensions.

Les principes d'attribution du .paris sont désormais connus et promus, ainsi que ceux du .bzh.

Le plus récent des "ex-nouveaux TLDs", le .post, ne compte que... 7 noms de domaine !


Mauvaise foi

C'est presque le pilori des plaideurs de mauvaise foi : il existe désormais un site permettant de connaître toutes les décisions UDRP dans lesquelles le demandeur a été reconnu coupable de reverse domain name hijacking (utilisation de la procédure de mauvaise foi par un titulaire de marque, afin de mettre la main sur un nom de domaine en sachant que sa marque ne peut le permettre).


Un chercheur américain avait enregistré diverses formes très approchantes de noms de domaine afin de montrer aux entreprises les risques du typosquatting, en particulier le possible détournement de courrier électronique. L'une des sociétés de son échantillon, un cabinet d'avocats, a mal pris cette expérimentation, et l'a attaqué sur le fondement de l'Anti-Cybersquatting Protection Act. Le juge saisi a estimé qu'on n'était pas ici dans une situation de mauvaise foi (voir aussi ce billet dans lequel j'évoquais une étude similaire et les risques juridiques si elle était répliquée en France).


Contentieux

L'utilisateur d'un nom de domaine a autant qualité à agir que son titulaire (Bastia, 20 mars 2013).
L'exploitation d'un nom de domaine générique similaire à un autre, pour une activité identique, n'est pas fautive (même arrêt). Cette décision a été rendue dans un contentieux opposant mariagesencorse.com et mariageencorse.com, à propos desquels la cour d'appel a estimé que n'est pas anormale la "juxtaposition d'un mot usuel et d'une provenance ou d'un lieu géographique, qui évoque l'objet et le lieu de l'activité de son titulaire sur internet".
La solution est encore plus vraie s'il n'y a pas de concurrence entre les parties (arrêt de la CA Paris, 24 avril 2013, commenté par Myriam Gribelin pour MailClub).

§ 340, § 379

Il y a, ENCORE, eu une décision "Pneus Online" dans le contentieux opposant la société suisse du même nom et la société allemande Delticom (Tribune de Genève). Voir ici les épisodes précédents.

§ 326

Une place de marché de noms de domaine a été jugée responsable à raison des pages parking associées aux noms de domaine revendus par ses clients (Paris, 18 avril 2013). Arrêt très critiquable !

§ 412 et suivants

Le signe dict.fr, largement et continuellement exploité en tant que marque, pour désigner un service internet de déclarations de travaux, a acquis un caractère distinctif par l'usage. S'il n'avait pas de caractère distinctif à l'origine, il a pu "acquérir ultérieurement un tel caractère par l'usage qui en est fait, à titre de marque(Cass. Com., 14 mai 2013).

A partir du 11 juin 2013, le registre luxembourgeois gèlera les noms en .lu quand une personne lui aura notifié qu'elle revendique être le titulaire régulier d'un droit sur l'utilisation de ce nom.


Modes alternatifs de résolution des litiges

En 2001, 9 pays sur 35 étudiés proposaient un système ADR pour les noms de domaine nationaux. En 2012, sur le même échantillon, ce chiffre est passé à 35. Aujourd'hui, 123 des 256 ccTLD administrés disposent d'une forme de mécanisme ADR. Ce type de procédure deviendrait donc un standard (source).

L'AFNIC a publié la synthèse de la consultation publique qu'elle avait ouvert en vue de créer un canal de résolution des litiges sous l'égide de l'OMPI.


Veille réglementaire

The Pirate Bay, soucieux de l'évolution du régime juridique du .se et craignant une saisie de son nom thepiratebay.se est allé se réfugier au Groënland (.gl) quelques jours, avant de se tourner vers l'Islande (.is) pour finalement atterrir à Saint-Martin (.sx). Avant un nouveau rebond ?

Proposition de refonte de la directive rapprochant les législations sur les marques des Etats membres de l'Union Européenne.

May 14, 2013

Les nouvelles technologies au service du droit des marques - Conférence le 3 juin

Keep Alert, plateforme de surveillance des marques sur internet, et le LegalEDHEC Research Center organisent le lundi 3 juin après-midi, la conférence Les nouvelles technologies au service du droit des marques.
Big data, naming, noms de domaine, nouvelles extensions internet (New gTLDs), Trademark Clearinghouse seront au programme de cette conférence qui se tiendra à Paris, dans les locaux de l'EDHEC (entre Bourse et Opéra).
L'inscription est gratuite, sur le site de KeepAlert où vous pourrez consulter le programme détaillé.

April 01, 2013

La Name Neutrality

Le Conseil National du Numérique vient de compléter son avis sur la Net Neutralité par un avenant qui a été peu remarqué, touchant au nommage.
Le principe de neutralité "s’est développé pour exclure toute discrimination à l'égard de la source, de la destination, de la nature ou du contenu de l'information transmise, base fondatrice de l’Internet". Le CNN, qui avait fustigé dans son rapport des opérateurs qui ont eu "des pratiques non neutres", s'est rendu compte qu'il avait négligé de traiter des registres et registrars.
L'oubli est désormais réparé. Après avoir écrit dans son avis que « toutes les adresse IP naissent libres et égales en droit » (page 5), le CNN a complété avec cette formule frappée au coin du bon sens « tous les noms de domaine naissent libres et égaux en droit ».

Séduite par la proposition, l'ICANN a convoqué une réunion extraordinaire pour implémenter ce principe. Seront ainsi très prochainement examinées les propositions suivantes :
- étape n° 1 : arrêt immédiat du programme de nouveaux gTLDs, et suppression des domaines de premier niveau existants ; en application du principe, il convient d'avoir une seule extension pour tous
- étape n° 2 : mise en oeuvre de la name neutrality ; en application de ce principe, chacun pourra utiliser le nom de domaine de son choix, même si une ou plusieurs personnes l'ont déjà enregistré

March 26, 2013

Nouveaux gTLDs : quels choix, quelles stratégies juridiques ?


1200 nouvelles extensions vont bientôt côtoyer le célèbre .COM parmi les 280 extensions déjà existantes.  Alors que l’Internet s’apprête à entrer dans une nouvelle ère, les titulaires de marque vont devoir faire des choix stratégiques dans un environnement totalement inédit :
  • Que vont apporter ces nouvelles extensions ? Quelles sont les attentes des entreprises ?
  • Comment les titulaires de marque vont-ils pouvoir protéger leurs droits et leurs activités dans cette jungle d’extensions Internet ?
  • La Trademark Clearinghouse imaginée par le régulateur de l’Internet (Icann) est-elle la solution face au cybersquatting ?
Pour répondre à ces questions, NetNames et le LegalEDHEC Research Center, organisent ce jeudi, de 17h à 20h, la conférence « Nouvelles extensions : quels choix, quelles stratégies juridiques ? ».

Nous ferons le point sur les nouvelles extensions, les procédures qui encadreront leurs sorties (la Trademark Clearinghouse), et les stratégies concrètes à mettre en place pour sécuriser les activités des entreprises sur Internet.

Intervenants
  • Godefroy Jordan, Fondateur et CEO de Starting Dot (porteur des projets .ARCHI - .BIO - .SKI - .IMMO - .DESIGN),
  • Patrick Hauss, Directeur commercial, NetNames,
  • Alexandre Nappey, Avocat et expert à l’OMPI, Fidal Avocats,
  • et moi ;)
Inscriptions ici.

March 23, 2013

Un nom de domaine peut juridiquement constituer une publicité

Une directive de 1986, réitérée par la directive 2006/114, définit la publicité ainsi : "toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services". Quant à la directive e-commerce, elle prévoit que "ne constituent pas en tant que telles des communications commerciales les informations permettant l’accès direct à l’activité de l’entreprise, de l’organisation ou de la personne, notamment un nom de domaine".*
Un nom de domaine peut-il constituer une publicité ? On connaît nombre de slogans déclinés sous forme de noms de domaine, et la réponse est évidemment positive en pratique. Pourquoi donc la directive e-commerce aurait-elle exclu le nom de domaine du champ de la publicité ? C'est la question posée à la Cour de Justice de l'Union Européenne dans un litige opposant deux sociétés belges exerçant en ligne une activité identique.
Dans des conclusions publiées le 21 mars 2013 (C-657/11), l'Avocat Général de la CJUE a indiqué que les "communications commerciales" au sens de la directive de 2000 ne recoupent pas entièrement la définition de la publicité donnée dans celle de 2006, et observe que les deux textes ne traitent donc pas tout à fait du même objet. Surtout, il relève que la directive e-commerce dit que le nom de domaine ne constitue pas "en tant que tel" une communication commerciale, ce qui n'exclut pas qu'il puisse en devenir une (V. déjà Le droit des noms de domaine, LexisNexis, coll. IRPI, § 260).

Dans la suite de ses conclusions, l'Avocat Général va distinguer, fort logiquement, enregistrement et utilisation du nom de domaine. Cette dichotomie a commencé d'irriguer le droit français des noms de domaine depuis quelques années, et il est heureux de voir qu'elle se propage ainsi à l'ensemble de l'Union.
Ainsi lit-on aux § 48 à 50 :


l’enregistrement d’un nom de domaine n’est autre qu’un acte formel moyennant lequel une personne demande à l’organisme désigné pour la gestion des noms de domaine, lequel est en général une personne de droit privé, l’enregistrement du nom de domaine choisi par elle et qu’elle entend supposément utiliser. Si les conditions pour l’enregistrement sont respectées et le prix en est payé, l’organisme s’engage contractuellement à faire figurer ledit nom de domaine dans sa base de données et à connecter les usagers d’Internet qui saisissent ledit nom de domaine exclusivement à l’adresse IP indiquée par le titulaire du nom de domaine.
D’ailleurs, il convient encore d’observer que le simple enregistrement d’un nom de domaine n’implique en aucune façon que celui-ci soit ensuite effectivement employé pour créer un site Internet, ledit nom de domaine pouvant rester inutilisé même indéfiniment.
Dans de telles circonstances, il me semble plutôt évident que l’exécution d’une formalité comme celle décrite ci-dessus ne saurait constituer une diffusion d’une communication ayant un but promotionnel. Elle ne peut dès lors, à mon avis, être incluse dans la notion de publicité au sens des directives 84/450 et 2006/114.

L'enregistrement d'un nom de domaine n'emporte pas en tant que tel de conséquences juridiques. On l'a vu à l'égard du titulaire - qui ne peut être poursuivi pour contrefaçon ou atteinte à un signe distinctif autre que la marque -, à l'égard de l'intermédiaire - qu'il soit registre ou registrar, il ne peut être tenu responsable du fait d'un enregistrement -, voici qu'est proposé d'étendre ce principe à un domaine voisin. C'est à l'aune de l'utilisation du nom de domaine que s'apprécie l'application éventuelle d'une règle, par exemple celle de la publicité. A cet égard, l'Avocat Général considère que "la mise en ligne d’un site Internet à l’adresse correspondant à un nom de domaine constitue une modalité d’utilisation du nom de domaine qui donne lieu à la diffusion d’une communication au sens des directives 84/450 et 2006/114. Par conséquent, dans le cas où ladite communication est effectuée dans le cadre de l’exercice d’une activité économique, dans le but de promouvoir des biens ou des services, elle constituera une publicité au sens desdites directives" (§ 57). En d'autres termes, si le site a vocation publicitaire, il colore le nom de domaine qui l'orne de cette même qualification. Mais l'Avocat indique, et cela est justifiée, que la simple association d'un nom de domaine à un site n'emporte pas mécaniquement cette qualification.

Il observe aussi que communiquer offline avec un nom de domaine - à la télévision, ou sur des panneaux d'affichage, par exemple -, peut aussi être considéré comme une forme de publicité. Il écrit aussi que certains noms de domaine sont ciselés de manière à être promotionnels par eux-même, "lorsque, par exemple, il contient des éléments faisant l’éloge des produits ou des services offerts" (V. aussi sur la question : Le droit des noms de domaine, LexisNexis, coll. IRPI, § 361). Dans l'affaire donnant lieu au contentieux, il propose de juger qu'il en est ainsi du nom de domaine bestlasersorter.com... notamment parce qu'il sera repris sur les moteurs de recherche et pourra être perçu comme tel par les internautes.


* et définit ainsi la ‘communication commerciale’: "toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services, ou l’image d’une entreprise, d’une organisation ou d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou exerçant une profession réglementée" 





March 17, 2013

Actualités du droit des noms de domaine [février-mars 2013]

Nouveaux gTLDs
Faut-il permettre ou non que les nouveaux TLD dits "génériques" soient réservés à l'usage exclusif du candidat ? La question a attiré de nombreux commentaires - même si elle pose de sérieux problèmes méthodologiques (comme je l'ai écrit par ailleurs). Si l'on cherche à en faire la synthèse :
- les contributions les plus nombreuses (et pas toujours les plus riches ou motivées...) sont celles de particuliers, qui sont majoritairement contre ;
- différents groupes sectoriels - en particulier dans l'industrie du livre (coucou le SNE !) qui prennent pour cible le .book d'Amazon - se sont élevés contre cette possibilité, ainsi que des grandes entreprises n'ayant pas candidaté ;
- les registrars (dont le français Domainoo), évidemment, préfèreraient qu'il y ait le maximum de noms de domaine à enregistrer au second niveau ;
- la plupart des personnes qui mettent en avant la liberté des opérateurs de faire de leur TLD ce qu'ils entendent appartiennent au monde académique.


L'Independant Objector a réussi un exercice de haute voltige juridique : établir un cadre d'analyse pour définir si un nouveau domaine de premier niveau est contraire aux règles généralement acceptées en matière d'ordre public et de bonnes moeurs et reconnues dans les principes du droit international (j'ai un doute sur ma traduction libre de "contrary to generally accepted legal norms relating to morality and public order that are recognized under principles of international law" - commentaires bienvenus !). Comment en effet faire le lien - le grand écart, serait-il plus juste d'écrire ! - entre l'ordre public d'un pays très libéral et celui d'un pays très strict ? Comment caractériser que le .crs, le .fail, le .sex ou le .sucks est mondialement (in)acceptable ? L'Independant Objector a inventorié un ensemble de conventions internationales qui contiennent des dispositions évoquant l'ordre public et les bonnes moeurs.
La lutte contre l'alcoolisme, par exemple, relève de la protection de la santé publique, et la consommation est sanctionnée, voire bannie, dans plusieurs Etats. Faut-il alors laisser créer le .vodka ? L'expert relève que la culture ou la religion peut proscrire l'alcool, ainsi que diverses lois nationales, mais qu'il n'existe pas de texte international qui puisse constituer au niveau supra-étatique une base légale pour l'interdiction de l'alcool ("there is no legal norm that would transcribe such a value judgment at the international level"). La suite est logique : s'il n'existe pas un minimum de consensus entre plusieurs pays sur la question de l'alcool, comment pourrait-on donner suite à une objection qui aurait un effet global ?

Contentieux
La justice a beaucoup de pouvoirs... dont celui d'empêcher un nom de domaine d'expirer, alors qu'il n'est plus enregistré : publication.com a fait l'objet d'une ordonnance l'empêchant d'être snappé par le premier venu.

Ironie de la variété des modes de régulation des noms de domaine : alors que son nom de domaine rojadirecta.com avait été saisi par les autorités américaines, le titulaire de la marque correspondante a pu faire ses droits sur rojadirecta.pro au moyen d'une procédure UDRP (D2012-1899).

courtage-swisslife.com ne contrefait pas la marque SWISS LIFE : "aucune confusion n’est possible pour un internaute d’attention moyenne qui se connecte à un site dont le nom commence par courtage car il ne peut que savoir qu’il est en contact avec un courtier qui représente plusieurs sociétés d’assurances et non avec la société d’assurances elle-même". Aucune confusion ! Voilà une ordonnance du tribunal de grande instance du 14 janvier 2013 qu'il conviendrait de faire lire aux nombreux experts qui ont rendu des décisions UDRP qui majoritairement disent l'inverse, et considèrent que l'association d'une marque à un terme générique du secteur d'activité de son titulaire suffit à caractériser la confusion...

J'avais évoqué un contentieux engagé par Merck contre Facebook, après la fermeture abrupte de sa page facebook.com/merck, à ma connaissance la seule action judiciaire engagée contre le réseau social pour mettre en cause ses conditions contractuelles. Facebook peut-elle supprimer le fonds de commerce électronique qu'y a développé une entreprise sous sa marque ? La juridiction de l'Etat de New-York ne se prononcera pas, les parties ayant visiblement abouti à un accord. Désormais, la page de Merck est accessible par l'URL facebook.com/MerckBeWell

Marché
Comme à chaque fois qu'elle est publiée, l'analyse lexicographique des noms de domaine en .fr se révèle intéressante pour les juristes. On y apprend qu'un titulaire de marque a protégé celle-ci contre le typosquatting en recourant à 1249 combinaisons différentes !!!
Il est aussi confirmé que les termes france et paris figurent en tête des noms de domaine les plus enregistrés : plus de 12.000 contiennent le premier terme, et au moins autant le second, dont l'utilisation est toujours plus marquée (+ 43 % de noms en .fr contenant paris depuis mi-2011). Cela est d'autant plus topique que le titulaire de la marque Paris est connu pour ses diverses actions en revendication relatives à de tels noms de domaine... (au passage, si le nom omparis.ch a fait l'objet d'une procédure ADR, celle-ci a été engagée et remportée par un tiers).

February 08, 2013

Un point sur les saisies de noms de domaine (USA / UE)

Il y a deux tendances de fond en matière de noms de domaine : l'extension de l'espace de nommage - les nouveaux TLDs - et... son rétrécissement - les saisies de noms de domaine.
S'agissant de la première tendance, on croule sous les informations, parfois contradictoires (j'y reviendrai dans un prochain billet). S'agissant de la seconde, c'est au contraire un manque de transparence qui est à déplorer... alors pourtant que les saisies concernent la mise en oeuvre des règles de droit !!

Je remercie donc les personnes (qui se reconnaîtront : merci beaucoup !) qui m'ont envoyé des informations ou bien voulu répondre à mes questions. Voici un petit billet récapitulatif d'éléments obtenus de source sûre, et communiqués avec l'autorisation de la source quand elle était nécessaire, relatifs à la mise en oeuvre de saisies de noms de domaine en Europe (pour le rappel du contexte, voir ici).

Si le plan d'action Operation In Our Sites, lancé aux Etats-Unis, s'est étendu à l'Europe, c'est à la suite d'une demande de collaboration lancé par l'I.C.E. (les douanes américaines) à laquelle a favorablement répondu Europol. Toutefois, dans le délai prévu pour la mise en oeuvre de l'opération programmée pour le 26 novembre 2012, Europol ne pouvait espérer que puissent participer l'ensemble des autorités des 27 Etats membres. C'est pourquoi les saisies de noms de domaine ne se sont limitées qu'à certains pays / ccTLDs.

Parmi ces pays, on trouvait la Suède et l'Espagne. S'ils ont souhaité accompagner l'opération (des noms en .se et .es avaient été identifiés comme servant à des activités contrefaisantes), ces Etats en ont été empêchés par le jeu des règles de procédure interne. En Espagne, un juge a refusé de prendre une ordonnance de saisie. En Suède, il faut une décision contradictoire (donc une procédure longue) pour la saisie de noms de domaine.

Parmi ces pays, se trouvait aussi... la France. Un communiqué avait fait état de saisies de noms en .fr, mais cela n'était pas confirmé de sources proches du dossier. Qu'en est-il ? 
Dans la liste communiquée à Europol avaient été signalés 23 noms de domaine en .fr. 21 avaient été enregistrés chez GoDaddy, et ce sont donc les autorités américaines qui s'en sont occupées. S'agissant des 2 restants, la Gendarmerie Nationale a cherché à les saisir, s'est adressée à l'AFNIC à cette fin, qui a refusé, faute d'existence d'un fondement juridique (il m'arrive d'être critique vis-à-vis du registre, cette fois je dis bravo pour cette posture).

Europol n'a pas souhaité communiquer publiquement sur la liste des noms de domaine saisis, parce que certains Etats participants ne le voulaient pas. C'est pourquoi, sur la bannière désormais visible sous les noms de domaine saisis, on ne trouve pas le blason de certaines autorités. Elles ont préféré jouer "profil bas" de manière à ne pas souffrir de représailles (attaque de leur site, par exemple). Europol communique, sur demande, les noms de domaine en .be et en .eu saisis, et pour le reste renvoie aux Etats membres concernés.

Ce manque de transparence sur la saisie de noms de domaine n'est pas propre à l'Union Européenne. A l'occasion du décès de l'activiste Aaron Swartz, il fut rappelé qu'au nombre de ses actions il y avait eu la demande de communication de l'ensemble des actes ou éléments en lien avec la saisie de noms de domaine aux Etats-Unis. Il s'agissait d'une demande faite sur le fondement du Freedom of Information of Act (quoi de plus normal que d'avoir mobilisé ce texte pour celui qui a déclaré "Information wants to be free" ?) permettant normalement d'obtenir des documents administratifs (qui rappellera aux Français la loi de 78 ayant le même objet). Avec ténacité, Swartz a relancé et relancé encore les autorités, pour enfin se voir communiquer ce qu'il demandait. On pourra retrouver ici les 100 premières pages de la réponse qui lui fut faite, intéressantes en ce qu'elles permettent de documenter les fondements juridiques ou ordonnances ayant permis de déclencher les saisies.

L'administration n'est donc pas toujours transparente, loin de là ! Et les faits ont montré que certains registres ne sont pas non plus enclins à ouvrir leurs archives... A signaler, donc, l'initiative du registre du .org, qui inventorie l'ensemble des injonctions (take down orders) qu'il a reçues.

A signaler encore que derrière l'expression "saisie de nom de domaine" se trouvent des réalités différentes. Un représentant d'Europol a bien voulu me répondre qu'en Europe, ces saisies consistaient pour l'heure simplement en des redirections vers les serveurs de l'ICE. Il n'y a pas encore de communications des données associées au nom (celles qui figurent au Whois, ou les coordonnées bancaires grâce auquel l'enregistrement a été réglé).

January 23, 2013

Actualités de janvier 2013

Au sommaire :
- comment enfumer Twitter,
- l'AFNIC aurait-elle dû publier un "guide des ayants droit" ?
- OVH propose un outil de détection du cybersquatting
- quelques décisions récentes et étonnantes

ASTUCES
L'ingénieux Maxime explique comment il est possible de récupérer un alias Twitter :
Il suffit - et il a testé la méthode - d'enregistrer un nom de domaine reprenant l'alias désiré, puis d'y associer une adresse mail à partir de laquelle on fera une requête auprès de Twitter. Prétendre, dans cette requête, que le compte Twitter est usurpateur, suffit apparemment pour que la société le transfère au requérant.
C'est tout à la fois bluffant et terrifiant. Quand on pense qu'il y a des personnes qui prétendent que les marques sont mal protégées sur les réseaux sociaux, cet exemple montre à l'inverse à quel point il est aisé et peu coûteux de récupérer un signe à l'échelle du globe. Les conditions générales des médias sociaux vont beaucoup plus loin que les règles de la propriété intellectuelle.

.FRoid dans le dos
L'AFNIC a publié un guide à l'attention des ayants droit : "comment faire respecter vos droits sous le .fr". Une initiative qui part certainement d'une bonne intention, afin de guider les titulaires, notamment de marques, dans les méandres des noms de domaine. Un guide a été élaboré pour expliquer ce que c'est que le système d'adressage, explique de manière didactique le cadre juridique applicable en France, etc.
Problème : dans le cadre de ses activités, l'AFNIC est aussi chargée de trancher les litiges relatifs aux noms en .fr. Autrement dit de départager les ayants droit de ceux qu'ils attaquent. Imagine-t-on une juridiction envoyer un communiqué de presse pour se vanter du nombre de personnes qu'elle a envoyé en prison ou du nombre de locataires dont elle a permis l'expulsion ? C'est la remarque acerbe que fit naguère une membre du Board de l'ICANN, Wendy Seltzer, alors que l'OMPI avait publié un communiqué pour se féliciter de la façon dont son centre d'arbitrage avait combattu le cybersquatting. Selon Wendy Seltzer, un tel document est contraire à la neutralité que doit afficher un centre chargé de régler des litiges, donnant une apparence de partialité (“appearance of bias”). Elle ajoutait aussi que le communiqué ressemble plus à la promotion d'un service destiné aux titulaires de marques qu'à celle d'un organe neutre.
Suite à cela, le communiqué avait été mis hors ligne. En voici une copie écran :
Ces remarques reviennent à l'esprit en découvrant la démarche du registre du .fr. Même s'il ne s'agit que d'y renseigner les ayants droit, la démarche est problématique. Maintenant qu'il n'est plus possible de revenir en arrière, il faudrait espérer qu'elle soit au moins contre-balancée par un guide à destination des personnes attaquées dans le cadre d'une procédure Syreli ou d'une procédure judiciaire relative à un nom de domaine en .fr.

OUTILS
OVH propose un outil "d'analyse anti-cybersquatting", et propose une démonstration avec sa propre marque ici. L'outil ramène dans ses filets des noms qui n'ont pourtant rien à voir avec le cybersquatting, comme sharlopovhotels.biz (les hôtels Sharlopov). Ce qui montre bien qu'il est difficile de traduire les subtilités du droit des marques en langage machine, et qu'un nom seul ne peut être vu comme portant atteinte à un signe préexistant !

CONTENTIEUX
Les noms de domaine mma-prejudice-moral-economique.com, mma-zero-tracas-publicite-mensongere.com et mma-zero-blabla-publicite-mensongere.com ont été jugés... proches de la marque MMA au point de prêter à confusion avec elle (!) Peut-on considérer qu'affubler une marque de tels termes critiques laisse à penser qu'on a à faire à cette marque ? Selon l'expert qui a tranché dans la décision UDRP D2012-2316, si on écarte le risque de confusion, alors on ne peut plus combattre le cybersquatting. C'est une interprétation très (trop) large des règles UDRP : il ne s'agit pas de cybersquatting au sens qu'il avait quand les règles UDRP ont été écrites il y a bientôt 15 ans, et cette procédure est limitée aux cas manifestes d'atteintes aux marques. Il y a ici un renversement complet de l'approche : alors que la procédure est faite pour combattre certains cas d'atteinte, elle est ici étendue à des situations qui sortent de son champ.

Ayant pris connaissance de l'existence d'un site dont le nom est sacslongchamppascherfrs.com, le titulaire de la marque Longchamp n'a pas "dégainé" son droit de marque, mais notifié à Google qu'il a un droit d'auteur sur le logo composé d'un cheval. Pourquoi notifier à Google plutôt qu'engager une procédure relative au nom de domaine ? D'abord parce qu'un tel nom peut être vu comme licite, dans la mesure où il ne fait que citer une marque pour désigner les produits vendus (à la condition que ces produits soient authentiques). Ensuite, on a certainement ici un exemple de changement de stratégie suite au changement de politique de référencement de Google l'été dernier : le signalement d'atteintes au copyright est censé faire baisser le référencement du site concerné, donc le rendre moins "gênant" pour le titulaire des droits sur Longchamp.

Critiquable décision rendue par la Cour Suprême du Canada : il suffirait qu'une marque déposée à l'étranger soit utilisée sur un site web pour qu'elle puisse constituer une antériorité susceptible de faire échec à l'enregistrement d'une marque à l'intérieur du Canada ! En l'occurrence, le site américain vrbo.com souhaitait attaquer le dépôt au Canada de la marque VRBO. Le site ne dirigeait pas ses activités vers le Canada, mais la juridiction a considéré que les habitants du pays y avaient accès puisqu'il était sur internet.
Ainsi que l'explique Michael Geist, celui qui cherchait à déposer la marque au Canada n'était pas animé des meilleures intentions (il voulait la revendre à la société américaine, forme de cyberquatting à rebours !). Il n'empêche que la décision est critiquable si elle doit constituer un précédent.