- comment enfumer Twitter,
- l'AFNIC aurait-elle dû publier un "guide des ayants droit" ?
- OVH propose un outil de détection du cybersquatting
- quelques décisions récentes et étonnantes
ASTUCES
L'ingénieux Maxime explique comment il est possible de récupérer un alias Twitter :
Comment récupérer un compte Twitter maxime.sh/39Il suffit - et il a testé la méthode - d'enregistrer un nom de domaine reprenant l'alias désiré, puis d'y associer une adresse mail à partir de laquelle on fera une requête auprès de Twitter. Prétendre, dans cette requête, que le compte Twitter est usurpateur, suffit apparemment pour que la société le transfère au requérant.
— Maxime VALETTE (@maxime) January 9, 2013
C'est tout à la fois bluffant et terrifiant. Quand on pense qu'il y a des personnes qui prétendent que les marques sont mal protégées sur les réseaux sociaux, cet exemple montre à l'inverse à quel point il est aisé et peu coûteux de récupérer un signe à l'échelle du globe. Les conditions générales des médias sociaux vont beaucoup plus loin que les règles de la propriété intellectuelle.
.FRoid dans le dos
L'AFNIC a publié un guide à l'attention des ayants droit : "comment faire respecter vos droits sous le .fr". Une initiative qui part certainement d'une bonne intention, afin de guider les titulaires, notamment de marques, dans les méandres des noms de domaine. Un guide a été élaboré pour expliquer ce que c'est que le système d'adressage, explique de manière didactique le cadre juridique applicable en France, etc.
Problème : dans le cadre de ses activités, l'AFNIC est aussi chargée de trancher les litiges relatifs aux noms en .fr. Autrement dit de départager les ayants droit de ceux qu'ils attaquent. Imagine-t-on une juridiction envoyer un communiqué de presse pour se vanter du nombre de personnes qu'elle a envoyé en prison ou du nombre de locataires dont elle a permis l'expulsion ? C'est la remarque acerbe que fit naguère une membre du Board de l'ICANN, Wendy Seltzer, alors que l'OMPI avait publié un communiqué pour se féliciter de la façon dont son centre d'arbitrage avait combattu le cybersquatting. Selon Wendy Seltzer, un tel document est contraire à la neutralité que doit afficher un centre chargé de régler des litiges, donnant une apparence de partialité (“appearance of bias”). Elle ajoutait aussi que le communiqué ressemble plus à la promotion d'un service destiné aux titulaires de marques qu'à celle d'un organe neutre.
Suite à cela, le communiqué avait été mis hors ligne. En voici une copie écran :
Ces remarques reviennent à l'esprit en découvrant la démarche du registre du .fr. Même s'il ne s'agit que d'y renseigner les ayants droit, la démarche est problématique. Maintenant qu'il n'est plus possible de revenir en arrière, il faudrait espérer qu'elle soit au moins contre-balancée par un guide à destination des personnes attaquées dans le cadre d'une procédure Syreli ou d'une procédure judiciaire relative à un nom de domaine en .fr.
OUTILS
OVH propose un outil "d'analyse anti-cybersquatting", et propose une démonstration avec sa propre marque ici. L'outil ramène dans ses filets des noms qui n'ont pourtant rien à voir avec le cybersquatting, comme sharlopovhotels.biz (les hôtels Sharlopov). Ce qui montre bien qu'il est difficile de traduire les subtilités du droit des marques en langage machine, et qu'un nom seul ne peut être vu comme portant atteinte à un signe préexistant !
CONTENTIEUX
Les noms de domaine mma-prejudice-moral-economique.com, mma-zero-tracas-publicite-mensongere.com et mma-zero-blabla-publicite-mensongere.com ont été jugés... proches de la marque MMA au point de prêter à confusion avec elle (!) Peut-on considérer qu'affubler une marque de tels termes critiques laisse à penser qu'on a à faire à cette marque ? Selon l'expert qui a tranché dans la décision UDRP D2012-2316, si on écarte le risque de confusion, alors on ne peut plus combattre le cybersquatting. C'est une interprétation très (trop) large des règles UDRP : il ne s'agit pas de cybersquatting au sens qu'il avait quand les règles UDRP ont été écrites il y a bientôt 15 ans, et cette procédure est limitée aux cas manifestes d'atteintes aux marques. Il y a ici un renversement complet de l'approche : alors que la procédure est faite pour combattre certains cas d'atteinte, elle est ici étendue à des situations qui sortent de son champ.
Ayant pris connaissance de l'existence d'un site dont le nom est sacslongchamppascherfrs.com, le titulaire de la marque Longchamp n'a pas "dégainé" son droit de marque, mais notifié à Google qu'il a un droit d'auteur sur le logo composé d'un cheval. Pourquoi notifier à Google plutôt qu'engager une procédure relative au nom de domaine ? D'abord parce qu'un tel nom peut être vu comme licite, dans la mesure où il ne fait que citer une marque pour désigner les produits vendus (à la condition que ces produits soient authentiques). Ensuite, on a certainement ici un exemple de changement de stratégie suite au changement de politique de référencement de Google l'été dernier : le signalement d'atteintes au copyright est censé faire baisser le référencement du site concerné, donc le rendre moins "gênant" pour le titulaire des droits sur Longchamp.
Critiquable décision rendue par la Cour Suprême du Canada : il suffirait qu'une marque déposée à l'étranger soit utilisée sur un site web pour qu'elle puisse constituer une antériorité susceptible de faire échec à l'enregistrement d'une marque à l'intérieur du Canada ! En l'occurrence, le site américain vrbo.com souhaitait attaquer le dépôt au Canada de la marque VRBO. Le site ne dirigeait pas ses activités vers le Canada, mais la juridiction a considéré que les habitants du pays y avaient accès puisqu'il était sur internet.
Ainsi que l'explique Michael Geist, celui qui cherchait à déposer la marque au Canada n'était pas animé des meilleures intentions (il voulait la revendre à la société américaine, forme de cyberquatting à rebours !). Il n'empêche que la décision est critiquable si elle doit constituer un précédent.