Nouveaux gTLDs
Faut-il permettre ou non que les nouveaux TLD dits "génériques" soient réservés à l'usage exclusif du candidat ? La question a attiré de nombreux commentaires - même si elle pose de sérieux problèmes méthodologiques (comme je l'ai écrit par ailleurs). Si l'on cherche à en faire la synthèse :
- les contributions les plus nombreuses (et pas toujours les plus riches ou motivées...) sont celles de particuliers, qui sont majoritairement contre ;
- différents groupes sectoriels - en particulier dans l'industrie du livre (coucou le SNE !) qui prennent pour cible le .book d'Amazon - se sont élevés contre cette possibilité, ainsi que des grandes entreprises n'ayant pas candidaté ;
- les registrars (dont le français Domainoo), évidemment, préfèreraient qu'il y ait le maximum de noms de domaine à enregistrer au second niveau ;
- la plupart des personnes qui mettent en avant la liberté des opérateurs de faire de leur TLD ce qu'ils entendent appartiennent au monde académique.
L'Independant Objector a réussi un exercice de haute voltige juridique : établir un cadre d'analyse pour définir si un nouveau domaine de premier niveau est contraire aux règles généralement acceptées en matière d'ordre public et de bonnes moeurs et reconnues dans les principes du droit international (j'ai un doute sur ma traduction libre de "contrary to generally accepted legal norms relating to morality and public order that are recognized under principles of international law" - commentaires bienvenus !). Comment en effet faire le lien - le grand écart, serait-il plus juste d'écrire ! - entre l'ordre public d'un pays très libéral et celui d'un pays très strict ? Comment caractériser que le .crs, le .fail, le .sex ou le .sucks est mondialement (in)acceptable ? L'Independant Objector a inventorié un ensemble de conventions internationales qui contiennent des dispositions évoquant l'ordre public et les bonnes moeurs.
La lutte contre l'alcoolisme, par exemple, relève de la protection de la santé publique, et la consommation est sanctionnée, voire bannie, dans plusieurs Etats. Faut-il alors laisser créer le .vodka ? L'expert relève que la culture ou la religion peut proscrire l'alcool, ainsi que diverses lois nationales, mais qu'il n'existe pas de texte international qui puisse constituer au niveau supra-étatique une base légale pour l'interdiction de l'alcool ("there is no legal norm that would transcribe such a value judgment at the international level"). La suite est logique : s'il n'existe pas un minimum de consensus entre plusieurs pays sur la question de l'alcool, comment pourrait-on donner suite à une objection qui aurait un effet global ?
Contentieux
La justice a beaucoup de pouvoirs... dont celui d'empêcher un nom de domaine d'expirer, alors qu'il n'est plus enregistré : publication.com a fait l'objet d'une ordonnance l'empêchant d'être snappé par le premier venu.
Ironie de la variété des modes de régulation des noms de domaine : alors que son nom de domaine rojadirecta.com avait été saisi par les autorités américaines, le titulaire de la marque correspondante a pu faire ses droits sur rojadirecta.pro au moyen d'une procédure UDRP (D2012-1899).
courtage-swisslife.com ne contrefait pas la marque SWISS LIFE : "aucune confusion n’est possible pour un internaute d’attention moyenne qui se connecte à un site dont le nom commence par courtage car il ne peut que savoir qu’il est en contact avec un courtier qui représente plusieurs sociétés d’assurances et non avec la société d’assurances elle-même". Aucune confusion ! Voilà une ordonnance du tribunal de grande instance du 14 janvier 2013 qu'il conviendrait de faire lire aux nombreux experts qui ont rendu des décisions UDRP qui majoritairement disent l'inverse, et considèrent que l'association d'une marque à un terme générique du secteur d'activité de son titulaire suffit à caractériser la confusion...
J'avais évoqué un contentieux engagé par Merck contre Facebook, après la fermeture abrupte de sa page facebook.com/merck, à ma connaissance la seule action judiciaire engagée contre le réseau social pour mettre en cause ses conditions contractuelles. Facebook peut-elle supprimer le fonds de commerce électronique qu'y a développé une entreprise sous sa marque ? La juridiction de l'Etat de New-York ne se prononcera pas, les parties ayant visiblement abouti à un accord. Désormais, la page de Merck est accessible par l'URL facebook.com/MerckBeWell
Marché
Comme à chaque fois qu'elle est publiée, l'analyse lexicographique des noms de domaine en .fr se révèle intéressante pour les juristes. On y apprend qu'un titulaire de marque a protégé celle-ci contre le typosquatting en recourant à 1249 combinaisons différentes !!!
Il est aussi confirmé que les termes france et paris figurent en tête des noms de domaine les plus enregistrés : plus de 12.000 contiennent le premier terme, et au moins autant le second, dont l'utilisation est toujours plus marquée (+ 43 % de noms en .fr contenant paris depuis mi-2011). Cela est d'autant plus topique que le titulaire de la marque Paris est connu pour ses diverses actions en revendication relatives à de tels noms de domaine... (au passage, si le nom omparis.ch a fait l'objet d'une procédure ADR, celle-ci a été engagée et remportée par un tiers).
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