La SARL Ingess est à la tête d'un réseau de franchise d'hôtels, pour lesquels elle détient des marques comportant le mot Arcotel : Arcotel accueil routier
caristes-Chaîne d'Hôtels et Restaurants des Centres Routiers, Arcotel
Trucks Center et Arcotel Restaurant.
Elle a appris que la société Arcotel Mulhouse A 36 utilisait ce même signe « Arcotel
», sans son autorisation, dans sa dénomination sociale, dans son nom commercial et à titre
d'enseigne pour désigner des services proposés dans l'hôtel-restaurant
qu'elle exploite. Cette même société vantait ses services en ligne sous les noms de domaine arcotel.fr et arcotel-mulhouse.com.
La société Ingess a assigné en contrefaçon non seulement cette société, mais aussi... son gérant. Pourquoi le gérant ? Parce que, notamment, c'est le nom de ce dirigeant qui apparaît dans le whois du nom arcotel.fr comme la personne à contacter relativement à cet enregistrement.
La Cour ne se laisse pas prendre au piège du demandeur, qui souhaitait voir le gérant personnellement responsable de décisions prises dans le cadre de ses fonctions, pour le compte de la société... Mais si elle rejette cette demande, c'est au motif que les éléments du whois "donnent l'adresse du siège de la société, non celle du domicile personnel [du gérant]". C'est pourtant sur la seule mention du titulaire qu'aurait dû se prononcer la Cour.
A noter que le tribunal de grande instance qui s'était précédemment prononcé sur la même affaire (Paris, 13 janvier 2010) avait pour sa part retenu la responsabilité personnelle du gérant !
La Cour va aussi rejeter la demande de contrefaçon de marque, au motif que la société attaquée faisait précédemment partie du réseau d'hôtels racheté par le demandeur, et a ainsi légitimement exploité le signe Arcotel.
Convaincant sur le volet "marques", l'arrêt l'est bien moins dans sa dimension "noms de domaine", dont le transfert était demandé.
Après avoir constaté que la société attaquée exploite bel et bien le nom arcotel.fr, la Cour vise l'article R. 20-44-45 du code des postes et des
télécommunications électroniques (selon lequel « un nom identique ou
susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit
de propriété intellectuelle par les règles nationales ou communautaires
ou par le présent code ne peut être choisi pour nom de domaine, sauf si
le demandeur a un droit ou un intérêt légitime à faire valoir sur ce nom
et agit de bonne foi »). L'arrêt est postérieur à la décision du Conseil Constitutionnel d'annuler cette disposition, mais ce point n'est pas débattu ici.
Selon la Cour d'appel, si la société défenderesse avait pu continuer d'utiliser le nom Arcotel pour son établissement autoroutier, c'était parce qu'il était "inséparable de la fonction de désignation" de cet établissement hôtelier. Mais elle considère que "le choix de ce signe dans le nom de domaine arcotel.
fr, dès lors qu'il n'est plus associé à cet établissement, induit un
risque de confusion avec le même signe sur lequel la société ingess
possède, à titre de marque, un droit de propriété intellectuelle".
Le raisonnement est si elliptique qu'on a du mal à le comprendre. Surtout, il fait peu de cas de l'intérêt légitime dont le texte prévoit qu'il doit jouer en faveur du titulaire du nom de domaine. S'il est possible d'utiliser un terme pour son activité commerciale "physique", pourquoi diable ne serait-il pas possible de jouir de son équivalent électronique ?*
La Cour prononce donc le transfert du nom en .fr, mais refuse le transfert du nom arcotel-mulhouse.com (puisque le texte français ne s'applique pas aux noms en .com).
[Paris, 4 janvier 2012]
* Dans le cas présent, on pourrait même dire : quelle différence entre autoroutes et autoroutes de l'information ?
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