May 30, 2012

Les noms de domaine internationalisés - l'Internet pour tous, protection de droits de propriété intellectuelle pour certains ?

Contribution de Mlle Radmila Chapuis


Les procédures « Sunrise » ont bercé le lancement des nouvelles extensions en caractères non latins, destinées à prévenir les comportements malveillants de la part d'acteurs indélicats qui se serviraient de cette ouverture pour porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle.
Ces phases prioritaires rythment l’ouverture progressive d’une extension, permettant aux personnes physiques ou morales d’accéder à l’enregistrement prioritaire d’un nom de domaine correspondant à la dénomination d’un élément donné.
L'analyse de ce mécanisme révèle une démarche protéiforme qui diffère d'extension à extension.
Ainsi, une différence notable existe entre l'encadrement de l'introduction des extensions du programme de création de domaines de premier niveau personnalisés (gTLD) et celui de la création des codes de pays internationalisés de premier niveau (IDN).


1. Programme de création de domaines de premier niveau personnalisés
Le système de « Trademark Clearinghouse » est le dispositif par lequel l'ICANN prévoit d’offrir protection aux titulaires de droits de marque à l’égard desquels les nouvelles extensions sont source de risques.

1.1. Une phase « Sunrise »
Les titulaires de marques bénéficieront du droit d'enregistrer l'extension correspondant à leur marque à condition de prouver qu'ils appartiennent à cette communauté que l'extension est censée représenter. A défaut, ils devront témoigner d'un intérêt particulier. Ce dispositif est en cohérence avec l'attache habituelle que manifeste l'ICANN à l'égard du droit de marque, sans conférer de possibilités similaires de protection aux titulaires d'autres droits de propriété intellectuelle (collectifs, comme les appellations d'origine ou indications de provenance).

1.2. « Trademark Claims Service »
Novateur, ce service est seulement destiné à informer le futur registrant que le nom de domaine qu’il souhaite enregistrer pourrait se heurter à un droit de marque antérieur. Conçu comme une sonnette d’alarme, il ne permet pas pour autant d'éviter des enregistrements abusifs car il a pour but d’informer le titulaire du droit de marque (prétendument concerné par l’enregistrement litigieux) et le registre de la survenance de l'enregistrement, à charge pour eux d’emprunter les voies extra-judiciaires pour contester cet enregistrement litigieux.


2. Programme intensif de codes de pays internationalisés de premier niveau

2.1. Le choix du grandfathering (principe de translittération)
Les registres français et serbe, entre autres, ont choisi de permettre aux titulaires de noms de domaines enregistrés dans l’extension latine du pays de réserver prioritairement leurs noms de domaine dans l'extension non latine à condition de respecter le principe de translittération, c'est à dire la transcription lettre par lettre du nom de domaine antérieur dans l'alphabet non latin afin de créer le nom de domaine correspondant en lettres non latines.
Certains pays ont même alloué automatiquement aux titulaires ayant enregistré un nom de domaine dans l'extension latine un nom de domaine correspondant en caractères non latins (tel le .香港).
Cette démarche s'explique par l'intérêt du programme de lever la barrière de la langue qui empêche certaines populations locales ne maîtrisant pas l’écriture de l’alphabet latin d’accéder à internet. De cette manière, la mise à disposition du même nom de domaine que celui enregistré dans l'extension latine satisfait évidemment à ce but, puisque les internautes concernés bénéficieront de l'accès aux mêmes sites que ceux enregistrés au sein de l’extension de premier niveau du pays.

2.2 Ouverture progressive en plusieurs phases
D'autres registres ont choisi de lancer leur IDN en plusieurs phases, donnant tantôt priorité aux titulaires de marques (parfois toutes marques, parfois seulement les marques enregistrées en caractères non latins ou encore des marques désignant le pays concerné) tantôt la priorité aux institutions publiques.
Les combinaisons pour lesquelles les registres des pays ont opté sont différentes, allant jusqu’à la fixation d’un ordre décroissant en cas de réception de plusieurs demandes portant sur un même nom de domaine (quant au .قطر, l’extension du Qatar) ou d’autres constellations compliquées.
Cette manière de procéder traduit le souci de protéger particulièrement les bénéficiaires de la phase prioritaire afin de limiter la possibilité de comportement malveillants au sein de l'extension nouvelle à l'égard de la catégorie prioritaire.

1 comment:

Noms said...

Très intéressant cet article.