March 28, 2008

Cybersquatting en bande organisée

Les caisses centrale et régionales de crédit mutuel utilisent le nom de domaine credit-maritime.fr. La caisse centrale est par ailleurs titulaire de diverses marques dans lesquelles figure la mention Crédit Maritime. Cette appellation fait en outre l'objet d'une protection légale spécifique (ce qui est assez rare pour être mentionné ; à l'instar des caisses de crédit maritime, les banques populaires bénéficient, elles aussi d'une telle protection particulière).
Deux membres d'une même famille utilisaient le nom de domaine credit-maritime.com pour critiquer cette institution, et certains de ces dirigeants. Leur condamnation avait été prononcée en référé (dans des conditions critiquables en ce qu'elle ne fait pas le distinguo entre les responsabilités respectives : voir le commentaire auquel renvoie ce billet).

Alors qu'une procédure venait d'être engagée contre ces deux personnes, un troisième membre de la famille enregistrait credit-maritime.net, puis i-creditmaritime.net. A partir du second de ces noms , il conçut une page critiquant le Crédit Mutuel Maritime. Quant au premier de ces noms, il le transférait trois ans après sa création à l'une des deux personnes condamnées évoquées plus haut, nom qui sera re-transféré trois mois plus tard à un tiers qui l'a redirigé vers un site pornographique (vous suivez toujours ?). Et puis, sur sa lancée, il enregistrait aussi e-creditmaritime.com, i-creditmaritime.com, i-credit-maritime.com, e-creditmaritime.net, e-creditmaritime.org, i-creditmaritime.org, i-credit-maritime.org, e-creditmaritime.info, e-credit-maritime.info, e-credit-maritime.com, e-credit-maritime.net et e-credit-maritime.org. De son côté, un quatrième homme enregistrait creditmaritime.net et creditmaritime.org, pour les associer à des contenus injurieux et diffamatoires envers l'établissement de crédit.

Tout ce petit monde se retrouve devant le tribunal de grande instance de Paris pour le jugement au fond,* ce qui fait du monde à la barre : d'un côté, toutes les caisses régionales de crédit maritime en plus de la caisse centrale, de l'autre tous ceux qui ont à un moment ou un autre eu entre leurs mains les noms de domaine cités, mais aussi leurs registrars. Ces derniers ont été mis dans la procédure pour qu'il puisse leur être enjoint de garder sous séquestre les noms litigieux et/ou de révéler l'identité des titulaires de noms, qui avaient dissimulé leur identité lors des enregistrements.

Tous ces noms ayant été associés à des contenus considérés comme injurieux ou diffamatoires, le tribunal a jugé sans détour que
L'internaute qui souhaite accéder au site officiel du Crédit Maritime peut, compte tenu de la proximité des noms de domaine avec la dénomination sociale et le nom commercial des demanderesses, être dirigé vers les sites litigieux.
Il est ainsi indéniable que le choix des termes "crédit maritime" dans les noms de domaine litigieux n'avait pour objectif que de nuire aux demanderesses en portant notamment atteinte à leur réputation.
Il juge donc que les enregistrements ont été faits en fraude des droits des demanderesses et portent atteinte à leur nom commercial, à leur dénomination sociale, à leur nom de domaine, à leur enseigne, mais aussi ont violé les dispositions légales particulières entourant le nom Crédit Maritime (ce qui entraîne la responsabilité civile des intéressés).
De façon notable (car la jurisprudence n'a pas toujours été aussi orthodoxe...), il est en revanche jugé que l'usage de ces noms en association avec des contenus pornographiques ne peut être qualifié de contrefaçon, car il n'y a pas de similitude entre ces services sulfureux et des activités de banques.
En plus du transfert des noms litigieux, les défendeurs se voient tous interdits d'utiliser les termes "crédit maritime" sous quelque forme que ce soit.
Le tribunal va ensuite ventiler les responsabilités, pour condamner les divers protagonistes à des dommages-intérêts de montant différent, selon le nombre et l'utilisation des noms de domaine détenus (ce qui tranche nettement avec l'arrêt qu'avait rendu la cour d'appel de Rennes).


* 9 janvier 2008. Merci à Emmanuel Gillet pour la communication de la décision, qu'il a commentée sur Domaines.Info

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