June 05, 2009

Publicité par mots-clef : du neuf !

Dans une nouvelle affaire relative à des liens commerciaux figurant en marge des résultats fournis par Google sur son site, le TGI de Paris a jugé (28 mai 2009) que
L’internaute qui effectue une recherche à partir du mot-clé Look Voyages manifeste a priori un intérêt pour cette société qu’il connaît ou dont la notoriété l’incite à consulter le site Internet.
Néanmoins, le fait pour un concurrent d’apparaître au côté du site Internet de la demanderesse ne peut suffire à caractériser un acte déloyal car il entre dans le jeu normal de la concurrence de chercher à attirer vers soi les clients potentiels même si ceux-ci ont déjà effectué une démarche montrant leur intérêt pour une autre entreprise.
Les habitués de la jurisprudence en la matière n'auront pas manqué de s'étonner de cette nouvelle approche de la publicité par mots-clef. Néanmoins, le contentieux est ici relatif aux "requêtes larges" (broadmatch) ; les publicités litigieuses sont combinées non pas à la marque "LOOK VOYAGES", mais au seul terme courant "voyages", ce qui fait qu'on ne peut rapprocher de façon pertinente cette décision de la majorité de celles déjà rendues :
Le choix du mot “voyages” pour déclencher le référencement de son site Internet alors que ce terme est un mot du langage courant indispensable à la désignation de l’activité de voyagiste, ne manifeste pas une volonté particulière de s’approprier la notoriété de la société Look Voyages et il ne peut être considéré comme fautif. Aussi, le faitpour la société Google d’offrir la possibilité de se référencer à partir de ce terme et de maintenir ce référencement après réclamation de la société Look Voyages, ne peut non plus être considéré comme fautif.
Ainsi le référencement d’ un site concurrent dans le cadre d’unerequête large basée sur le mot voyage, n’est pas constitutif d’un acte déloyal susceptible d’engager la responsabilité de son auteur, même si le réferencement répond à une recherche effectuée par un internaute au moyen de la marque Look Voyages.
La vraie nouveauté de ce jugement se situe plutôt dans son volet "publicité trompeuse". Alors qu'il a été plusieurs fois jugé contre Google que le terme "liens commerciaux" était de nature à induire en erreur, voici ce que dit le tribunal :
L’internaute moyennement informé qui a l’habitude de recourir au moteur de recherche Google, sait que ses recherches sont susceptibles de faire apparaître de nombreux résultats dont il devra apprécier la pertinence.
Ainsi même s’il ne connaît pas l’existence du service Adwords, il ne s’étonne pas que sa recherche puisse aboutir à l’affichage de plusieurs sites et il ne considère pas que les différents sites, produits, services ou entreprises qui sont mentionnés, ont nécessairement un lien entre eux.
Au surplus, la présentation de la page du site Google lui fera nécessairement faire la distinction entre les sites situés à gauche et ceux apparaissant à droite sous la bannière “liens commerciaux”. La permanence de cette présentation depuis 2002 lui a permis d’en acquérir l’expérience de telle sorte qu’il ne s’en étonne plus et qu’il a appris à l’utiliser pour obtenir très facilement des offres concurrentes qui lui permettent de confronter différentes propositions.
(...) l’internaute moyennement informé, a non seulement appris à connaître le fonctionnement d’Internet mais il a en a aussi appris le vocabulaire le plus courant de telle sorte qu’il ne se trompe pas sur le sens à attribuer aux termes “liens” et “liens commerciaux”.
C'est donc désormais officiel : l'internaute est intelligent !

1 comment:

Anonymous said...

Cher professeur,

Si vous analysez plus attentivement le jugement du 28 mai 2009, vous constaterez qu'il ne concerne pas uniquement le choix du mot-clé "voyage" en requête large, mais également le choix de "Look Voyages" en mot-clé exact. Le tribunal a d'ailleurs prononcé un sursis à statuer, dans l'attente de connaître la position de la CJCE, en ce qui concerne la contrefaçon résultant de la sélection de la marque à titre de mot-clé.

L'attendu du jugement sur l'absence de concurrence déloyale résultant du positionnement d'un lien commercial sur la page des résultats correspondant à la requête "Look Voyages" a donc une portée générale.

Du reste, il n'y a concrètement aucune différence, du point de vue du consommateur moyen, entre un affichage déclenché par la requête large et un affichage déclenché par le choix de la marque en mot-clé exact. Or, depuis l'entrée en vigueur de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, la perception du consommateur est désormais le seul critère à l'aune duquel doit être apprécié le caractère déloyal d'une pratique commerciale, telle qu'une campagne de référencement payant.

Bien à vous,

SP