May 26, 2011

Lutte contre le cybersquatting & données personnelles

Les entreprises gérant d'importants portefeuilles de marques font aussi face à un important contentieux, qu'elles gèrent de manière industrielle : outils de veille, notifications automatiques, tableaux de suivi, reporting, etc. La lutte contre la fraude passe aussi (passe d'abord ?) par la collecte et le traitement d'informations.

Parmi ces informations, certaines peuvent relever des données personnelles. Quand c'est le cas, leur traitement suppose le respect de règles protectrices des individus. C'est pourquoi la société Chanel a demandé à la CNIL s'il lui était possible de mettre en oeuvre un "traitement de données à caractère personnel ayant pour finalité la lutte contre la contrefaçon (base de données « Diams/HyperMark »)".

La CNIL lui en a récemment donné l'autorisation (Délibération).

La demande de la société Chanel avait pour but de pouvoir assurer la gestion et le suivi, par elle ou ses licenciés ou revendeurs :
- des procédures relatives aux demandes d'enregistrement, à la publication, à l'enregistrement et au renouvellement des marques et noms de domaines de chacune de ces sociétés, en France et à l'étranger,
- des oppositions relatives aux marques et noms de domaines formées à l'égard des tiers ou formées par des tiers à l'égard de ces sociétés, et ce en France ou à l'étranger,
- des procédures contentieuses en cours relatives aux marques et noms de domaines engagées à l'encontre de tiers ou engagées par des tiers à l'encontre de ces sociétés,
- du précontentieux (collecte des informations relatives aux violations des droits des marques et noms de domaines de Chanel ainsi qu'aux atteintes à son réseau de distribution ou à son image, identifiées en France ou à l'étranger ; consultation des informations relatives à ces violations ; suivi et coordination des actes précontentieux initiés).

La demande portait aussi sur la gestion et l'analyse des coûts, frais, dépenses, et de façon plus générale, de toutes les sommes engagées ou obtenues par Chanel dans le cadre de ces procédures, ainsi que la production de ces données à des fins de comptabilité et de justificatifs fiscaux.

Il était précisé que la base de données Diams/HyperMark permettant ces traitement est susceptible de faire l'objet d'une interconnexion avec la base de données TPS, laquelle a pour finalité la lutte contre la contrefaçon des droits d'auteur, des dessins et modèles, et des brevets.

Quelles sont les données que Chanel est susceptible d'intégrer à cette base ?
Dans son dossier à la CNIL, elle a indiqué qu'il pourrait s'agir :
- des données d'identification (nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance),
- des données relatives à l'adresse postale,
- des données relatives à l'utilisation des médias et aux moyens de communication (informations relatives aux sites Internet utilisés, adresses électronique, fournisseurs d'accès),
- des données relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté : décisions de justice résultant des procédures engagées, décisions des organismes en charge du dépôt et de la gestion des marques et noms de domaines.

S'agissant des durées de conservation de ces données, Chanel précise :
- dans le cas où la société CHANEL SAS décide de ne pas poursuivre : les données seront conservées pendant un an à compter de la décision définitive de clôture du dossier ;
- dans le cas où la société CHANEL SAS décide de poursuivre : les données seront conservées en base active pendant toute la durée de la procédure judiciaire ou jusqu'au règlement amiable du dossier, puis en archives pendant une période de dix ans ;
- dans le cas où la société CHANEL SAS décide de ne pas poursuivre immédiatement : les données seront conservées en base active pendant une durée de cinq ans à compter de la dernière violation constatée ou du dernier acte effectué par les Sociétés CHANEL (acte de recherche, d'enquête, d'investigation ou de poursuite), puis en archives pendant 10 ans.

Cette base ne sera pas ouverte à tous les employés de Chanel et de ses filiales ou revendeurs, mais aux "agents des services juridiques et comptables de la société CHANEL SAS, et [aux] conseils chargés d'assister cette société dans la protection de ses droits de marques et noms de domaines".

En matière de données personnelles, il est prévu un droit d'information des personnes concernées par le traitement. Chanel propose de le faire de cette manière : "L'information des personnes concernées relative à l'existence de la base de données Diams/HyperMark se fera notamment par une mention insérée dans les mentions légales des différents sites Internet de la société CHANEL SAS. La société informera également les personnes concernées de la mise en place de traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre pour lutter contre la contrefaçon dans les mises en demeure qu'elle adressera à ces personnes".

Cela peut-il suffire ? La CNIL estime que oui, "compte-tenu des circonstances particulières" de la lutte contre la contrefaçon que doit mener Chanel : "imposer à la société CHANEL SAS d'informer les personnes concernées dans la lettre de mise en demeure qui leur est adressée, conformément à l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, serait contraire à l'objectif de protection des droits de propriété intellectuelle de la société CHANEL SAS et limiterait l'effectivité du droit de cette dernière à exercer un recours juridictionnel".

La CNIL autorise en outre le transfert encadrés de données à l'étranger, "vers les services juridiques et comptables des sociétés CUPFSA (Panama), CHANEL KK (Japon), CHANEL Inc. (USA) et The CHANEL Company Ltd (USA)".

1 comment:

Anonymous said...

Voilà une délibération intéressante. J'ai hâte d'aller voir comment la CNIL concilie l'autorisation délivrée à une entreprise gérant un portefeuille de marque avec l'article 9 de la loi du 6 janvier 1978 qui limite les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions aux juridictions, aux autorités publiques et aux personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales (art 9-1°) ; aux auxiliaires de justice (art 9-2°) et aux sociétés de gestion collectives mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du CPI (art 9-4, le 9-3 ayant été censuré par le Conseil Constit)