November 09, 2011

La nouvelle procédure SYRELI : questions - réponses

Inspirés de l'exemple UDRP, une cinquantaine de registres de par le monde ont créé une procédure spécifique de résolution des litiges permettant de ne pas passer par la voie judiciaire. Certains registres ont choisi de la faire administrer par le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI, d'autres par des structures d'arbitrage distinctes (par exemple le CEPANI pour le .be), d'autres encore désignent eux-même les experts appelés à trancher (c'est le cas de Nominet). La plupart des procédures sont prévues par contrat, mais certaines ont pour source un texte règlementaire : c'est le cas du .eu, régi par le Règlement 874/2004.

En France, a récemment été rendue publique une nouvelle procédure alternative de règlement des litiges relatifs aux noms en .fr et .re. Baptisée SYRELI (SYstème de REsolution des LItiges), elle peut être mise en oeuvre à partir du 21 novembre prochain. Comme tout nouveau texte, celui-ci peut susciter des questions, tant pour ceux qui voudraient l'utiliser que pour ceux qui pourraient être affectés.

La procédure SYRELI est-elle obligatoire ?
Une personne qui estimerait que ses droits sont violés suite à l'enregistrement d'un nom de domaine en .fr ou .re peut utiliser cette procédure, ou choisir la voie judiciaire (il semble qu'il soit toujours possible d'utiliser le CMAP pour une médiation, mais celle-ci n'aura pas de force exécutoire pour les parties).
Une fois qu'une telle procédure est engagée contre lui, le titulaire du nom de domaine est tenu de répondre dans les délais.
Un nom ne peut faire l'objet à la fois d'une procédure SYRELI et d'une autre procédure.

Qui peut attaquer ?
"Toute personne démontrant un intérêt à agir" peut le faire. Si l'on se réfère à la jurisprudence qui s'est développée autour du .eu, cela peut s'entendre au sens large. Dans le cas d'une marque par exemple, l'Arbitration Center for .eu Disputes a estimé que ce n'est pas seulement le propriétaire qui peut agir, mais aussi le licencié.
La procédure SYRELI pouvant viser des noms portant atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, on peut imaginer qu'une association de défense des valeurs se porte requérante.

En quelle langue ?
La procédure se fait exclusivement en langue française. Les éléments de preuve en langue étrangère doivent être traduits par une personne qualifiée.

A quel prix ?
La procédure est payante, le requérant devant à ce jour s'acquitter d'une somme de 250 € (HT) pour l'engager.

Qui est attaqué ?
Le titulaire du nom de domaine. Dans le cas où celui-ci a concédé l'utilisation du nom de domaine à un tiers, se pose la question de la pertinence du recours à la procédure SYRELI (car l'usage du nom n'est pas du fait du défendeur).
Le titulaire est informé par voie électronique et postale de ce qu'une procédure est engagée contre lui.

Qui saisir ?
L'AFNIC, via sa plateforme dédiée.

Comment saisir ? Comment répondre ?
La procédure se fait entièrement à distance, principalement par voie électronique (subsidiairement par voie postale).
Le titulaire du nom a 21 jours (calendaires) pour répondre, en utilisant le formulaire dédié à cet effet.
Il pourra compléter sa réponse jusqu'à l'expiration de ce délai.

Peut-on attaquer tout nom ?
Deux interprétations sont possibles :
- comme elle ne s'applique qu'à compter du 21 novembre, elle ne peut avoir d'effet que pour les personnes enregistrant ou renouvelant un nom de domaine après cette date ;
- comme la procédure a été approuvée par arrêté, cette onction publique lui donnerait un effet immédiat sur les contrats en cours.
Le texte du règlement posant comme condition que "le nom de domaine a été créé ou renouvelé postérieurement au 1er juillet 2011", cela signifie que le registre a opté pour la seconde lecture.

Quelles preuves peuvent apporter le demandeur et le défendeur ?
Tout élément de preuve est possible, le règlement ne prévoyant pas de limitation de nature ou de volume. La seule règle est que les pièces qui ne seraient pas en français soient traduites.
Ni le rapporteur désigné par l'AFNIC ni le Collège désigné pour trancher ne peuvent procéder à des recherches personnelles.

Quelle est la sanction ?
Le transfert ou la suppression du nom de domaine litigieux. La procédure ne peut donner lieu à des dommages-intérêts.
La sanction n'est exécutée que 15 jours après que les parties en ont eu connaissance.

La décision est-elle rendue publique ?
Oui, mais anonymisée.

La décision peut-elle faire l'objet d'un recours ?
La décision ne sera pas exécutée si, dans les 15 jours suivant sa notification, elle fait l'objet d'un recours devant un tribunal (dont il n'est pas indiqué s'il doit être judiciaire ou administratif).
Si un tel recours est formé, le nom reste gelé jusqu'à ce que la décision soit rendue, ou que la procédure s'arrête.

Quels sont les avantages de la procédure ?
Elle est rapide : la décision doit être rendue dans un délai de deux mois suivant la réception du dossier complet du requérant.
Elle offre une garantie pour le demandeur : pendant celle-ci, le nom est gelé.

Ce blog évoquera-t-il les décisions SYRELI ?
Oui, bien sûr !


==> Voir le Règlement du système de résolution des litiges - Syreli.

3 comments:

Anonymous said...

Question complémentaire, loin d'être anecdotique : qui rend la décision ?
Réponse : un collège de 3 personnes de l'Afnic, constitué du Directeur et de deux salariés.

Question découlant de la précédente : comment l'AFNIC va mettre ses moyens humains à niveau ? Réponse : qui vivra verra, mais à ce jour, il n'apparait pas que des recrutements de juristes soient prévus (http://www.afnic.fr/fr/l-afnic-en-bref/recrutement/).

CM said...

Le règlement indique que le Collège qui décide est une "instance constituée de trois membres titulaires et de deux suppléants, chargée de prendre une décision sur un litige soumis".

Ce collège est composé de trois membres :
- Le DG de l’AFNIC (président du Collège)
- et deux membres titulaires nommés par lui parmi les "collaborateurs" (sic)
de l’AFNIC. Le règlement prévoit qu'ils sont choisi "en raison de leurs compétences juridiques, de leur connaissance des
pratiques du marché des noms de domaine ainsi que de leur expérience nécessaire
pour garantir la bonne exécution de leur intervention dans le traitement des litiges tels
que mentionnés à l’article L45-2 du code des postes et communications
électroniques".

La PREDEC fonctionnait peu ou prou de la sorte. La création de SYRELI ne signifie pas qu'il y aura automatiquement accroissement du nombre de litiges, et donc des besoins en juristes à l'AFNIC !

Notons que la connaissance du marché des noms de domaine est requise, qualité dont on peut douter qu'elle soit commune dans le monde judiciaire traditionnel !

SketchLex said...

Pour faire suite à votre excellent article, je vous propose de découvrir également la procédure SYRELI en images http://sketchlex.com/13/11/2011/aide-memoires/syreli-nouveau-systeme-resolution-litiges-relatifs-aux-fr/