Inversion des rôles dans le couple franco-allemand du droit des noms de domaine ? En Allemagne, les juridictions sont habituellement plus favorables aux acteurs des noms de domaine que leurs homologues françaises. On ne compte plus, par exemple, le nombre de jugements gagnés par Sedo outre-Rhin, alors qu'on les cherche en France. Des investisseurs allemands en noms de domaine sont allés jusque devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, alors qu'ils préfèrent faire profil bas en France. S'il fallait des facteurs d'explication, on pourrait peut-être les chercher du côté du tropisme "naturel" des juges, et aussi de l'ampleur respective des marchés (13 millions de noms en .de, 2 millions en .fr).
Alors qu'il y a quelques jours la cour d'appel de Versailles a jugé que le registre ne peut être tenu responsable si un enregistrement illicite a été effectué dans l'espace qu'il gère, voici que le Bundesgerichtshof, soit la plus haute instance allemande, est allé en sens inverse - ou presque !
Dans une affaire relative au nom regierung-oberfranken.de (I ZR 131/10), les juges ont estimé que le registre local, DENIC, a l'obligation d'annuler l'enregistrement d'un nom de domaine s'il est établi que la violation du droit est évidente et vérifiable sans qu'il soit besoin de chercher des informations supplémentaires ("Die DENIC eG muss eine ihr bekannt gegebene rechtsverletzende Domainregistrierung löschen, wenn die Rechtsverletzung offenkundig und ohne weiteres für sie feststellbar ist").
Question : comment un registre (ou un registrar) peut-il identifier un nom violant manifestement un droit ? Car à l'impossible nul n'est tenu !
Imaginons le cas pratique suivant : nous sommes en France en décembre 2011, le .fr vient de s'ouvrir aux ressortissants européens. Un gallois veut enregistrer conas.fr, qui signifie "comment" dans sa langue, le gaëlique. Admettons que "conas" (mot dans lequel on prononce le s...) soit considéré comme contraire à l'ordre public en France parce qu'injurieux. Tenons compte aussi de l'existence d'une marque française CONAS. Faut-il considérer que l'enregistrement viole l'ordre public, ou un droit de propriété intellectuelle, alors qu'il s'agit d'un terme banal dans la langue de la personne qui l'enregistre ?
Sans connaissance de paramètres tels que la langue ou la nationalité du demandeur de nom de domaine, l'utilisation qu'il compte en faire et sur quel marché (= territoire), il n'est pas possible pour un intermédiaire en noms de domaine d'appliquer la loi. Il ne peut donc être responsable d'une carence.
[Source]
2 comments:
"..la violation du droit est évidente et vérifiable.."
Les allemands se seraient-ils inspirés de l'ancien régime du .FR ?
A la différence que le régime français reposait sur un texte, alors que la décision allemande semble fondée sur le droit commun
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