Dans le cadre de la Procédure alternative de résolution de litiges du .fr, un expert doit faire droit à la requête qui lui est soumise "lorsque l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l'article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l'élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte" (art. 20.c). L'atteinte aux droits est ainsi définie : "une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et au droit au nom, au prénom ou au pseudonyme d'une personne" (art. 1).
Dans la décision local.fr (DFR2006-0018), pour caractériser le comportement déloyal du défendeur, l'expert s'est appuyé sur la charte. Il écrit : "L’article 12 de la Charte imposait au Défendeur de s’assurer, avant tout enregistrement, que le terme qu’il souhaitait utiliser à titre de nom de domaine ne portait pas atteinte aux droits de tiers. Le Défendeur ne justifie pas s’être acquitté de cette obligation. En ne procédant pas à cette vérification, il s’est rendu coupable de négligence fautive, sans préjudice des constatations qui suivent".
En procédant ainsi, l'expert semble être allé au-delà des pouvoirs qu'il détenait. En effet, il s'est placé au stade du choix du nom par le défendeur, c'est-à-dire au stade préalable à l'enregistrement, alors que la caractérisation de l'atteinte suppose que l'enregistrement ait été effectué (et en outre que l'usage du nom soit attentatoire, conformément à la jurisprudence désormais acquise). Par définition, il ne peut y avoir d'atteinte aux droits de tiers avant la réalisation de l'enregistrement, celui-ci seul pouvant donner corps à l'atteinte.
Pour soutenir son raisonnement, l'expert a aussi tenu compte du fait qu'il existait 403 marques protégées en France comprenant le terme LOCAL, et que donc si "le Défendeur avait satisfait à son obligation au regard des dispositions de la Charte, il aurait dû constater que sa réservation risquait de porter atteinte aux droits de nombreux tiers et s’en abstenir". L'argument peut tout aussi facilement être retourné : le fait que coexistent sur le seul territoire français plus de 400 marques comprenant le mot LOCAL est suffisant à montrer que la création et l'usage d'un nouveau signe comprenant ce terme n'est pas mécaniquement attentatoire ! Il ne le devient que s'il est exploité dans des conditions qui portent atteinte aux droits du titulaire sur un signe antérieurement exploité.
La décision rendue est donc critiquable. Il faut en outre ajouter, même si cela n'est pas un commentaire de cette décision mais un commentaire plus général, que la Cour de cassation a récemment montré ses bonnes dispositions à l'endroit des noms de domaine génériques, ce qui peut être indirectement vu comme reconnaissance de l'effet d'opportunité qui consiste à enregistrer de tels noms de domaine.
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