Dans la 21ème circonscription de Paris, le litige entre deux candidats s'est terminé devant la juridiction des référés, qui a eu à connaître de faits très singuliers !
La candidate officiellement investie par le Parti Socialiste est Mme George P. L. En réaction à cette désignation, Michel C., de la même famille politique, s'est présenté contre elle. Le site mis en place par sa concurrente est george-paulangevin.com ; le sien est composé de son nom associé à celui de sa suppléante, charzat-chikirou.fr (on observera que ces deux noms de domaine n'entrent pas dans les prévisions du décret du 6 février 2007, lequel ne prévoit que la protection du nom des élus, et pas des candidats, et dans les seuls espaces nationaux).
Dans la deuxième quinzaine de mai, un membre de l'équipe de campagne de C. a enregistré le nom georgepaulangevin.org, nom qu'il a redirigé vers le site de son candidat. Par ailleurs, une campagne de mots-clef a été lancée : les internautes qui tapaient sur Google les termes "george p. l." voyaient apparaître en suite de leur requête un lien publicitaire les invitant à visiter le site de C.
Afin de faire interrompre le trouble, l'intéressée a saisi la juridiction des référés, afin d'obtenir la suppression de tout lien entre les "AdWords" reprenant son nom et le site de son concurrent, ainsi que le transfert du nom de domaine en .org. Le transfert lui sera accordé par le juge, qui par ailleurs prendra acte de l'interruption de l'usage de mots-clef.
1. L'espèce offre un nouvel exemple de restitution d'un nom de domaine identique au nom d'une personne. L'on sait que l'enregistrement d'un tel nom est susceptible de porter atteinte aux droits de la personnalité ; ici, le transfert est prononcé sur le fondement des articles 808 et 809 du nouveau code de procédure civile qui autorisent le juge à prendre toute mesure propre à interrompre un trouble manifestement illicite.
L'espèce porte plus précisément sur le nom d'une personnalité politique. Le seul précédent connu est relatif au nom francois-bayrou.fr, récupéré par l'intéressé entre les mains d'une personne qui l'avait mis en vente. Le contexte est ici différent : le nom était utilisé pour redirection. S'il avait été exploité à des fins critiques, la décision aurait-elle été différente ? On rappellera que plusieurs décisions UDRP ont reconnu que l'usage du nom d'une personnalité pouvait être un usage légitime. Par ailleurs, aux Etats-Unis, des personnes ayant procédé à des enregistrements de noms d'hommes politiques ont pu les conserver au nom de la liberté d'expression.
2. En portant aussi sur les mots-clef, cette affaire vient contribuer à la compréhension des litiges qui sont relatifs aux liens commerciaux, même si l'affaire est de nature politique, et donc pas commerciale (en tout cas... juridiquement !).
Il n'a pas été nié que les mots "george p. l." avaient été activés dans le programme publicitaire de Google. Mais devant le juge, les défendeurs ont présenté les statistiques de consultation de leur site sur le mois écoulé. Il en ressort que, dans cette période, le site a reçu 328 visites, dont 72 suite à une recherche faite sur Google (soit un quart environ). Ces visites issues de Google font suite à de véritables recherches, et non à un clic sur le lien commercial litigieux.
Le juge n'a pas eu à apprécier la recevabilité ou la portée de ce moyen de preuve, la campagne de mots-clef ayant été stoppée avant qu'il se prononce. Mais il n'en demeure pas moins intéressant de voir que l'habituel débat sur la confusion, toujours délicate à apprécier, est ici éclairé par un traitement statistique. Il en ressort qu'il n'y a pas eu de visite à partir du lien commercial litigieux, donc, ont selon les défendeurs, pas de confusion dans l'esprit du public.
Il est rare de voir, dans ce type de contentieux, les défendeurs faire état des visites sur leur site. Dans un jugement du tribunal de commerce de Paris de 2005, une société assignée en usage illicite de mots-clef avait fait état à l'audience du fait qu'il n'y avait eu en moyenne qu'une vingtaine de visites par mois à partir des AdWords contestés (en excluant du décompte les clics effectués pour les besoins des constats). Le tribunal n'en avait pas tenu compte (pas expressément en tout cas), n'ayant pas corrélé les dommages-intérêts qu'il avait choisi de prononcer à la réalité des visites.
TGI Paris, 31 mai 2007, la Gazette du Net (sympathiquement communiqué par B. Tabaka)
- Voir aussi, sur l'usage de noms de candidats dans des noms de domaine ou URLs, ce premier billet
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