January 17, 2009

Carton jaune

Tiens, revoici les pages jaunes ! Depuis le début des années 2000, divers lieux de règlement des litiges ont eu à connaître de contentieux dans lesquels est impliquée la société française PagesJaunes, en attaque ou en défense. Les juridictions françaises ou communautaires, ainsi que le centre d'arbitrage de l'OMPI (UDRP), ont ces dernières années tranché une ou plusieurs fois dans des affaires dans lesquelles cette société défend son actif, la marque PAGES JAUNES. Selon les cas, ce signe a été considéré comme suffisamment distinctif, ou frisant avec la généricité, ou carrément générique. La survie de la marque, et de l'activité ainsi désignée, dépendant directement de la qualité juridique de celle-ci, cela explique la politique déployée dans diverses arènes judiciaires par la société titulaire de cette marque.

La société PagesJaunes édite des annuaires, soit en papier sous la marque éponyme, soit en version électronique au moyen de l'adresse pagesjaunes.fr. Elle se plaint de l'utilisation par une société GBS de l'envoi de factures portant en entête jaunes-pages.fr. Outre ce nom de domaine, GBS possède également jaunespages.fr et pages-yellow.com. La société PagesJaunes attaque pour faire interdire l'emploi de ces noms, mais aussi couper court à la demande d'enregistrement de la marque française JAUNESPAGES.FR.
Pour la société défenderesse, l'expression pages jaunes est "dans le langage courant et professionnel, la désignation nécessaire, usuelle et générique" des annuaires et services de renseignements téléphoniques. Elle sollicite donc en sens inverse l'annulation de la marque PAGES JAUNES.
Le juge va considérer (en référé !), au visa de l'art. L. 711-2 CPI, que :

Il est constant que si ce signe évoque incontestablement la couleur des pages de l'annuaire, elle ne désigne pas dans le langage courant la désignation nécessaire, générique ou usuelle de ce produit. En outre, le choix de cette couleur est arbitraire et aucune norme nationale ou internationale n'impose de publier sur du papier jaune les annuaires professionnels, au surplus ces marques ont acquis par l'usage ancien et intensif qui en a été fait un caractère distinctif fort
Il est donc jugé que la société PagesJaunes est fondée à se prévaloir d'une telle marque. A partir de là, il est aisé de deviner que l'action en contrefaçon va prospérer :
"Jaunes-pages" est la reprise inversée du signe premier. "Pages-yellow" est la traduction en langue anglaise du deuxième terme de la marque première.
Si ces signes sont sensiblement différents d'un point de vue phonétique et visuel, ils sont semblables d'un point de vue conceptuel s'agissant de la désignation de pages de couleur jaune. (...)
Il existe (...) une similarité entre les services figurant à l'enregistrement [de la marque de la demanderesse] et ceux proposés par la défenderesse qui prospecte de futurs clients en utilisant les signes "jaunes-pages.fr" ou "pages-yellow.com" pour un service d'annuaire en ligne.
Le risque de confusion entre les signes est avéré puisque de nombreux clients de la société PAGESJAUNES se sont plaints du fait d'avoir été démarchés par la société [GBS]".
La société GBS est condamnée à ne plus utiliser, à quelque titre que ce soit, seul ou dans un ensemble de mots le signe "PAGES JAUNES" et notamment sous les formes "jaunes pages", "jaunes-pages" ou "yellow pages". Elle doit en outre radier les trois noms de domaine litigieux, en plus de réparer le préjudice.

[TGI Paris, réf., 8 janvier 2009, inédit]

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