Le conseil d’administration du centre d'arbitrage belge CEPANI* a modifié il y a deux semaines le règlement relatif aux noms de
domaine.
1. Modification du délai d’appel
Chaque partie a désormais le droit de faire appel contre la décision du Tiers Décideur dans un délai de 15 jours calendrier à dater de la notification de la
décision du Tiers Décideur.
2. Indication dans le règlement que le Gestionnaire des plaintes peut examiner la plainte et la réponse de manière à informer les parties
Cette modification a été introduite pour assurer la neutralité du Gestionnaire des plaintes.
Ces modifications entrent en vigueur dans deux jours.
[& URL, URI, keywords, meta-tags or other electronic uses of names]
A "right" view on domain names
- Les noms de domaine, du côté Droit
December 30, 2010
December 29, 2010
Lutte contre le cybersquatting en deux coups de cuiller à pot
Le nom danone.pro est réservé en février 2009 par un particulier qui dit l'avoir fait "dans le cadre d'un projet de mise en ligne d'un blog gratuit, dédié à l'échange d'informations et d'idées créatives, à l'usage des particuliers et des professionnels".
Deux mois plus tard, il refuse la demande de transfert amiable faite par le groupe Danone excipant de plusieurs signes notoires. Motif : il ne peut y avoir de risque de confusion. Le 1er septembre 2009, une décision UDRP le condamne au transfert.
En général ce type de contentieux s'arrête là. Il y a eu quelques exceptions, en voici une nouvelle, suffisamment rare pour être mentionnée.
Le demandeur souhaitait aussi obtenir réparation du préjudice subi. Ce qui s'est traduit, en juin 2010, par une assignation de l'ex-titulaire devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.
Le tribunal considère qu'il y a ici violation de l'article L. 713-5 qui sanctionne l'atteinte à une marque renommée :
Le tribunal est correct : le public ne peut que faire le lien entre la marque notoire DANONE et le nom. Mais s'agit-il pourtant d'une violation du texte visé ? Celui-ci proscrit "la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement". Ce qui suppose, à la lettre, qu'il y ait d'autres produits ou services. Comment cela peut-il être le cas quand il n'y a pas de produits ou de services ? Le tribunal semble s'être fourvoyé ici. Sa décision est d'ailleurs inverse de celle prise le 26 août 2009 dans une affaire impliquant plusieurs marques notoires.
Il est ensuite jugé qu'"en reprenant, sans droit le signe DANONE comme nom de domaine, M. D. a commis une faute et porté atteinte a la dénomination sociale et au nom commercial de ces sociétés". Le tribunal n'en dit pas plus, et cet attendu sommaire ne permet guère de connaître comment il a estimé que l'ensemble des conditions de la responsabilité étaient ici réunies.
Comme le demandeur a aussi des noms comme danone.fr, danone.com ou danone.co.uk, le juge poursuit :
On observera ici qu'il est fait ici mention d'un "site" (paradoxalement, le tribunal ayant constaté précédemment qu'il n'en existait pas) et d'un "intitulé" (probablement le header).
En définitive, le tribunal se prononce ainsi sur la réparation :
Le défendeur doit aussi payer les dépens, et 5000 € au titre des frais de justice.
Deux mois plus tard, il refuse la demande de transfert amiable faite par le groupe Danone excipant de plusieurs signes notoires. Motif : il ne peut y avoir de risque de confusion. Le 1er septembre 2009, une décision UDRP le condamne au transfert.
En général ce type de contentieux s'arrête là. Il y a eu quelques exceptions, en voici une nouvelle, suffisamment rare pour être mentionnée.
Le demandeur souhaitait aussi obtenir réparation du préjudice subi. Ce qui s'est traduit, en juin 2010, par une assignation de l'ex-titulaire devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.
Le tribunal considère qu'il y a ici violation de l'article L. 713-5 qui sanctionne l'atteinte à une marque renommée :
En l'espèce un lien peut être fait par le public concerné entre la marque de renommée DANONE et le nom de domaine danone.pro. Dès lors, en déposant le nom de domaine danone.pro, M. D. a commis une faute civile engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de procédure civile (sic ! il faut bien sûr lire "propriété intellectuelle"...), bien que ce site ne soit pas exploité
Il est ensuite jugé qu'"en reprenant, sans droit le signe DANONE comme nom de domaine, M. D. a commis une faute et porté atteinte a la dénomination sociale et au nom commercial de ces sociétés". Le tribunal n'en dit pas plus, et cet attendu sommaire ne permet guère de connaître comment il a estimé que l'ensemble des conditions de la responsabilité étaient ici réunies.
Comme le demandeur a aussi des noms comme danone.fr, danone.com ou danone.co.uk, le juge poursuit :
en enregistrant sans droit antérieur le nom de domaine danone.pro, M. D. a commis une faute en se plaçant volontairement dans le sillage des sociétés demanderesses et porté atteinte aux noms de domaines dont est titulaire la société COMPAGNIE GERVAIS DANONE, l'intitulé du site du défendeur pouvant faire croire, à tort, aux internautes qu'il s'agissait d'un site ayant pour origine les sociétés DANONE
En définitive, le tribunal se prononce ainsi sur la réparation :
Il est constant que M. D. n'a pas exploité le nom de domaine qu'il avait enregistré le 18 février 2009 pour créer un blog gratuit. En effet, le nom de domaine litigieux a été place en "domaine dispute" par l'unité d'enregistrement OVH dès le mois d'avril 2009 et l'expert du centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI a ensuite ordonné le ler septembre 2009, le transfert du nom de domaine litigieux.
L'atteinte aux marques de renommée, aux noms de domaine, aux dénominations sociales et nom commercial a néanmoins causé un préjudice aux sociétés DANONE et COMPAGNIE GERVAIS DANONE et le tribunal possède les éléments suffisants pour évaluer à la somme de 3000 euros le montant des dommages-intérêts réparant le préjudice causé, celui ayant été bref dans sa durée.
Le préjudice étant suffisamment réparé, il n'y a pas lieu de faire droit aux mesures de publication à titre de complément de dommages-intérêts.
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UDRP
December 20, 2010
Un nom de domaine qui joue la montre
Qui se souvient de toywatch.fr ? Et qui se re-souvient de toywatch.fr ? Ce nom de domaine avait été à l'origine de deux procédures PARL, rejetées.
La troisième est la bonne pour la société italienne Cool Srl, titulaire des droits sur cette marque de montres, qui obtient du tribunal de grande instance de Paris le transfert des noms toywatch.fr et toy-watch.fr.
La première fois qu'un arbitre avait tranché, il avait estimé que le signe était utilisé dans le cadre de la liberté d'expression (mais aussi que les droits du requérant étaient incertains). Le second arbitre a ensuite fait sien l'argument de la liberté d'expression (sans toutefois sembler le partager). Quel a été l'avis du tribunal ?
Pour comprendre l'espèce, il faut indiquer au préalable que le nom était associé à une page où la marque était reproduite avec ce texte :
Ce message a été modifié ensuite, avec des informations plus précises sur les coûts de fabrication et les marges réalisées par le vendeur de ces montres. Dans les deux cas, le drapeau chinois était reproduit en marge.
Le tribunal estime que :
Les noms de domaine toy-watch.fr et toywatch.fr reprennent à l'identique le mot TOYWATCH, le trait d'union entre les termes "toy" et "watch dans un nom de domaine constituant une différence si insignifiante par rapport à la dénomination TOYWATCH qu'elle passe inaperçue aux yeux du consommateur moyen.
Ces noms de domaine sont utilisés pour l'exploitation d'un site internet sur lequel est reproduite à l'identique la marque semi-figurative "TOYWATCH telle que décrite ci-dessus.
Peut-on critiquer une marque en la citant ? Oui, cela a été très nettement affirmé dans les affaires ESSO et AREVA, dans lesquelles Greenpeace avait détourné leur logo sur son site. Toutefois, la liberté d'expression n'est pas absolue, et on ne peut en abuser, sauf à engager sa responsabilité.
Ici, le tribunal estime que le défendeur est allé trop loin :
La présentation de la marque "TOYWATCH" associée à un drapeau chinois et à un texte sous-entendant que la montre Toy Watch est produite à un prix dérisoire* alors qu'elle est vendue "à prix d'or" conduit à penser que toute montre Toy Watch est de mauvaise qualité et est vendue à un prix important uniquement parce qu'elle est portée par des personnalités rémunérées a cette fin par la société Toy-Watch.
De ce fait, Monsieur H. ne se limite pas à informer le consommateur sur le lieu de fabrication de la montre Toy Watch mais va, en raison de la généralisation qu'il induit sur l'ensemble de ces montres ainsi que de la forme et du contenu de son message, au-delà de la liberté d'expression permise en portant un discrédit sur l'ensemble des produits TOYWATCH de la société Cool S.r.l. Il commet ainsi des actes fautifs de dénigrement engageant sa responsabilité délictuelle.
Pas de sanction sur le droit des marques, donc, mais sanction sur la base du décret. Il a déjà été relevé que l'existence de deux corps de règles créait le risque d'aboutir à ce genre de situation paradoxale (L. Marino, Un an de droit des noms de domaine, CCE 2008, chron. n° 11). L'article R. 20-44-45 renvoyant au choix du nom de domaine, on peut se demander si le tribunal pouvait se fonder sur des éléments postérieurs à l'enregistrement pour statuer comme il l'a fait.
L'ensemble de l'affaire se révèle être un véritable cas d'école, car toute la panoplie y est passée : procédure extrajudiciaire, nouvelle procédure extrajudiciaire, droit des marques, liberté d'expression, et règles administratives sur les noms de domaine.
[TGI Paris, 26 octobre 2010]
* On attend les protestations officielles de la République Populaire de Chine suite aux considérations que tient ici le tribunal qui juge au nom du peuple français !
December 19, 2010
Le nom de domaine freewifi.fr porte-t-il atteinte à la renommée de la marque FREE ?
Oui, selon un tribunal qui a jugé que ce nom de domaine "ne peut constituer une exploitation justifiée par des considérations techniques" :
Il est par ailleurs jugé que ce nom de domaine porte atteinte aux droits de la société FREE sur ses dénomination sociale, norm commercial et nom de domaine :
[TGI Paris, 29 octobre 2010]
Il reproduit le signe FREE qui est l'élément dominant, le terme WIFI n'étant pas distinctif dans le domaine de la technologie sans fil, domaine commun aux deux parties, les produits et services visés : services télématiques, services de stockage, de réception et de diffusion de messages sont identiques puisque la société OSMOZIS a une activité d'opérateur en télécommunications et télécommunications électroniques. Le risque de confusion dans l'esprit du public est certain, compte tenu du fort degré de distinctivité et de renommée de la marque FREE, pour l'ensemble de ces éléments, le public ne peut qu'établir un lien entre les signes en présence.
En conséquence, le choix de FREEWIFI pour nom de domaine par la défenderesse porte nécessairement atteinte à la marque de renommée qu'est la marque FREE
le choix [du nom de domaine freewifi.fr] n'est pas dans ce cas anodin et ne peut être justifié par des considérations techniques, la société OSMOZIS pouvait parfaitement choisir un autre nom de domaine, le choix de FREEWIFI entraîne nécessairement un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle qui est amenée à associer ce site a l'activite de FREE, d'autant plus qu'il est associé à WIFI qui renvoie nécessairement à la technologie sans fil domaine d'activité de la société FREE.
Il en résulte que par ce choix, la société OSMOZIS s'est volontairement placée dans le sillage de la société FREE afin de récupérer sa clientèle.
[TGI Paris, 29 octobre 2010]
December 15, 2010
New domain disputes search engine
A new domain disputes search engine was just launched. It offers to search ALL major UDRP decisions (except CPR and the late eResolution), plus .uk, .my, .nz or .za decisions.
The webmaster warns: "Since each domain name dispute resolution provider uses different technology and formats to display its complaints, searches can take a few minutes to display a result".
On my first trial, I tried to leave the search field blank, to see if it would indicate the total number of UDRP decisions. Apparently, the tool does not operate a blank search (and does not allow selection of databases).
The webmaster warns: "Since each domain name dispute resolution provider uses different technology and formats to display its complaints, searches can take a few minutes to display a result".
On my first trial, I tried to leave the search field blank, to see if it would indicate the total number of UDRP decisions. Apparently, the tool does not operate a blank search (and does not allow selection of databases).
December 04, 2010
Jurisprudence récente
C'est la fin du trimestre, et donc le temps des examens. Afin d'évaluer si vous avez bien suivi ce blog, vous traiterez une ou plusieurs de ces questions, au choix.
1. Les sociétés Bose Corporation, Bose BV et Bose SAS, fabriquent ou commercialisent les appareils hifi bien connus. La seconde détient une marque internationale BOSE. Elles attaquent la S.A.R.L. Bose, qui a enregistré bose.fr. Ce nom, enregistré en 2000, redirige les internautes vers un site consacré à une activité de promotion immobilière. D'autres noms de la S.A.R.L. redirigent vers ce même site.
=> Qui gagne, et pourquoi ?
2. La société Rent A Car apprend l'existence d'un site rentacarclassic.com. Est proposé depuis ce site un service de location de véhicules anciens, de collection, de sport ou de prestige. Dirigent vers ce site quatre autres noms de domaine, en .fr, .net, .org et .co.uk. Sur notification, le registrar (société Online) a gelé ces noms, sauf le .fr.
=> Qui gagne, et pourquoi ?
3. La société Pages Jaunes est éditrice d'annuaires téléphoniques qu'elle diffuse sur supports papiers et sur le site pagesjaunes.fr. Elle est titulaire de diverses marques semi-figuratives. En 2008 elle assigne en contrefaçon et en concurrence déloyale la société américaine Xentral LLC qui exploite sur le réseau internet à destination du public français, un site d'annuaires sous le nom de domaine pagesjaunes.com, ainsi que la société L'Annuaire Universel qui assure la facturation et l'encaissement des prestations proposées par ce site.
Xentral ne comparaît pas. L'Annuaire Universel sollicite l'annulation des marques PAGES JAUNES pour absence de distinctivité, et subsidiairement leur déchéance pour dégénérescence, soulève la nullité de certaines des marques qui lui sont opposées, fait valoir que le nom de domaine pagesjaunes.com est antérieur.
=> Après avoir résumé le contentieux autour du nom pagesjaunes.com depuis la fin du vingtième siècle, vous exprimerez par un pourcentage le degré de réussite de la société Pages Jaunes, et le nombre d'années que va encore durer ce contentieux, au moyen d'un entier compris entre 0 et 20.
1. Les sociétés Bose Corporation, Bose BV et Bose SAS, fabriquent ou commercialisent les appareils hifi bien connus. La seconde détient une marque internationale BOSE. Elles attaquent la S.A.R.L. Bose, qui a enregistré bose.fr. Ce nom, enregistré en 2000, redirige les internautes vers un site consacré à une activité de promotion immobilière. D'autres noms de la S.A.R.L. redirigent vers ce même site.
=> Qui gagne, et pourquoi ?
2. La société Rent A Car apprend l'existence d'un site rentacarclassic.com. Est proposé depuis ce site un service de location de véhicules anciens, de collection, de sport ou de prestige. Dirigent vers ce site quatre autres noms de domaine, en .fr, .net, .org et .co.uk. Sur notification, le registrar (société Online) a gelé ces noms, sauf le .fr.
=> Qui gagne, et pourquoi ?
3. La société Pages Jaunes est éditrice d'annuaires téléphoniques qu'elle diffuse sur supports papiers et sur le site pagesjaunes.fr. Elle est titulaire de diverses marques semi-figuratives. En 2008 elle assigne en contrefaçon et en concurrence déloyale la société américaine Xentral LLC qui exploite sur le réseau internet à destination du public français, un site d'annuaires sous le nom de domaine pagesjaunes.com, ainsi que la société L'Annuaire Universel qui assure la facturation et l'encaissement des prestations proposées par ce site.
Xentral ne comparaît pas. L'Annuaire Universel sollicite l'annulation des marques PAGES JAUNES pour absence de distinctivité, et subsidiairement leur déchéance pour dégénérescence, soulève la nullité de certaines des marques qui lui sont opposées, fait valoir que le nom de domaine pagesjaunes.com est antérieur.
=> Après avoir résumé le contentieux autour du nom pagesjaunes.com depuis la fin du vingtième siècle, vous exprimerez par un pourcentage le degré de réussite de la société Pages Jaunes, et le nombre d'années que va encore durer ce contentieux, au moyen d'un entier compris entre 0 et 20.
Réponses dans les jours prochains.
December 03, 2010
Deux questions écrites
d'un parlementaire ont reçu leur réponse ministérielle.
La première concerne "la manière dont la France se positionne par rapport à la décision de l'ICANN d'ouvrir largement les extensions de noms de domaine sur Internet" (Question n° 56400 de M. Tardy, réponse publiée au JO le 23 novembre 2010, p. 12962). Il est répondu en substance que "le Gouvernement n'entend pas directement gérer ces nouvelles extensions tout comme il ne gère pas directement le .fr".
La seconde concerne la gouvernance de l'I.C.A.N.N. (Question n° 56399 de M. Tardy, réponse publiée au JO le 23 novembre 2010, p. 12692). Il est répondu que "la France considère comme essentiel le maintien de l'unité du réseau Internet et a toujours soutenu que la responsabilité de garantir sa sécurité et sa stabilité ne pouvait échoir à un seul Gouvernement ou à une seule organisation privée", et que "cette organisation doit être plus que jamais ouverte à tous les acteurs (entreprises, ONG, universités, gouvernements) et ses décisions doivent être le reflet d'un consensus mondial comme l'est Internet".
La première concerne "la manière dont la France se positionne par rapport à la décision de l'ICANN d'ouvrir largement les extensions de noms de domaine sur Internet" (Question n° 56400 de M. Tardy, réponse publiée au JO le 23 novembre 2010, p. 12962). Il est répondu en substance que "le Gouvernement n'entend pas directement gérer ces nouvelles extensions tout comme il ne gère pas directement le .fr".
La seconde concerne la gouvernance de l'I.C.A.N.N. (Question n° 56399 de M. Tardy, réponse publiée au JO le 23 novembre 2010, p. 12692). Il est répondu que "la France considère comme essentiel le maintien de l'unité du réseau Internet et a toujours soutenu que la responsabilité de garantir sa sécurité et sa stabilité ne pouvait échoir à un seul Gouvernement ou à une seule organisation privée", et que "cette organisation doit être plus que jamais ouverte à tous les acteurs (entreprises, ONG, universités, gouvernements) et ses décisions doivent être le reflet d'un consensus mondial comme l'est Internet".
December 02, 2010
Discussion législative autour du .fr : débats avant le débat
Lionel Tardy est le député qui a poussé en Commission un amendement destiné à réparer l'article L. 45, cabossé après son passage devant le Conseil Constitutionnel. Sur son blog, l'honorable parlementaire, parlant de son amendement, a indiqué : "Je suis ouvert à toutes les remarques, et s'il le faut, je déposerai en séance des amendements afin de l'affiner". Les mauvaises langues pourraient faire remarquer qu'il invite aux commentaires après la soumission du texte, mais ne nous arrêtons pas à ce détail : c'est en soi une bonne initiative de chercher à susciter des commentaires . L'A.F.N.I.C. y fait d'ailleurs écho, appelant "l'ensemble des parties prenantes" à contribuer au débat national.
Si l'espace "commentaires" du blog de L. Tardy est vierge à l'heure où ces lignes sont rédigées, quelques personnes se sont manifestées, sur Twitter ou dans la blogosphère. Que disent-elles ?
Une récente étude l'a souligné : il est malaisé de participer à la prise de décision juridique en 140 caractères. C'est vraisemblablement la raison pour laquelle peu de gens ont réagi au tweet du député invitant aux contributions. JF R. estime que définir les critères d'obtention des noms de domaine dans la loi et non par décret permet d'assurer l'égalité et sécurité pour tous les personnes éligibles au .fr. Il est vrai que le fait qu'un texte émane du pouvoir législatif et non exécutif est censé permettre d'éviter l'arbitraire. Mais il peut néanmoins arriver qu'un texte de loi ne respecte pas les principes supérieurs (la preuve en a d'ailleurs été donné précisément avec l'actuel article L. 45 CPCE !).
Robin B. dit que le paragraphe II.C du texte L.45 IIC lui "paraît abusif (et inutile): j'ai le droit de critiquer la République et ses institutions". Que dit ce II.C ?
Sa remarque n'est pas dénuée de fondement : si l'on prend l'exemple d'un nom de commune, il ne sera pas possible de l'enregistrer en .fr, ni d'enregistrer un nom la critiquant et qui lui porterait atteinte (ou serait susceptible d'engendrer la confusion). Est-ce que cela affecte la liberté de communication ? C'est une question d'appréciation, sur laquelle le législateur est en train de prendre parti. Dans sa décision d'octobre, le Conseil s'était contenté d'indiquer que le législateur devait instituer des garanties pour éviter qu'il y ait atteinte aux libertés. La garantie posée au II (renvoyant à "la liberté d'autrui") est-elle suffisante ? La question est ouverte (et vous, quel est votre avis ?).
Toujours sur Twitter, Elu Local écrit : "Le délai de recours du IV parait vraiment court. On peut déposer un DN et l'exploiter de manière nuisible, bcp plus tard". Référence est ici faite à la disposition selon laquelle "pendant un délai de deux mois suivant l'enregistrement d'un nom de domaine, toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander la suppression de cet enregistrement auprès de l'office d'enregistrement compétent". Trop court, ce délai ? Deux mois, c'est le temps habituel pendant lequel une décision administrative (la délivrance d'un permis de construire, par exemple) peut être contestée. Il s'agirait ici de demander au registre la suppression d'un nom enregistré en violation de l'article L. 45. Si au cours de son exploitation, après l'expiration du délai de deux mois, le nom viole les droits d'un tiers, ce tiers ne serait pas privé du droit d'agir (comme cela est le cas depuis quinze ans). La disposition critiquée par Elu Local ne paraît donc pas exorbitante.
Sur son blog, Stéphane B. écrit : "si cette loi était adoptée et appliquée strictement, un M. Michelin ne pourrait pas enregistrer de domaine à son propre nom puisque c'est aussi une marque". Il s'agit là de la reprise de ce qui figure déjà dans le décret du 6 février 2007, avec la même réserve que précédemment : "sauf si le demandeur a un droit ou un intérêt légitime à faire valoir sur ce nom et agit de bonne foi". Quelqu'un qui s'appelle Michelin (et qui ne vient pas de changer son patronyme en Michelin juste pour obtenir ce nom en .fr !) devrait donc normalement pouvoir le faire.
Sur mon blog, Anonymous réagit : "le texte fait toujours la part belle aux marques, à l'etat, aux collectivités et aux élus qui bénéficient d'un régime prioritaire particulier, y compris rétroactif, au détriment de la liberté d'entreprendre et de communication dénoncée par le conseil constitutionnel". C'est un résumé un peu rapide, la loi étant plus détaillée que cela. Le législateur ne tient pas seulement compte de la nécessité de protéger les libertés, il prévoit aussi de protéger les pouvoirs publics. Ce qu'il décline en prenant des mesures en faveur des collectivités et de leurs élus. Ce faisant, il est allé au-delà de ce que prévoyait le Conseil... qui statuait toutefois dans la limite de ce qui lui était présenté. Il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe dans le texte une gradation des demandeurs et de leurs droits, dont on peut se demander si elle est en phase avec l'équilibre des droits fondamentaux. Là aussi, la question est ouverte.
Si l'espace "commentaires" du blog de L. Tardy est vierge à l'heure où ces lignes sont rédigées, quelques personnes se sont manifestées, sur Twitter ou dans la blogosphère. Que disent-elles ?
Une récente étude l'a souligné : il est malaisé de participer à la prise de décision juridique en 140 caractères. C'est vraisemblablement la raison pour laquelle peu de gens ont réagi au tweet du député invitant aux contributions. JF R. estime que définir les critères d'obtention des noms de domaine dans la loi et non par décret permet d'assurer l'égalité et sécurité pour tous les personnes éligibles au .fr. Il est vrai que le fait qu'un texte émane du pouvoir législatif et non exécutif est censé permettre d'éviter l'arbitraire. Mais il peut néanmoins arriver qu'un texte de loi ne respecte pas les principes supérieurs (la preuve en a d'ailleurs été donné précisément avec l'actuel article L. 45 CPCE !).
Robin B. dit que le paragraphe II.C du texte L.45 IIC lui "paraît abusif (et inutile): j'ai le droit de critiquer la République et ses institutions". Que dit ce II.C ?
Le choix d'un nom de domaine au sein des domaines de premier niveau correspondant au territoire national ne peut porter atteinte au nom, à l'image ou à la renommée de la République française, de ses institutions nationales, des services publics nationaux, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales, ou avoir pour objet ou pour effet d'induire une confusion dans l'esprit du public.
Toujours sur Twitter, Elu Local écrit : "Le délai de recours du IV parait vraiment court. On peut déposer un DN et l'exploiter de manière nuisible, bcp plus tard". Référence est ici faite à la disposition selon laquelle "pendant un délai de deux mois suivant l'enregistrement d'un nom de domaine, toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander la suppression de cet enregistrement auprès de l'office d'enregistrement compétent". Trop court, ce délai ? Deux mois, c'est le temps habituel pendant lequel une décision administrative (la délivrance d'un permis de construire, par exemple) peut être contestée. Il s'agirait ici de demander au registre la suppression d'un nom enregistré en violation de l'article L. 45. Si au cours de son exploitation, après l'expiration du délai de deux mois, le nom viole les droits d'un tiers, ce tiers ne serait pas privé du droit d'agir (comme cela est le cas depuis quinze ans). La disposition critiquée par Elu Local ne paraît donc pas exorbitante.
Sur son blog, Stéphane B. écrit : "si cette loi était adoptée et appliquée strictement, un M. Michelin ne pourrait pas enregistrer de domaine à son propre nom puisque c'est aussi une marque". Il s'agit là de la reprise de ce qui figure déjà dans le décret du 6 février 2007, avec la même réserve que précédemment : "sauf si le demandeur a un droit ou un intérêt légitime à faire valoir sur ce nom et agit de bonne foi". Quelqu'un qui s'appelle Michelin (et qui ne vient pas de changer son patronyme en Michelin juste pour obtenir ce nom en .fr !) devrait donc normalement pouvoir le faire.
Sur mon blog, Anonymous réagit : "le texte fait toujours la part belle aux marques, à l'etat, aux collectivités et aux élus qui bénéficient d'un régime prioritaire particulier, y compris rétroactif, au détriment de la liberté d'entreprendre et de communication dénoncée par le conseil constitutionnel". C'est un résumé un peu rapide, la loi étant plus détaillée que cela. Le législateur ne tient pas seulement compte de la nécessité de protéger les libertés, il prévoit aussi de protéger les pouvoirs publics. Ce qu'il décline en prenant des mesures en faveur des collectivités et de leurs élus. Ce faisant, il est allé au-delà de ce que prévoyait le Conseil... qui statuait toutefois dans la limite de ce qui lui était présenté. Il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe dans le texte une gradation des demandeurs et de leurs droits, dont on peut se demander si elle est en phase avec l'équilibre des droits fondamentaux. Là aussi, la question est ouverte.
December 01, 2010
Vers un nouveau cadre juridique des noms de domaine français
Le 6 octobre, le Conseil Constitutionnel invalidait le texte de l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques. Moins de deux mois plus tard, le législateur reconstruit l'édifice.
Hier soir, la Commission des Affaires Economiques de l'Assemblée Nationale planchait sur la transposition de divers textes européens en matière de télécommunications. A cette occasion, a été proposé un amendement en vue d'une nouvelle rédaction de l'article L. 45.
Ce texte a été très légèrement lifté. Dans ses grandes lignes, en l'état :
- il prévoit le maintien d'une désignation ministérielle du ou des registres du .fr, .re, et autres domaines territoriaux français ;
- il instaure le principe de sauvegarde des libertés fondamentales (motif de la censure par le Conseil), avec inclusion de la protection de l'ordre et des pouvoirs publics ;
- il ajoute à la limitation des enregistrements celle issue des contraintes techniques propres au système de nommage (qui acquerraient ainsi par ricochet une certaine force législative) ;
- il transforme en loi de nombreuses dispositions qui figurent à ce jour dans le décret du 6 février 2007 : protection du nom de l'Etat, des institutions, des collectivités, ainsi qu'atteinte à l'image de ces entités ;
- il conserve la protection du nom des élus,
- la disposition décrétale sur l'enregistrement de noms identiques ou similaires à des marques est maintenue, mais avec la réserve nouvelle du principe de spécialité,
- et la protection des noms de famille.
- a priori, il ne renouvelle pas la PREDEC en l'état. Il deviendrait possible, pour toute personne qui a intérêt à agir, de s'opposer, dans un délai de deux mois, à l'enregistrement d'un nom de domaine auprès du registre. Le titulaire du nom aurait deux mois pour répondre, et la possibilité de faire appel (seul l'ordre judiciaire sera compétent). La procédure sera établie par décret
- le registre conserve la possibilité de supprimer les noms pour lesquels les titulaires ont fourni des données inexactes.
Du fait de sa technicité, le texte fera-t-il l'objet de beaucoup de discussion en séance, à l'Assemblée puis au Sénat ? On imagine que les dispositions touchant aux collectivités et aux élus locaux attireront l'attention des parlementaires. A raison de leurs fonctions ou à l'égard des personnes morales dont ils s'occupent, le texte devrait leur paraître protecteur (et donc pas à débattre). S'achemine-t-on donc vers une adoption sans modification ? A suivre.
Hier soir, la Commission des Affaires Economiques de l'Assemblée Nationale planchait sur la transposition de divers textes européens en matière de télécommunications. A cette occasion, a été proposé un amendement en vue d'une nouvelle rédaction de l'article L. 45.
Ce texte a été très légèrement lifté. Dans ses grandes lignes, en l'état :
- il prévoit le maintien d'une désignation ministérielle du ou des registres du .fr, .re, et autres domaines territoriaux français ;
- il instaure le principe de sauvegarde des libertés fondamentales (motif de la censure par le Conseil), avec inclusion de la protection de l'ordre et des pouvoirs publics ;
- il ajoute à la limitation des enregistrements celle issue des contraintes techniques propres au système de nommage (qui acquerraient ainsi par ricochet une certaine force législative) ;
- il transforme en loi de nombreuses dispositions qui figurent à ce jour dans le décret du 6 février 2007 : protection du nom de l'Etat, des institutions, des collectivités, ainsi qu'atteinte à l'image de ces entités ;
- il conserve la protection du nom des élus,
- la disposition décrétale sur l'enregistrement de noms identiques ou similaires à des marques est maintenue, mais avec la réserve nouvelle du principe de spécialité,
- et la protection des noms de famille.
- a priori, il ne renouvelle pas la PREDEC en l'état. Il deviendrait possible, pour toute personne qui a intérêt à agir, de s'opposer, dans un délai de deux mois, à l'enregistrement d'un nom de domaine auprès du registre. Le titulaire du nom aurait deux mois pour répondre, et la possibilité de faire appel (seul l'ordre judiciaire sera compétent). La procédure sera établie par décret
- le registre conserve la possibilité de supprimer les noms pour lesquels les titulaires ont fourni des données inexactes.
Du fait de sa technicité, le texte fera-t-il l'objet de beaucoup de discussion en séance, à l'Assemblée puis au Sénat ? On imagine que les dispositions touchant aux collectivités et aux élus locaux attireront l'attention des parlementaires. A raison de leurs fonctions ou à l'égard des personnes morales dont ils s'occupent, le texte devrait leur paraître protecteur (et donc pas à débattre). S'achemine-t-on donc vers une adoption sans modification ? A suivre.
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