January 23, 2007

La jurisprudence en retard [noms de domaine, meta-tags, mots-clef]




smsgratuit.com
[Cour d'appel de Montpellier, 14 mars 2005 et Tribunal de grande instance de Perpignan, 18 mai 2004] : ce nom de domaine avait été transféré, avec d'autres éléments incorporels, à l'occasion d'un plan de cession de fonds de commerce. Quelques jours avant l'opération, le nom smsgratuit.fr a été enregistré par un tiers, et a commencé d'être exploité au jour de la cession. Le cessionnaire a donc attaqué ce tiers, en référé.
Le tribunal a considéré que l'utilisation du nom en .fr créait "un trouble manifestement illicite au droit préétabli d'utilisation du nom smsgratuit.com" du demandeur, et en a interdit l'usage sous astreinte. Les seconds juges ont confirmé cette décision.

france-prospect.com, france-prospects.com [Tribunal de grande instance de Paris, 29 juin 2006] : une société de marketing direct titulaire de la marque FRANCE PROSPECT et exploitant des sites aux adresses franceprospection.com et franceprospect.com, a assigné l'exploitant des noms de domaine litigieux. Le tribunal a retenu une proximité intellectuelle entre les signes des parties, lesquelles travaillent dans des secteurs d'activité identiques, et a retenu la contrefaçon (risque de confusion), la concurrence déloyale et le parasitisme.

access-bike.com, access-bike.net, access-bike.fr, accessbike.fr, acmoto.fr [Tribunal de grande instance de Paris, 12 juillet 2006] : les titulaires de ces noms exploitaient un site sur lequel il était possible d'acheter des pièces détachées et accessoires pour motos. Le demandeur, la S.A.R.L. Access Moto, a pour activité la vente par correspondance d'accessoires motos. Il est jugé qu'ils ont usurpé les nom commercial, dénomination sociale, et noms de domaine accessmoto.fr et access-moto.com, et se sont rendus coupables de concurrence déloyale, les consommateurs pouvant être induits en confusion.
Trois des noms litigieux avaient été réservés au nom de la société (également déposante de la marque
Access Bike), les deux autres par son gérant. La société est sanctionnée pour contrefaçon de la marque Access Moto du demandeur, suite à l'exploitation des trois noms de domaine "access-bike".
La contrefaçon par le gérant a été retenue parce qu'il avait déposé ces noms qui étaient exploités par sa société. Sur ce point, la décision ne paraît pas rigoureuse au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de contrefaçon au travers d'un nom de domaine.
Le demandeur alléguait également une recherche de confusion dans le référencement des sites par les défendeurs ; la production d'un tableau comparatif des meta-tags des sites respectifs a convaincu les juges qu'une telle confusion n'était pas recherchée (à cet égard toutefois, si l'on connaissait l'importance du nom de domaine pour le référencement - preuve délicate à ramener, les algorithmes des moteurs étant protégés par le secret -, on pourrait se demander s'il ne pourrait y avoir lieu de retenir une faute distincte).

[Cour d'appel de Paris, 14 septembre 2006] : un registrar français reprochait à l'un de ses clients "d'avoir pratiqué à son encontre des pressions constitutives de fautes civiles" et "de l'avoir diffamé dans plusieurs courriels diffusés, en août 2004, sur des forums de discussion". Le tribunal parisien ayant condamné le client pour diffamation publique, celui-ci a fait appel.
Le nom de domaine avait été enregistré pour une association, et était identique à l'acronyme de celle-ci. L'appelant s'était prévalu de sa qualité de contact administratif d'un nom ("sinon de celle du propriétaire du domaine" écrit la cour) pour obtenir la communication des identifiants et codes secrets permettant d'administrer ce domaine.
Le registrar s'y étant opposé, parce qu'avait été porté à sa connaissance le conflit entre l'association et ce particulier, celui-ci avait saisi le tribunal de commerce pour se faire entendre, mais fut débouté, faute d'intérêt à agir sur le nom de domaine en question. C'est après cet échec judiciaire qu'il s'est répandu publiquement en propos attentatoires à l'honneur du registrar. Il lui imputait notamment d'avoir modifié le nom de l'administrateur du nom de domaine du fait de liens existant entre l'un des gérants du registrar et l'association. La cour estime que "de telles imputations sont attentatoires à l'honneur ou à la considération d'un registrar accrédité par l'organisation internationale "The Internet Corporation for Assigned Names and Numbers", et astreinte à ce titre à une totale neutralité".

[Cour d'appel de Paris, 27 septembre 2006] : la Chambre syndicale française des négociants et experts en philatélie a assigné M. Ralph G. Le second est membre du premier. Le syndicat professionnel lui reproche la publication en ligne d'un annuaire de philatélie à l'adresse philatelie.fr, sur lequel deux hyperliens visibles et pouvant en induire en erreur, renvoient au site commercial du défendeur, ayant pour nom martinsphilatelie.fr. Le demandeur a saisi le juge des référés afin que soient supprimés ces liens, ainsi que les noms et coordonnées de ses membres qui figuraient dans l'annuaire mis en ligne par le défendeur.
Le juge des référés ayant donné raison au syndicat, M. G. a fait appel. A ce stade, seule restait discutée la question du maintien des bandeaux publicitaires. Le syndicat demande leur modification, de façon à ce que le consommateur soit clairement averti de son caractère publicitaire en faveur du site commercial du défendeur. La Cour estime que "le bandeau figurant sur le site philatelie.fr constituait un procédé publicitaire (...) insuffisamment perceptible, pour un consommateur d'attention moyenne" - circonstances constitutives d'un trouble manifestement illicite. L'ordonnance de référé est donc confirmée à cet égard.

zodiac.com, zodiac.fr, zodiac.aero [Cour d'appel de Paris, 20 octobre 2006] : Il est jugé que constituent des actes de concurrence déloyale par atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale ZODIAC et aux noms de domaine zodiac.com, zodiac.fr et zodiac.aero, du fait de "l'accès au site par l'usage du terme zodiac" (mais il n'est pas retenu un usage illicite à titre de marque d'appel).
Le tribunal a en outre jugé très (trop ?) succinctement que "par l'usage de ce terme sur un site accessible en France, [le défendeur] s'est rendu coupable de contrefaçon". Mais il faut aussi remarquer que ce défendeur avait essentiellement argué que la marque de son adversaire avait perdu tout caractère distinctif.

[Cour d'appel de Paris, 17 novembre 2006] : ayant constaté une évolution en cours de procédure dans un litige impliquant au moins un nom de domaine, la cour a désigné en qualité de médiateur le Centre d'Arbitrage et de Médiation de Paris, "les parties ayant (...) toutes accepté de recourir à la médiation qui leur a été d'office proposée". Le registre français participe à cette procédure.

[Tribunal de commerce de Paris, 24 novembre 2006] : une société qui avait choisi les Adwords comme moyen publicitaire a été sanctionnée pour avoir fait s'afficher ces publicités en liaison avec la dénomination sociale, le nom commercial et le nom de domaine d'une société tierce. Elle est condamnée pour atteinte à ces signes.
Le moteur de recherche avait également été assigné. Il est jugé à son égard qu'il ne peut effectuer un contrôle global préalable sur les choix de ses clients, ni effectuer un contrôle systématique... sauf si le risque lui paraît "quasi évident" (sic). En l'espèce, le demandeur était connu de Google, du fait de relations contractuelles noués entre eux ; le juge en conclut donc que Google connaissait les signes distinctifs de ce partenaire et aurait dû veiller à sa protection.
Un tel raisonnement paraît cohérent en soi. Mais dans le fil de ce jugement, il n'est pas logique, le tribunal ayant d'abord posé que le moteur ne peut pas être "au courant des éventuelles conventions (de licence) intervenues entre les utilisateurs des identifiants concernés" : s'il connaît le demandeur parce que celui-ci est un de ses cocontractants, connaît-il les éventuels accords de licence passés par celui-ci ?

Sources : Gazette du Net, PIBD, le petit musée des marques.


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