January 09, 2008

Célérité + généricité = licéité

L'articulation entre les procédures judiciaire et extrajudiciaire en matière de noms de domaine n'est pas parfaite. Si les règles de la procédure extrajudiciaire prévoient normalement un droit de recours contre une décision arbitrale, on a vu aussi le phénomène inverse, une procédure commencée devant le juge national se poursuivant sur le fondement des règles UDRP.
La décision maxi.fr qui vient d'être publiée s'inscrit aussi dans les affaires qui ont commencé sur un versant pour se poursuivre sur l'autre. Mais pour des raisons différentes.

Les éditions Bauer, titulaires de marques MAXI, avaient obtenu le transfert du nom maxi.fr en 2002, devant un tribunal de grande instance. Celui-ci avait en outre prononcé la condamnation pour contrefaçon par reproduction des déposant et utilisateur de ces marques, ainsi que la nullité de celles-ci en ce qu’elles désignaient des services de publicité, d’information, de presse et de communication. La condamnation fut prononcée début 1999, et assortie d’une astreinte de 1.500 € par infraction. L'interdiction judiciaire n'ayant pas été respectée par les défendeurs, les éditions Bauer avaient demandé la liquidation de l'astreinte en appel, puis l'affaire a été portée en cassation (je l'évoquais ici).
Il s'avère qu'un mois après la première décision, celle du tribunal, le nom était devenu libre du fait de la condamnation. La société Marise, qui n'avait rien à voir avec cette affaire, l'a alors enregistré. Cet enregistrement a ensuite été suspendu pendant tout le temps de la procédure de liquidation de l'astreinte, et la société Marise a pu commencé de jouir de ce nom à la mi-décembre 2006.
... Pour ensuite être attaquée en application des règles PARL !

En effet, les éditions Bauer ont estimé que cet enregistrement remontant à 2002 n'était pas régulier.
Pour sa défense, la société Marise explique notamment qu'elle exploite ce site pour son activité de rudologie, différente des services couverts par la marque du demandeur. Elle observe aussi que la marque MAXI est faite d'un terme courant. Et précise qu'elle a enregistré le nom après avoir su qu'il était disponible, grâce à un outil de veille.

La décision est rendue en faveur de cette dernière. Elle est fondée sur les règles PARL (au passage on observera que celles-ci n'étaient pas en vigueur à la date de l'enregistrement litigieux ; comme le nom litigieux, enregistré en février 2002, avait été suspendu par l'A.F.N.I.C. jusqu'au 15 décembre 2006, si la procédure avait été engagée avant la date de renouvellement du nom - qui vaut adhésion aux nouvelles règles et à la version actualisée de la charte -, soit avant février 2007, la situation procédurale aurait été différente !).

Pour fonder sa décision, l'expert observe que les marques du demandeur "ne sont constituées que de ce seul terme “maxi”, et que ce terme présente un caractère commun et générique qu'[il] se doit de prendre en considération". Et de citer les décisions studio.fr et surprise.fr, qui avaient reconnu que la protection conférée à des droits privatifs portant sur un terme générique ne saurait avoir une portée absolue. Le défendeur peut donc utiliser ce terme.

Le défendeur n'est pas non plus coupable d'avoir été diligent. C'est bien le moins ! Dans cette première décision française traitant spécifiquement de cette question, il est estimé :
L’appropriation de noms de domaine est devenue une entreprise particulièrement stratégique pour les opérateurs économiques. L’emploi d’outils permettant de surveiller les dates de disponibilités de noms de domaine est une pratique extrêmement courante dans le cadre de la réservation de noms de domaine d’une particulière importance pour les acteurs économiques désirant développer leur activité en ligne. Ainsi, il n’est pas anormal que le Défendeur ait procédé avec célérité à l’enregistrement du nom de domaine en cause.
L’Expert considère que l’enregistrement du nom de domaine litigieux a été réalisé dans des conditions normales.
Il est en outre ajouté qu'il n'est pas fautif de préparer sa future activité en ligne : "La préparation de la promotion en ligne d’une future enseigne commerciale par l’enregistrement du nom de domaine correspondant n’est pas en soi un acte répréhensible".

Sur les autres points, il est encore jugé qu'il n'y a pas de risque de confusion, et que l'inutilisation du nom de domaine pendant une longue période était due à son blocage par l'A.F.N.I.C.

DFR2007-0052

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