May 23, 2008

Transaction sur nom de domaine

Les contentieux judiciaires ou arbitraux sont la partie émergée des conflits liés aux noms de domaine. En pratique les contentieux se règlent aussi, bien souvent, par un accord qui intervient entre les parties. Mieux vaut établir une transaction sur mesure, parfaitement adaptée à la situation (des parties et du nom), qu'utiliser un modèle tout fait. Un arrêt vient, si besoin, le démontrer.

La société Twoteam possédait trois déclinaisons : raisonpure-industrie.com, raisonpure-archi.com et raisonpure-multimedia.com. Un accord était intervenu avec la société Raison Pure, aux termes duquel elle cessait de faire usage des noms "raison" et "pure" dans les conditions fixées par la transaction, laquelle visait aussi les noms de domaine.
La transaction était assortie d'une clause pénale de 200.000 €. La société Raison Pure a demandé le paiement de cette somme, après avoir constaté que seul un des noms de domaine lui avait été effectivement transféré, un autre étant tombé entre les mains d'un tiers, et le troisième étant toujours en la possession de Twoteam.
Le juge de l'exécution de Bobigny avait accepté l'octroi de cette somme au demandeur, par saisie-attribution (16 janvier 2007). La cour d'appel de Paris a renversé cette décision.

Signé le 14 décembre 2005, l'accord prévoyait "le transfert par la société Raison Pure Industrie [NDLA : il s'agit vraisemblablement de la dénomination utilisée avant l'accord destiné justement à faire cesser l'emploi de celle-ci] au profit de la société Raison Pure des noms de domaine raisonpure-industrie.com et raisonpure-archi.com dans les 30 jours suivant la signature de la présente transaction par l'ensemble des parties et d'en justifier".
On observera que sur les trois noms annoncés, deux étaient visés... La société demanderesse ne pouvait donc pas arguer qu'il y avait eu violation de l'obligation de transfert. Le juge relève à cet égard qu'une clause prévoyait qu'"il était seulement imposé (...) la cessation de tout usage, sous quelle que forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, des termes "raison pure" pris individuellement, ensemble, associés à quelque terme que ce soit et notamment aux termes "architecture", "industrie" et "mulimédia"". Le juge vise donc une clause générale qui ne portait pas spécifiquement sur le troisième nom, et qui ne porte que sur l'usage de signes - ce qui n'interdisait pas de maintenir l'enregistrement du nom.
Lapsus calami des rédacteurs de la transaction, ou véritable négligence ? On retiendra la nécessité de bien détailler et délimiter les conditions d'une transaction portant transfert de noms de domaine.

Pour expliquer l'échec du transfert d'un des deux autres noms, la cour décrit avec précision les opérations effectuées suite à la transaction, en se basant sur les preuves produites par les parties (on peut s'étonner qu'il soit question d'une "déclaration de cession remplie et signée par le propriétaire (...) adressée à l'AFNIC", dans la mesure où les noms sont en .com...).
En résumé, dans les jours qui suivent la transaction, soit le 5 janvier 2006, le titulaire des noms signe les documents pour le transfert. Ils sont reçus une semaine plus tard par le conseil de la société à qui doit bénéficier le transfert. Les formulaires sont retournés signés au début du mois suivant, et s'enclenche la demande de transfert au registrar. Ce dernier en accuse réception fin février 2006. Fin mai 2006, le registrar informe que les noms n'ont pu être transférés à qui de droit... et que l'un d'eux "était au nom d'un Chinois". L'autre nom sera finalement transféré le 11 juillet 2006.
La société Twoteam devait-elle être jugée fautive de ces errements ? Ce n'est pas l'opinion du juge. Il constate qu'elle s'est acquittée de ses obligations, qui se limitaient à initier le transfert ; elle n'est qu'un maillon dans la chaîne (le document devait être signé par le cessionnaire, puis soumis au registrar), et donc, parce que l'accomplissement du transfert nécessite l'intervention d'un tiers, elle ne peut être rendue responsable de l'échec.
Cet autre volet de la décision montre que l'on ne peut se satisfaire de dispositions trop générales dans les conventions de transfert de nom, et que la sécurité commande d'être précis sur le scénario, à la fois technique et juridique, du transfert que l'on veut initier.

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