La SARL Voyageurs du Monde exerce depuis 1979 une activité d'agence de voyage sous diverses enseignes "VOYAGEURS", suivies du nom du pays ou du continent. Son fondateur, M. S., l’a revendu, mais reste gérant d’une autre société qu’il a créée, la SARL Voyageurs au Japon.
M. S. fut le titulaire de la marque "VOYAGEURS AU JAPON", qu’il a vendue en 1996 à la SARL Voyageurs du Monde. Celle-ci l’a concédée dans la foulée à la SARL Voyageurs au Japon, la licence courant sur dix ans.
La société Voyageurs au Japon détient les noms de domaines voyageursaujapon.fr, voyageursaujapon.com, voyageursaujapon.net et voyageursaujapon.org depuis fin 2003. Trois ans plus tard, le premier de ces noms n’est pas renouvelé. Quelques semaines après, la société Voyageurs du Monde l’enregistre à son profit.
Après avoir découvert ce fâcheux enregistrement, la société Voyageurs au Japon, dit la décision, « a mis en demeure Voyageurs du Monde, lui indiquant que le non-renouvellement, par elle, de ce nom de domaine, n'était dû, en dépit de sa demande, qu'à un problème technique imputable à l'AFNIC. Elle a, donc, demandé à Voyageurs du Monde de lui restituer ce nom de domaine en l'avertissant que toute exploitation de ce nom serait constitutive d'un acte de concurrence déloyale ».
La mise en demeure est restée sans réponse, ce qui amena la saisine en référé du tribunal de commerce de Paris.
Pour ce dernier, le nom de domaine litigieux a été régulièrement enregistré par le nouveau titulaire ; cela n’était pas de nature à causer un trouble manifestement illicite au demandeur, d’autant qu’il existait un litige sérieux entre les parties sur la propriété de la marque (ne ressortant pas de sa compétence) ; et puis « il n'était pas possible de déclarer illicite l’utilisation d'un nom de domaine par une société qui se prétendait propriétaire d'une marque déposée depuis mars 2000, au seul motif qu'une autre se prétendait également propriétaire de cette marque et était victime d'une erreur technique pour avoir abandonné le nom de domaine ».
La cour d’appel de Paris, saisie à son tour, a estimé que le nom disputé « était disponible lorsqu'il a fait l'objet d'un enregistrement conforme aux dispositions de la loi du 9 juillet 2004, au profit de VOYAGEURS DU MONDE » (l’arrêt n’est pas explicite sur cette conception de la conformité ; l’A.F.N.I.C. n’était pas partie à l’affaire).
Afin d’examiner si cet enregistrement portait atteinte au droit de la société plaignante, la cour va observer que le nom voyageursaujapon.fr est identique à la dénomination sociale de cette dernière, mais qu’il est « également identique à la marque cédée à [l’autre partie] » (autrement dit la marque VOYAGEURS AU JAPON).
La cour observe aussi qu’à la date de l’enregistrement du nom litigieux, la licence d’utilisation de cette marque était arrivée à son terme. Et de juger qu’en réenregistrant pour elle le nom de domaine voyageursaujapon.fr, la société titulaire de la marque n’a pas commis d’acte manifestement illicite, « en dépit du fait que ce nom de domaine était identique à la dénomination sociale de l'appelante », parce que « ledit nom de domaine était disponible, que ledit enregistrement a été régulier, qu'il a consisté en l'usage, par l'intimée, d'un nom de domaine identique à la marque qu'elle avait cessé de concéder à Voyageurs au Japon et que cette dernière s'était engagée à ne plus exploiter la marque "Voyageurs au Japon" sur quelque support que ce soit, tout en conservant sa dénomination sociale ».
Pour se décider, la cour d’appel note aussi que la société Voyageurs au Japon ne conteste pas avoir fait enregistrer et renouveler l'enregistrement de trois autres noms de domaine commençant par "voyageursauj apon", ce qui fait écho au courant de jurisprudence selon lequel peuvent coexister des activités similaires sous des noms de domaine descriptifs similaires.
[Paris, 19 mars 2008, à paraître sur la Gazette du Net]
1 comment:
respect pour avoir osé le jeu de mot en titre... :D
Post a Comment