jeboycottedanone.com : ce nom de domaine défraya la chronique en son temps (avril 2001). Avec sa création, on réalisa aussi à quel point les technologies allaient désormais faciliter l'usage critique ou polémique de marques - que ce soit au sein d'un domaine, ou à l'aide de Photoshop.
C'est au début de l'été 2002 que la société Esso assigna en référé Greenpeace en France, parce que cette dernière avait déformé son logo sur son site. L'appel rendu dans cette affaire en 2003 rejoignit le panthéon des grands arrêts de la propriété intellectuelle. Dans une affaire voisine démarrée deux ans plus tard (AREVA / Greenpeace), la Cour de cassation vient de prononcer la cassation partielle de l'arrêt rendu en faveur du titulaire de la marque.
Les associations Greenpeace France et Greenpeace New-Zealand avaient reproduit sur leurs sites internet la lettre A stylisée de la marque de la Société des participations du Commissariat à l’énergie atomique Areva, et la dénomination A Areva. Y étaient associés une tête de mort et le slogan "Stop plutonium - l’arrêt va de soi", dont les lettres A reprenaient le logo, la lettre A étant placée sur le corps d’un poisson mort ou mal en point.
La cour de cassation a estimé que c'est bien le dénigrement, et non la diffamation, qui pouvait être retenu contre les associations : dès lors que celles-ci avaient fait le choix d'utiliser les marques de la société Areva, c'était nécessairement pour critiquer les produits ou services que ces marques servent à distinguer. On aurait été dans un cas de diffamation s'il y avait eu atteinte à l'honneur de la société (et pas de ses produits ou services).
Si la cour de cassation dit que c'est en application du bon principe de droit que le raisonnement a été mené, elle n'est toutefois pas d'accord avec son application en l'espèce. Il y a dénigrement quand il y a faute, autrement dit quand on va au-delà de la liberté d'expression. Avait-on ici franchi cette limite ? Pour la cour de cassation, "ces associations agissa[ie]nt conformément à leur objet, dans un but d’intérêt général et de santé publique par des moyens proportionnés à cette fin"... et donc "n’avaient pas abusé de leur droit de libre expression".
Il est donc confirmé, au plus haut niveau judiciaire français, qu'une association (ou un particulier, on ne voit pas pourquoi l'arrêt se limiterait aux associations) peut invoquer la liberté d'expression pour justifier de son usage d'une marque, quitte à ce que celle-ci soit égratignée au passage.
Une solution à rapprocher de certaines décisions UDRP rendues dans des situations où un nom de domaine reprenait une marque pour l'associer à un contenu critique, par exemple royaldutchshellgroup.com, royaldutchshellplc.com, tellshell.org [D2005-0538].
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