Il y avait eu une action en référé à propos d'eurostar.eu, mais elle n'avait pour but que de tenter de faire échec à une demande d'enregistrement. Cette seconde ordonnance aboutit au transfert du nom de domaine lulucastagnette.eu (TGI Paris, réf., 25 juillet 2006), et est donc la première à procéder ainsi.
En enregistrant ce nom identique à la marque LULU CASTAGNETTE de la société Lulu Expansion, la société Abacweb avait cherché la castagne... Ce nom, enregistré au surlendemain de l'ouverture des enregistrements sans restriction, aboutissait à une annonce "www.lulucastagnette.eu Nom de domaine à vendre. Faites une offre !", suivie d'un e-mail et d'un numéro de téléphone.
La demanderesse a choisi de saisir les tribunaux français, sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui interdit l'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement, à certaines conditions. Le juge des référés estime que "le degré de similitude entre la marque de renommée et le signe a pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque".
Quoique peu motivée et rendue dans l'urgence, cette ordonnance permet de gloser quelque peu sur l'application de l'article L. 713-5 : faut-il en conclure que les juges considèrent que la proposition de vente d'un nom de domaine constitue un "emploi" au sens de cet article ? (servait-il à distinguer des produits ou des services ?). Pour la juridiction, "[l]es dispositions de cet article s’appliquent - comme en l’occurrence - à l’encontre des noms de domaine reproduisant de manière servile une marque notoire antérieure, en particulier pour sanctionner la mise en vente d’un nom de domaine enregistré en fraude des droits de propriété intellectuelle de tiers, ce qui constitue un trouble manifestement illicite". En l'espèce, il a pu être tenu compte du fait que "le défendeur exploite de fait, une activité d’hébergeur de sites internet, et d’enregistrement de nom de domaine au travers de son site web", ce qui permet de rattacher la mise en vente du nom à son activité habituelle, la qualification d'"emploi" étant acquise par ricochet.
Mais la simple mise en vente dans d'autres cas pourrait-elle pareillement être qualifiée ?
On rappellera aussi qu'il est possible d'engager une procédure de règlement extrajudiciaire des litiges en cas d'enregistrement spéculatif ou abusif, lorsqu'un nom de domaine en .eu "est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire (...), et que ce nom de domaine :
a) a été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom, ou
b) a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi".
[Merci au directeur associé de TNT Lex, qui édite la Gazette du Net, (riche) site d'informations sur le droit et les nouvelles technologies]
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