May 15, 2006

In cauda venenum

Dans un commentaire à propos de l'ordonnance de référé KLTE / AFNIC, Benoît Tabaka fait part d'une remarque d'importance. La lecture attentive du dispositif de l'ordonnance montre en effet que le juge est allé plus loin que ses motifs pouvaient le laisser augurer.
Par ce dispositif, l'A.F.N.I.C. est autorisée "à maintenir le blocage des noms de domaine enregistrés par la société KLTE LTD dans la zone de nommage .fr" sous réserve d'en publier la liste. C'est là la conséquence logique des débats, un litige s'étant élevé entre la société KLTE et l'A.F.N.I.C. suite au blocage par cette dernière des noms de la première.
Le dispositif va plus loin, en disant que, non seulement l’A.F.N.I.C. est autorisée à maintenir le blocage des noms de domaine enregistrés par la société KLTE LTD dans la zone de nommage .fr, mais elle est aussi autorisée "à bloquer les noms de domaine que celle-ci enregistrera dans la même zone" (toujours sous la même réserve de publicité). Le juge des référés a donc également disposé pour l'avenir, ce qui est singulier.
Il ne s'agit certes pas d'une injonction mais d'une simple "autorisation", et l'interprétation de ce terme peut donc être que l'A.F.N.I.C. a le choix de bloquer ou non les noms qui seront enregistrés par la suite par la société KLTE. Qu'une simple "autorisation" figure dans un dispositif revêtu de l'autorité de chose jugée est singulier, mais a priori pas illégal en soi.
Au-delà, la teneur du dispositif appelle deux séries de commentaires :
- sur le plan procédural (légalité intrinsèque) : le juge n'a-t-il pas statué ultra petita, les parties n'ayant pas discuté des enregistrements à venir ? Le juge des référés, qui ne peut ordonner en référé que les "mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend" (art. 808 du NCPC) est-il toujours dans son champ de compétence en statuant sur les enregistrements à venir émanant de KLTE, dont rien ne dit qu'ils donneront nécessairement lieu à contestation ?
- sur la portée : une telle mesure ne peut malheureusement empêcher en soi un squatteur de cesser tout enregistrement abusif (il suffit d'adopter une autre identité pour la contourner).

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