[& URL, URI, keywords, meta-tags or other electronic uses of names]
A "right" view on domain names
- Les noms de domaine, du côté Droit
December 31, 2011
December 24, 2011
Actualité des noms de domaine en décembre 2011
Généralités
Des chercheurs ont mis en évidence que, sur un moteur de recherche, nous tendons à sélectionner les résultats en fonction des noms de domaine (plutôt qu'en fonction des extraits de page présentés par le moteur). L'étude Domain Bias in Web Search est disponible ici.
Ces derniers jours de décembre ont aussi permis de mettre en lumière le pouvoir singulier que peuvent avoir les clients de registrars. Le plus important d'entre eux, GoDaddy, a vu fuir des milliers de clients après avoir pris position en faveur du projet de loi américain SOPA. En quelques jours, 37.000 noms de domaine n'auraient pas été renouvelés selon VentureBeat, phénomène qui serait en lien direct avec le soutien de GoDaddy à ce projet qui permettrait de bloquer des noms de domaine associés à des contenus dont il serait allégué qu'ils sont contrefaisants. GoDaddy a changé casaque depuis... Cela pourrait-il annoncer d'autres frondes, par lesquelles les utilisateurs de Gmail ou Facebook chercheraient à faire pression sur leur prestataire de services ? Il existe une différence significative : les noms de domaine sont des commodités, ce qui rend aisé le changement de registrar, alors que la difficile portabilité des données stockées sur un webmail ou sur FB n'autorise pas la même volatilité.
.ar
Un article de la dernière Revista El Derecho Informatico (n° 10, déc. 2011, pp. 5-10) est consacré aux particularités des noms de domaine argentins. On apprend par exemple que le nombre maximal d'enregistrements par personne est de 200.
.eu
Tous les deux ans, la Commission doit faire au Parlement Européen un rapport sur la mise en œuvre, le fonctionnement et l'efficacité du domaine de premier niveau .eu. Lecture peu passionnante. On apprend qu'un tiers environ des noms sont utilisés à des fins économiques (ce qui amène à se demander à quoi servent les autres), moins de la moitié de ceux-là étant associés à des sites commerciaux sur lesquels il est effectivement possible de passer commande. Sur le plan contentieux, il y a environ 13 affaires par trimestre devant le centre de règlement des litiges.
.fr
Chacun est invité à remplir le questionnaire sur la gestion des domaines français (qui ne porte donc pas que sur le .fr), dont la publication est le préalable à un nouvel appel d'offres pour la gestion de ces extensions.
L'AFNIC a aussi publié son Observatoire 2011 des noms de domaine.*
Son DG a annoncé sur Twitter que les premières décisions Syreli seront bientôt publiées. L'occasion de formuler un voeu pour 2012 : qu'elles ne soient plus mises en ligne au format pdf mais en xml, de façon à faciliter les recherches ! (voeu étendu aux décisions UDRP).
.in
Dans un contentieux portant sur le nom internet.in, il a été jugé que... ce nom devait être supprimé de la base ! Explications sur Spicy IP.
* que l'on pourrait rapprocher de l'ouvrage nouvellement paru Sociologie des prénoms de B. Coulmont (La Découverte), qui tente de répondre à des questions comme : pourquoi et comment choisit-on un nom ? Quels sont ses usages sociaux ? Y a-t-il des modes ? etc. D'une certaine manière, le rapport de l'AFNIC et le livre du sociologue traitent des mêmes problématiques.
Des chercheurs ont mis en évidence que, sur un moteur de recherche, nous tendons à sélectionner les résultats en fonction des noms de domaine (plutôt qu'en fonction des extraits de page présentés par le moteur). L'étude Domain Bias in Web Search est disponible ici.
Ces derniers jours de décembre ont aussi permis de mettre en lumière le pouvoir singulier que peuvent avoir les clients de registrars. Le plus important d'entre eux, GoDaddy, a vu fuir des milliers de clients après avoir pris position en faveur du projet de loi américain SOPA. En quelques jours, 37.000 noms de domaine n'auraient pas été renouvelés selon VentureBeat, phénomène qui serait en lien direct avec le soutien de GoDaddy à ce projet qui permettrait de bloquer des noms de domaine associés à des contenus dont il serait allégué qu'ils sont contrefaisants. GoDaddy a changé casaque depuis... Cela pourrait-il annoncer d'autres frondes, par lesquelles les utilisateurs de Gmail ou Facebook chercheraient à faire pression sur leur prestataire de services ? Il existe une différence significative : les noms de domaine sont des commodités, ce qui rend aisé le changement de registrar, alors que la difficile portabilité des données stockées sur un webmail ou sur FB n'autorise pas la même volatilité.
.ar
Un article de la dernière Revista El Derecho Informatico (n° 10, déc. 2011, pp. 5-10) est consacré aux particularités des noms de domaine argentins. On apprend par exemple que le nombre maximal d'enregistrements par personne est de 200.
.eu
Tous les deux ans, la Commission doit faire au Parlement Européen un rapport sur la mise en œuvre, le fonctionnement et l'efficacité du domaine de premier niveau .eu. Lecture peu passionnante. On apprend qu'un tiers environ des noms sont utilisés à des fins économiques (ce qui amène à se demander à quoi servent les autres), moins de la moitié de ceux-là étant associés à des sites commerciaux sur lesquels il est effectivement possible de passer commande. Sur le plan contentieux, il y a environ 13 affaires par trimestre devant le centre de règlement des litiges.
.fr
Chacun est invité à remplir le questionnaire sur la gestion des domaines français (qui ne porte donc pas que sur le .fr), dont la publication est le préalable à un nouvel appel d'offres pour la gestion de ces extensions.
L'AFNIC a aussi publié son Observatoire 2011 des noms de domaine.*
Son DG a annoncé sur Twitter que les premières décisions Syreli seront bientôt publiées. L'occasion de formuler un voeu pour 2012 : qu'elles ne soient plus mises en ligne au format pdf mais en xml, de façon à faciliter les recherches ! (voeu étendu aux décisions UDRP).
.in
Dans un contentieux portant sur le nom internet.in, il a été jugé que... ce nom devait être supprimé de la base ! Explications sur Spicy IP.
* que l'on pourrait rapprocher de l'ouvrage nouvellement paru Sociologie des prénoms de B. Coulmont (La Découverte), qui tente de répondre à des questions comme : pourquoi et comment choisit-on un nom ? Quels sont ses usages sociaux ? Y a-t-il des modes ? etc. D'une certaine manière, le rapport de l'AFNIC et le livre du sociologue traitent des mêmes problématiques.
December 03, 2011
Blogging en retard
Beaucoup d'actualités autour des noms de domaine ces derniers jours, et si peu de temps pour les traiter correctement, malheureusement ! A noter :
1. La régulation de l'internet par les noms de domaine continue
Aux Etats-Unis, se poursuit la discussion législative autour de l'adoption du glaçant projet SOPA (Stop Online Piracy Act). Rappelons qu'il donne des prérogatives exorbitantes à certaines autorités américaines, permettant aux titulaires de droits d'outre-Atlantique d'obtenir des sanctions contre des sites étrangers, sans garanties pour ces derniers. Pendant, ce temps, les Douanes américaines ont saisi de nouveaux noms de domaine (130 le 24 novembre, 11 autres hier).
Et toujours aux USA, mais au terme d'une procédure judiciaire cette fois, Chanel a obtenu qu'il soit ordonné à un registre de changer le registrar de plusieurs centaines de noms contrefaisant sa marque, d'ordonner à l'actuel registrar (GoDaddy) de changer les DNS de ces noms pour qu'ils redirigent vers un site où se trouve une copie de la demande formée contre leurs titulaires, l'autorisation de saisir ces noms dans Google's Webmaster Tools (aux fins, semble-t-il de demander leur désindexation), et celle d'empêcher leur redirection. Chanel a aussi obtenu qu'il soit ordonné à Google, Bing, Yahoo, Facebook, Google+ et Twitter de désindexer et/ou supprimer ces noms de leurs résultats de recherche.
En France, dans une action judiciaire dirigée contre différents sites référençant des vidéos illicites, il est demandé au juge non seulement le blocage de noms de domaine, mais de s'assurer, une fois cette mesure ordonnée :
- que l'adresse DNS ou l'adresse IP bloquée conduise toujours aux contenus illicites (dans le cas
inverse, les mesures de blocage devront être levées) ;
- que le site ne soit pas accessible via un autre nom de domaine et/ou via une adresse IP tierce.
Il est donc demandé une mesure évolutive, dont on verra - si le juge venait à l'ordonner - si elle est adaptée au jeu du chat et de la souris qui se déroule depuis plusieurs années entre les ayants droit et les sites visés (en l'occurrence alloshowtv.com, allomovies.com, alloshare.com et allostreaming.com).
Rappelons que l'ISOC avait pris position contre le filtrage DNS, car la modification unilatérale du DNS entraîne d'importants risques de sécurité, ne résout pas le problème, crée d'importants dommages collatéraux (techniques comme non techniques). L'ISOC considère qu'il faut toujours s'attaquer à la source, en renforçant la coopération internationale. Quant au Parlement Européen, il a adopté mi-novembre une résolution dans laquelle il "insiste sur la nécessité de protéger l'intégrité de l'internet mondial et la liberté de communication en évitant toute mesure unilatérale destinée à révoquer des adresses IP ou des noms de domaines".
2. Nouvelles règles pour les noms de domaine français
Après avoir formalisé ses relations avec l'ICANN un mois plus tôt, l'AFNIC a publié une nouvelle charte de nommage, en vigueur à partir du 6 décembre 2011. Outre que les enregistrements et autres sont ouverts à tous les particuliers et entreprises européens, désormais il n'y a plus d'un côté des règles d'enregistrement du .fr et de l'autre d'autres règles spécifiques aux .re et consorts : la charte porte sur l'ensemble des extensions françaises.
3. Droit de la concurrence
Des société exerçant sur le créneau "adultes", Digital Playground et Manwin (qui sont à la tête notamment de YouPorn.com), a engagé une action antitrust contre l'ICANN suite au lancement du .xxx. Selon elle, cette décision a obligé de nombreux sites web à sécuriser leurs marques par le biais des defensive registrations... et donc été forcées à dépenser de l'argent.
Il a beaucoup été dit que cette action peut aussi être un test de l'applicabilité des règles de la concurrence avant l'ouverture prochaine de nombreux gTLD. L'enjeu de l'affaire ? La régulation des prix et des conditions d'enregistrement définies par les futurs registres, et les conditions de l'allocation d'une extension.
1. La régulation de l'internet par les noms de domaine continue
Aux Etats-Unis, se poursuit la discussion législative autour de l'adoption du glaçant projet SOPA (Stop Online Piracy Act). Rappelons qu'il donne des prérogatives exorbitantes à certaines autorités américaines, permettant aux titulaires de droits d'outre-Atlantique d'obtenir des sanctions contre des sites étrangers, sans garanties pour ces derniers. Pendant, ce temps, les Douanes américaines ont saisi de nouveaux noms de domaine (130 le 24 novembre, 11 autres hier).
Et toujours aux USA, mais au terme d'une procédure judiciaire cette fois, Chanel a obtenu qu'il soit ordonné à un registre de changer le registrar de plusieurs centaines de noms contrefaisant sa marque, d'ordonner à l'actuel registrar (GoDaddy) de changer les DNS de ces noms pour qu'ils redirigent vers un site où se trouve une copie de la demande formée contre leurs titulaires, l'autorisation de saisir ces noms dans Google's Webmaster Tools (aux fins, semble-t-il de demander leur désindexation), et celle d'empêcher leur redirection. Chanel a aussi obtenu qu'il soit ordonné à Google, Bing, Yahoo, Facebook, Google+ et Twitter de désindexer et/ou supprimer ces noms de leurs résultats de recherche.
En France, dans une action judiciaire dirigée contre différents sites référençant des vidéos illicites, il est demandé au juge non seulement le blocage de noms de domaine, mais de s'assurer, une fois cette mesure ordonnée :
- que l'adresse DNS ou l'adresse IP bloquée conduise toujours aux contenus illicites (dans le cas
inverse, les mesures de blocage devront être levées) ;
- que le site ne soit pas accessible via un autre nom de domaine et/ou via une adresse IP tierce.
Il est donc demandé une mesure évolutive, dont on verra - si le juge venait à l'ordonner - si elle est adaptée au jeu du chat et de la souris qui se déroule depuis plusieurs années entre les ayants droit et les sites visés (en l'occurrence alloshowtv.com, allomovies.com, alloshare.com et allostreaming.com).
Rappelons que l'ISOC avait pris position contre le filtrage DNS, car la modification unilatérale du DNS entraîne d'importants risques de sécurité, ne résout pas le problème, crée d'importants dommages collatéraux (techniques comme non techniques). L'ISOC considère qu'il faut toujours s'attaquer à la source, en renforçant la coopération internationale. Quant au Parlement Européen, il a adopté mi-novembre une résolution dans laquelle il "insiste sur la nécessité de protéger l'intégrité de l'internet mondial et la liberté de communication en évitant toute mesure unilatérale destinée à révoquer des adresses IP ou des noms de domaines".
2. Nouvelles règles pour les noms de domaine français
Après avoir formalisé ses relations avec l'ICANN un mois plus tôt, l'AFNIC a publié une nouvelle charte de nommage, en vigueur à partir du 6 décembre 2011. Outre que les enregistrements et autres sont ouverts à tous les particuliers et entreprises européens, désormais il n'y a plus d'un côté des règles d'enregistrement du .fr et de l'autre d'autres règles spécifiques aux .re et consorts : la charte porte sur l'ensemble des extensions françaises.
3. Droit de la concurrence
Des société exerçant sur le créneau "adultes", Digital Playground et Manwin (qui sont à la tête notamment de YouPorn.com), a engagé une action antitrust contre l'ICANN suite au lancement du .xxx. Selon elle, cette décision a obligé de nombreux sites web à sécuriser leurs marques par le biais des defensive registrations... et donc été forcées à dépenser de l'argent.
Il a beaucoup été dit que cette action peut aussi être un test de l'applicabilité des règles de la concurrence avant l'ouverture prochaine de nombreux gTLD. L'enjeu de l'affaire ? La régulation des prix et des conditions d'enregistrement définies par les futurs registres, et les conditions de l'allocation d'une extension.
November 25, 2011
Problème de droit des Merck
facebook.com/merck était la page de Merck quand soudain... elle devint la page de Merck !
La première société, de droit allemand, a pour dénomination sociale exacte Merck KGaA. La seconde s'appelle Merck & Co., et toutes deux exercent dans le secteur pharmaceutique.
Que s'est-il passé le mois dernier, qui a fait que la page facebook.com/merck est passée de l'une à l'autre ? La société allemande a assigné lundi Facebook devant une juridiction américaine, afin d'obtenir des éclaircissements de la plateforme californienne, qui n'a pas fourni d'explications...
L'affaire devrait refroidir les sociétés qui exercent principalement ou exclusivement leur activité via les réseaux sociaux. Elle montre à quel point les plateformes peuvent avoir un droit de vie et de mort sur elles.
[Wall Street Journal]
[MAJ : Facebook s'est excusée de ce mic-mac... mais sans renverser la situation]
La première société, de droit allemand, a pour dénomination sociale exacte Merck KGaA. La seconde s'appelle Merck & Co., et toutes deux exercent dans le secteur pharmaceutique.
Que s'est-il passé le mois dernier, qui a fait que la page facebook.com/merck est passée de l'une à l'autre ? La société allemande a assigné lundi Facebook devant une juridiction américaine, afin d'obtenir des éclaircissements de la plateforme californienne, qui n'a pas fourni d'explications...
L'affaire devrait refroidir les sociétés qui exercent principalement ou exclusivement leur activité via les réseaux sociaux. Elle montre à quel point les plateformes peuvent avoir un droit de vie et de mort sur elles.
[Wall Street Journal]
[MAJ : Facebook s'est excusée de ce mic-mac... mais sans renverser la situation]
November 23, 2011
L'utilisation d'un nom de domaine peut-elle être constitutive d'abus de position dominante ?
Sur le site de l'aéroport de Lille-Lesquin, la société SOGAREL gère les parkings P1 à P5. La société Park and Fly, pour la concurrencer, a créé 100 places de stationnement sur la commune de Vendeville, limitrophe de Lesquin.
Elle doit maintenant attirer les clients. Ce qui n'est pas du goût de la SOGAREL ! Une procédure devant l'Autorité de la Concurrence s'ensuit, dans laquelle Park and Fly part de divers faits : restriction d'accès, dénigrement par les agents de sécurité de l'aéroport... Parmi les arguments, la création d'un site internet park-fly.eu par la SOGAREL, alors que celui de Park and Fly a pour nom parkandfly.fr. Le nom de domaine enregistré par la SOGAREL redirige vers la page "parkings" du site de l'aéroport de Lille.
Cette pratique est-elle constitutive d'abus de position dominante ?
L'Autorité de la Concurrence estime que "l’objet évident de ce site était de détourner la clientèle de la société Park and Fly vers les parkings de l’aéroport de Lille". Elle ajoute qu'une entreprise en position dominante a "une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée sur le marché".
Toutefois, l'Autorité observe que la pratique a cessé, et qu'elle n’a de fait duré que quelques mois. Surtout, l'Autorité observe que "quelque condamnable que soit cette pratique" (elle ne préjuge donc pas de la possible application du droit des signes distinctifs en l'espèce), "elle n’a jamais empêché l’accès au site de Park and Fly qui est toujours apparu parmi les premiers résultats dans les moteurs de recherche". Ce considérant est intéressant : à suivre le juge, ce qui serait abusif serait donc de parvenir à empêcher toute visibilité du site du concurrent (ou encore de le pirater pour l'empêcher complètement de fonctionner, ce qui s'était vu par exemple dans l'affaire Virgin Airlines / British Airways).
L'Autorité observe aussi que "seule une partie de [la] clientèle [de Park and Fly] utilise internet pour la recherche d’un stationnement aéroportuaire et Park and Fly a mis en œuvre d’autres moyens de publicité, notamment la distribution de tracts et des affiches sur la route menant à l’aéroport, pour se faire connaître".
Elle conclut que "dans le cas d’espèce, la présente pratique, compte tenu de sa durée et de sa portée très limitées, ne saurait avoir affecté de manière sensible le marché des parkings à destination des passagers de l’aéroport de Lille et, par conséquent, être qualifiée d’abus de position dominante". Attention, le fait que l'Autorité n'ait pas condamné l'imitation du signe d'un concurrent n'autorise pas plus qu'avant à le faire ! Ce qu'il faut retenir, c'est que l'usage du nom de domaine d'un compétiteur pourrait aussi être sanctionné sur le fondement du droit de la concurrence, à certaines conditions.
[décision n° 11-D-15 du 16 novembre 2011]
Elle doit maintenant attirer les clients. Ce qui n'est pas du goût de la SOGAREL ! Une procédure devant l'Autorité de la Concurrence s'ensuit, dans laquelle Park and Fly part de divers faits : restriction d'accès, dénigrement par les agents de sécurité de l'aéroport... Parmi les arguments, la création d'un site internet park-fly.eu par la SOGAREL, alors que celui de Park and Fly a pour nom parkandfly.fr. Le nom de domaine enregistré par la SOGAREL redirige vers la page "parkings" du site de l'aéroport de Lille.
Cette pratique est-elle constitutive d'abus de position dominante ?
L'Autorité de la Concurrence estime que "l’objet évident de ce site était de détourner la clientèle de la société Park and Fly vers les parkings de l’aéroport de Lille". Elle ajoute qu'une entreprise en position dominante a "une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée sur le marché".
Toutefois, l'Autorité observe que la pratique a cessé, et qu'elle n’a de fait duré que quelques mois. Surtout, l'Autorité observe que "quelque condamnable que soit cette pratique" (elle ne préjuge donc pas de la possible application du droit des signes distinctifs en l'espèce), "elle n’a jamais empêché l’accès au site de Park and Fly qui est toujours apparu parmi les premiers résultats dans les moteurs de recherche". Ce considérant est intéressant : à suivre le juge, ce qui serait abusif serait donc de parvenir à empêcher toute visibilité du site du concurrent (ou encore de le pirater pour l'empêcher complètement de fonctionner, ce qui s'était vu par exemple dans l'affaire Virgin Airlines / British Airways).
L'Autorité observe aussi que "seule une partie de [la] clientèle [de Park and Fly] utilise internet pour la recherche d’un stationnement aéroportuaire et Park and Fly a mis en œuvre d’autres moyens de publicité, notamment la distribution de tracts et des affiches sur la route menant à l’aéroport, pour se faire connaître".
Elle conclut que "dans le cas d’espèce, la présente pratique, compte tenu de sa durée et de sa portée très limitées, ne saurait avoir affecté de manière sensible le marché des parkings à destination des passagers de l’aéroport de Lille et, par conséquent, être qualifiée d’abus de position dominante". Attention, le fait que l'Autorité n'ait pas condamné l'imitation du signe d'un concurrent n'autorise pas plus qu'avant à le faire ! Ce qu'il faut retenir, c'est que l'usage du nom de domaine d'un compétiteur pourrait aussi être sanctionné sur le fondement du droit de la concurrence, à certaines conditions.
[décision n° 11-D-15 du 16 novembre 2011]
November 09, 2011
La nouvelle procédure SYRELI : questions - réponses
Inspirés de l'exemple UDRP, une cinquantaine de registres de par le monde ont créé une procédure spécifique de résolution des litiges permettant de ne pas passer par la voie judiciaire. Certains registres ont choisi de la faire administrer par le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI, d'autres par des structures d'arbitrage distinctes (par exemple le CEPANI pour le .be), d'autres encore désignent eux-même les experts appelés à trancher (c'est le cas de Nominet). La plupart des procédures sont prévues par contrat, mais certaines ont pour source un texte règlementaire : c'est le cas du .eu, régi par le Règlement 874/2004.
En France, a récemment été rendue publique une nouvelle procédure alternative de règlement des litiges relatifs aux noms en .fr et .re. Baptisée SYRELI (SYstème de REsolution des LItiges), elle peut être mise en oeuvre à partir du 21 novembre prochain. Comme tout nouveau texte, celui-ci peut susciter des questions, tant pour ceux qui voudraient l'utiliser que pour ceux qui pourraient être affectés.
La procédure SYRELI est-elle obligatoire ?
Une personne qui estimerait que ses droits sont violés suite à l'enregistrement d'un nom de domaine en .fr ou .re peut utiliser cette procédure, ou choisir la voie judiciaire (il semble qu'il soit toujours possible d'utiliser le CMAP pour une médiation, mais celle-ci n'aura pas de force exécutoire pour les parties).
Une fois qu'une telle procédure est engagée contre lui, le titulaire du nom de domaine est tenu de répondre dans les délais.
Un nom ne peut faire l'objet à la fois d'une procédure SYRELI et d'une autre procédure.
Qui peut attaquer ?
"Toute personne démontrant un intérêt à agir" peut le faire. Si l'on se réfère à la jurisprudence qui s'est développée autour du .eu, cela peut s'entendre au sens large. Dans le cas d'une marque par exemple, l'Arbitration Center for .eu Disputes a estimé que ce n'est pas seulement le propriétaire qui peut agir, mais aussi le licencié.
La procédure SYRELI pouvant viser des noms portant atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, on peut imaginer qu'une association de défense des valeurs se porte requérante.
En quelle langue ?
La procédure se fait exclusivement en langue française. Les éléments de preuve en langue étrangère doivent être traduits par une personne qualifiée.
A quel prix ?
La procédure est payante, le requérant devant à ce jour s'acquitter d'une somme de 250 € (HT) pour l'engager.
Qui est attaqué ?
Le titulaire du nom de domaine. Dans le cas où celui-ci a concédé l'utilisation du nom de domaine à un tiers, se pose la question de la pertinence du recours à la procédure SYRELI (car l'usage du nom n'est pas du fait du défendeur).
Le titulaire est informé par voie électronique et postale de ce qu'une procédure est engagée contre lui.
Qui saisir ?
L'AFNIC, via sa plateforme dédiée.
Comment saisir ? Comment répondre ?
La procédure se fait entièrement à distance, principalement par voie électronique (subsidiairement par voie postale).
Le titulaire du nom a 21 jours (calendaires) pour répondre, en utilisant le formulaire dédié à cet effet.
Il pourra compléter sa réponse jusqu'à l'expiration de ce délai.
Peut-on attaquer tout nom ?
Deux interprétations sont possibles :
- comme elle ne s'applique qu'à compter du 21 novembre, elle ne peut avoir d'effet que pour les personnes enregistrant ou renouvelant un nom de domaine après cette date ;
- comme la procédure a été approuvée par arrêté, cette onction publique lui donnerait un effet immédiat sur les contrats en cours.
Le texte du règlement posant comme condition que "le nom de domaine a été créé ou renouvelé postérieurement au 1er juillet 2011", cela signifie que le registre a opté pour la seconde lecture.
Quelles preuves peuvent apporter le demandeur et le défendeur ?
Tout élément de preuve est possible, le règlement ne prévoyant pas de limitation de nature ou de volume. La seule règle est que les pièces qui ne seraient pas en français soient traduites.
Ni le rapporteur désigné par l'AFNIC ni le Collège désigné pour trancher ne peuvent procéder à des recherches personnelles.
Quelle est la sanction ?
Le transfert ou la suppression du nom de domaine litigieux. La procédure ne peut donner lieu à des dommages-intérêts.
La sanction n'est exécutée que 15 jours après que les parties en ont eu connaissance.
La décision est-elle rendue publique ?
Oui, mais anonymisée.
La décision peut-elle faire l'objet d'un recours ?
La décision ne sera pas exécutée si, dans les 15 jours suivant sa notification, elle fait l'objet d'un recours devant un tribunal (dont il n'est pas indiqué s'il doit être judiciaire ou administratif).
Si un tel recours est formé, le nom reste gelé jusqu'à ce que la décision soit rendue, ou que la procédure s'arrête.
Quels sont les avantages de la procédure ?
Elle est rapide : la décision doit être rendue dans un délai de deux mois suivant la réception du dossier complet du requérant.
Elle offre une garantie pour le demandeur : pendant celle-ci, le nom est gelé.
Ce blog évoquera-t-il les décisions SYRELI ?
Oui, bien sûr !
==> Voir le Règlement du système de résolution des litiges - Syreli.
En France, a récemment été rendue publique une nouvelle procédure alternative de règlement des litiges relatifs aux noms en .fr et .re. Baptisée SYRELI (SYstème de REsolution des LItiges), elle peut être mise en oeuvre à partir du 21 novembre prochain. Comme tout nouveau texte, celui-ci peut susciter des questions, tant pour ceux qui voudraient l'utiliser que pour ceux qui pourraient être affectés.
La procédure SYRELI est-elle obligatoire ?
Une personne qui estimerait que ses droits sont violés suite à l'enregistrement d'un nom de domaine en .fr ou .re peut utiliser cette procédure, ou choisir la voie judiciaire (il semble qu'il soit toujours possible d'utiliser le CMAP pour une médiation, mais celle-ci n'aura pas de force exécutoire pour les parties).
Une fois qu'une telle procédure est engagée contre lui, le titulaire du nom de domaine est tenu de répondre dans les délais.
Un nom ne peut faire l'objet à la fois d'une procédure SYRELI et d'une autre procédure.
Qui peut attaquer ?
"Toute personne démontrant un intérêt à agir" peut le faire. Si l'on se réfère à la jurisprudence qui s'est développée autour du .eu, cela peut s'entendre au sens large. Dans le cas d'une marque par exemple, l'Arbitration Center for .eu Disputes a estimé que ce n'est pas seulement le propriétaire qui peut agir, mais aussi le licencié.
La procédure SYRELI pouvant viser des noms portant atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, on peut imaginer qu'une association de défense des valeurs se porte requérante.
En quelle langue ?
La procédure se fait exclusivement en langue française. Les éléments de preuve en langue étrangère doivent être traduits par une personne qualifiée.
A quel prix ?
La procédure est payante, le requérant devant à ce jour s'acquitter d'une somme de 250 € (HT) pour l'engager.
Qui est attaqué ?
Le titulaire du nom de domaine. Dans le cas où celui-ci a concédé l'utilisation du nom de domaine à un tiers, se pose la question de la pertinence du recours à la procédure SYRELI (car l'usage du nom n'est pas du fait du défendeur).
Le titulaire est informé par voie électronique et postale de ce qu'une procédure est engagée contre lui.
Qui saisir ?
L'AFNIC, via sa plateforme dédiée.
Comment saisir ? Comment répondre ?
La procédure se fait entièrement à distance, principalement par voie électronique (subsidiairement par voie postale).
Le titulaire du nom a 21 jours (calendaires) pour répondre, en utilisant le formulaire dédié à cet effet.
Il pourra compléter sa réponse jusqu'à l'expiration de ce délai.
Peut-on attaquer tout nom ?
Deux interprétations sont possibles :
- comme elle ne s'applique qu'à compter du 21 novembre, elle ne peut avoir d'effet que pour les personnes enregistrant ou renouvelant un nom de domaine après cette date ;
- comme la procédure a été approuvée par arrêté, cette onction publique lui donnerait un effet immédiat sur les contrats en cours.
Le texte du règlement posant comme condition que "le nom de domaine a été créé ou renouvelé postérieurement au 1er juillet 2011", cela signifie que le registre a opté pour la seconde lecture.
Quelles preuves peuvent apporter le demandeur et le défendeur ?
Tout élément de preuve est possible, le règlement ne prévoyant pas de limitation de nature ou de volume. La seule règle est que les pièces qui ne seraient pas en français soient traduites.
Ni le rapporteur désigné par l'AFNIC ni le Collège désigné pour trancher ne peuvent procéder à des recherches personnelles.
Quelle est la sanction ?
Le transfert ou la suppression du nom de domaine litigieux. La procédure ne peut donner lieu à des dommages-intérêts.
La sanction n'est exécutée que 15 jours après que les parties en ont eu connaissance.
La décision est-elle rendue publique ?
Oui, mais anonymisée.
La décision peut-elle faire l'objet d'un recours ?
La décision ne sera pas exécutée si, dans les 15 jours suivant sa notification, elle fait l'objet d'un recours devant un tribunal (dont il n'est pas indiqué s'il doit être judiciaire ou administratif).
Si un tel recours est formé, le nom reste gelé jusqu'à ce que la décision soit rendue, ou que la procédure s'arrête.
Quels sont les avantages de la procédure ?
Elle est rapide : la décision doit être rendue dans un délai de deux mois suivant la réception du dossier complet du requérant.
Elle offre une garantie pour le demandeur : pendant celle-ci, le nom est gelé.
Ce blog évoquera-t-il les décisions SYRELI ?
Oui, bien sûr !
==> Voir le Règlement du système de résolution des litiges - Syreli.
Trop visible sur internet ? La justice guette !
Il y a quelques jours, un arrêt de la Cour d'appel de Douai avait défrayé la chronique dans le milieu SEO : un site avait été condamné parce qu'il était... trop bien référencé. Une concurrente, s'estimant dans l'incapacité d'être bien classée sur les moteurs, l'avait attaqué, et obtenu gain de cause.
On pourra lire aujourd'hui sur Dalloz mon commentaire de cet arrêt.
On pourra lire aujourd'hui sur Dalloz mon commentaire de cet arrêt.
November 05, 2011
Non, le SEO n'est pas abusif !
Le site Legalis a publié très récemment un article intitulé La Cour de Douai sanctionne le référencement abusif. Cet intitulé semble faire mouche, déjà repris sur diverses publications en l'état.
Mais à lire l'arrêt, y a-t-il véritablement référencement "abusif" ? Il semble plutôt que ce soit le titre de cette dépêche qui le soit.
L'arrêt date du 5 octobre 2011. Il sanctionne la société Saveur Bière et son gérant, et donne raison à l'entreprise Sélection Bière de Céline S. Soulignons-le d'emblée : la condamnation est justifiée, les premiers ayant faussement affirmé "sur leur site saveur-biere.com que les nouveaux produits qu’ils commercialisent sont plus fiables que les anciens produits, qui sont ceux commercialisés sur le marché allemand et distribués par Céline S.".
La Cour a souligné avec raison qu'il s'agit d'"actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale au préjudice de leur concurrente dont les produits sont signalés comme déficients".
Mais la Cour retient aussi qu'il y aurait atteinte à la loyauté de la concurrence du fait des pratiques de référencement utilisées pour la promotion du site saveur-biere.com. Pourquoi cela ?
Elle observe que lorsque l’on saisissait différents mots clefs identiques ou similaires à "selection biere" dans les différents moteurs de recherche tels que Google, Yahoo, Voila, MSN, AOL, Altavista, Excite, Alltheweb, Lycos (oui, oui, Lycos !) ce sont les sites des défendeurs qui apparaissent (en quelle position exacte, cela n'est pas indiqué par les juges). Il s'agit d'une série de sites, dont saveur-biere.com, mais aussi des sites qui y renvoient comme misterbiere.com, in2beers.com, mister-biere.com, esprit-biere.com, couleur-biere.com, couleursbieres.com, monsieurbiere.com. La Cour note "que ces sites n’offrent aucun service, sinon de proposer une suite de liens renvoyant sur le site principal de la société Saveur Biere". Elle ajoute que "ces sites dits satellites comportent un grand nombre de fois le mot-clef “biere” indicatifs retenus par les moteurs de recherche pour élaborer le classement en page de résultats".
Et cela suffit à ce qu'elle entre en condamnation ! Selon elle, "ces techniques sont destinées à tromper les moteurs de recherche sur la qualité d’une page ou d’un site afin d’obtenir par un mot- clef donné, un bon classement dans les résultats de moteurs".
Reprenons : un moteur a une méthode de classement. Ceux dont l'activité en ligne dépend exclusivement de leur visibilité sur les moteurs au moyen de leur référencement naturel cherchent constamment à maintenir leur classement et l'améliorer. On peut donc former l'hypothèse que toute entreprise en ligne utilise des moyens ou des pratiques à cette fin.
Certaines de ces pratiques sont irrégulières : cela s'est vu en jurisprudence il y a déjà dix ans quand des titulaires de marques attaquaient ceux qui croyaient pouvoir utiliser ces marques dans leur code source (meta-tags). Les pratiques ont cessé quand les moteurs ont abandonné le recours aux méta-balises pour juger de la pertinence d'un site. Mais dès lors qu'il ne s'agit pas de se faire passer pour un concurrent ou d'utiliser ses signes distinctifs de façon irrégulière, pourquoi y aurait-il concurrence déloyale ?
Dans ce qui vient d'être écrit, remplacez "moteur" par "annuaire", et "entreprise en ligne" par "commerce physique". Ouvrez maintenant votre annuaire, et vous verrez que se bousculent au début de chaque rubrique des entreprises dont le nom commence par "A" (ou "AA" ou "AAA"). Que font-elles ? Elles rivalisent pour être les mieux classées. La technique est peut-être grossière, mais elle n'est pas interdite.
Alors pourquoi ne pourrait-on utiliser le SEO pour "booster son site" ? La Cour dit que "ces techniques sont destinées à tromper les moteurs de recherche". Soit. Mais dans ce cas, c'est au moteur de réagir - ce qu'il fait de deux manières, soit en déréférençant un site en particulier, soit en modifiant sa méthode d'indexation (et quand il le fait, on sait quel cataclysme cela déclenche...). Ce qui montre aussi que tout classement est aussi relatif et précaire.
S'agissant de Google, la chose est connue : plus il y aura de liens entrants, et plus cela peut permettre au site d'être visible (sachant qu'il ne s'agit pas du seul élément d'indexation pris en compte par Google : on estime, selon les sources, qu'il existe 100 à 400 critères pour le classement). Conséquence : les webmasters cherchent des liens, ou les créent eux-mêmes.
C'est ce qu'a fait, un parmi d'autre, la société critiquée ici : elle a, comme le dit la Cour, "multipli[é] la réservation de noms de domaine comportant à de nombreuses reprises le terme biere favorisant la création de liens orientant vers leur nom de domaine, le plaçant de ce fait en tête des moteurs de recherche". Et elle ajoute immédiatement, dans la même phrase, sans expliquer le lien de cause à effet, que "Julien L. et la SARL Saveur Biere ont commis des actes de concurrence déloyale en privant le site appartenant à Céline S., qui exerce dans le même secteur d’activité, d’être normalement visité".
Stupéfiant !
Juridiquement, le lien entre le fait dont il est soutenu qu'il est préjudiciable et le dommage doit être établi. Il n'est pas caractérisé ici : dans le cas de Google, le poids des liens entrants est fonction de la qualité du site où ils ont été inclus. Est-ce parce que la société Saveur Bière a bricolé des pages sous divers noms de domaine qu'elle a automatiquement été bien placée sur certaines requêtes ? S'il suffisait de faire cela, le SEO serait simple...!
Et surtout, les pratiques que la cour considère comme déloyales - enregistrer des noms de domaine contenant des mots-clé - sont extrêmement courantes. Dans un dossier sur les interactions entre noms de domaine et référencement publié par l'AFNIC, par exemple, il a été relevé que "l'on peut établir des liens immédiats entre l'achat de mots-clés dans le contexte d'une action de référencement et leur utilisation sous forme de noms de domaine". C'est un constat, parmi beaucoup d'autres, de ce que la pratique est généralisée.
Elle est si connue et répandue qu'on pourra même s'étonner de ce que l'entreprise à l'origine de l'action en justice ne l'a pas utilisée également. Ou alors l'utilisait-elle avec moins de résultat, ce qui l'a amenée à se tourner vers un tribunal ?
Et puis, cette décision rend-elle justice ? La société Saveur Biere est condamnée à supprimer les sites satellites, et à indemniser sa concurrente (10.000 €). Plaçons-nous quelques jours après la signification de l'arrêt : la société supprime les sites satellites, mais reste bien placée dans les moteurs... pour une raison qu'elle ignore, et qui tient au fonctionnement propre des moteurs. Devra-t-elle de nouveau être condamnée ? Cela reviendrait à être responsable du fait d'un tiers. Et, à relire l'arrêt critiqué, c'est bien ce que la Cour d'appel de Douai semble avoir fait : retenu la responsabilité d'un site du fait de la façon dont il apparaît sur des moteurs tiers, dont il n'a pourtant pas le contrôle.
Sur le pur plan "noms de domaine", la Cour d'appel de Douai confirme ce qu'elle fut la première à juger, en 2002 : des entreprises concurrentes peuvent librement utiliser des noms génériques pour leur site. Ceux qui se souviennent de l'affaire "Bois Tropicaux" se rappellent qu'il avait été jugé qu'une entreprise peut utiliser le nom boistropicaux.com même si sa concurrente exploite déjà le même nom - à un tiret près - bois-tropicaux.com.
Ici, l'entreprise en demande exploite le nom selection-biere.com. Le gérant de la société attaquée avait enregistré avant cette exploitation le nom selectionbiere.com. La Cour estime, justement cette fois, que :
Dès lors qu'elle accepte qu'il n'est pas anormal d'utiliser un nom de domaine "creux", on ne comprend pas pourquoi la Cour considère à l'inverse qu'il est irrégulier d'utiliser des pages "creuses". Oublions donc cet arrêt en le considérant comme une anomalie, et ne retenons donc de cet arrêt que la confirmation de ce que "le nom de domaine n’est pas couvert par un droit privatif et ne bénéficie donc pas d’une protection juridique spécifique ; que l’usage d’un tel signe est donc soumis à l’action en responsabilité délictuelle de droit commun régie par l’article 1382 du code civil, qui suppose la démonstration d’une concurrence déloyale par un usage excessif de la liberté du commerce par des procédés qui rompent l’égalité dans les moyens de la concurrence".
L'arrêt date du 5 octobre 2011. Il sanctionne la société Saveur Bière et son gérant, et donne raison à l'entreprise Sélection Bière de Céline S. Soulignons-le d'emblée : la condamnation est justifiée, les premiers ayant faussement affirmé "sur leur site saveur-biere.com que les nouveaux produits qu’ils commercialisent sont plus fiables que les anciens produits, qui sont ceux commercialisés sur le marché allemand et distribués par Céline S.".
La Cour a souligné avec raison qu'il s'agit d'"actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale au préjudice de leur concurrente dont les produits sont signalés comme déficients".
Mais la Cour retient aussi qu'il y aurait atteinte à la loyauté de la concurrence du fait des pratiques de référencement utilisées pour la promotion du site saveur-biere.com. Pourquoi cela ?
Elle observe que lorsque l’on saisissait différents mots clefs identiques ou similaires à "selection biere" dans les différents moteurs de recherche tels que Google, Yahoo, Voila, MSN, AOL, Altavista, Excite, Alltheweb, Lycos (oui, oui, Lycos !) ce sont les sites des défendeurs qui apparaissent (en quelle position exacte, cela n'est pas indiqué par les juges). Il s'agit d'une série de sites, dont saveur-biere.com, mais aussi des sites qui y renvoient comme misterbiere.com, in2beers.com, mister-biere.com, esprit-biere.com, couleur-biere.com, couleursbieres.com, monsieurbiere.com. La Cour note "que ces sites n’offrent aucun service, sinon de proposer une suite de liens renvoyant sur le site principal de la société Saveur Biere". Elle ajoute que "ces sites dits satellites comportent un grand nombre de fois le mot-clef “biere” indicatifs retenus par les moteurs de recherche pour élaborer le classement en page de résultats".
Et cela suffit à ce qu'elle entre en condamnation ! Selon elle, "ces techniques sont destinées à tromper les moteurs de recherche sur la qualité d’une page ou d’un site afin d’obtenir par un mot- clef donné, un bon classement dans les résultats de moteurs".
Reprenons : un moteur a une méthode de classement. Ceux dont l'activité en ligne dépend exclusivement de leur visibilité sur les moteurs au moyen de leur référencement naturel cherchent constamment à maintenir leur classement et l'améliorer. On peut donc former l'hypothèse que toute entreprise en ligne utilise des moyens ou des pratiques à cette fin.
Certaines de ces pratiques sont irrégulières : cela s'est vu en jurisprudence il y a déjà dix ans quand des titulaires de marques attaquaient ceux qui croyaient pouvoir utiliser ces marques dans leur code source (meta-tags). Les pratiques ont cessé quand les moteurs ont abandonné le recours aux méta-balises pour juger de la pertinence d'un site. Mais dès lors qu'il ne s'agit pas de se faire passer pour un concurrent ou d'utiliser ses signes distinctifs de façon irrégulière, pourquoi y aurait-il concurrence déloyale ?
Dans ce qui vient d'être écrit, remplacez "moteur" par "annuaire", et "entreprise en ligne" par "commerce physique". Ouvrez maintenant votre annuaire, et vous verrez que se bousculent au début de chaque rubrique des entreprises dont le nom commence par "A" (ou "AA" ou "AAA"). Que font-elles ? Elles rivalisent pour être les mieux classées. La technique est peut-être grossière, mais elle n'est pas interdite.
Alors pourquoi ne pourrait-on utiliser le SEO pour "booster son site" ? La Cour dit que "ces techniques sont destinées à tromper les moteurs de recherche". Soit. Mais dans ce cas, c'est au moteur de réagir - ce qu'il fait de deux manières, soit en déréférençant un site en particulier, soit en modifiant sa méthode d'indexation (et quand il le fait, on sait quel cataclysme cela déclenche...). Ce qui montre aussi que tout classement est aussi relatif et précaire.
S'agissant de Google, la chose est connue : plus il y aura de liens entrants, et plus cela peut permettre au site d'être visible (sachant qu'il ne s'agit pas du seul élément d'indexation pris en compte par Google : on estime, selon les sources, qu'il existe 100 à 400 critères pour le classement). Conséquence : les webmasters cherchent des liens, ou les créent eux-mêmes.
C'est ce qu'a fait, un parmi d'autre, la société critiquée ici : elle a, comme le dit la Cour, "multipli[é] la réservation de noms de domaine comportant à de nombreuses reprises le terme biere favorisant la création de liens orientant vers leur nom de domaine, le plaçant de ce fait en tête des moteurs de recherche". Et elle ajoute immédiatement, dans la même phrase, sans expliquer le lien de cause à effet, que "Julien L. et la SARL Saveur Biere ont commis des actes de concurrence déloyale en privant le site appartenant à Céline S., qui exerce dans le même secteur d’activité, d’être normalement visité".
Stupéfiant !
Juridiquement, le lien entre le fait dont il est soutenu qu'il est préjudiciable et le dommage doit être établi. Il n'est pas caractérisé ici : dans le cas de Google, le poids des liens entrants est fonction de la qualité du site où ils ont été inclus. Est-ce parce que la société Saveur Bière a bricolé des pages sous divers noms de domaine qu'elle a automatiquement été bien placée sur certaines requêtes ? S'il suffisait de faire cela, le SEO serait simple...!
Et surtout, les pratiques que la cour considère comme déloyales - enregistrer des noms de domaine contenant des mots-clé - sont extrêmement courantes. Dans un dossier sur les interactions entre noms de domaine et référencement publié par l'AFNIC, par exemple, il a été relevé que "l'on peut établir des liens immédiats entre l'achat de mots-clés dans le contexte d'une action de référencement et leur utilisation sous forme de noms de domaine". C'est un constat, parmi beaucoup d'autres, de ce que la pratique est généralisée.
Elle est si connue et répandue qu'on pourra même s'étonner de ce que l'entreprise à l'origine de l'action en justice ne l'a pas utilisée également. Ou alors l'utilisait-elle avec moins de résultat, ce qui l'a amenée à se tourner vers un tribunal ?
Et puis, cette décision rend-elle justice ? La société Saveur Biere est condamnée à supprimer les sites satellites, et à indemniser sa concurrente (10.000 €). Plaçons-nous quelques jours après la signification de l'arrêt : la société supprime les sites satellites, mais reste bien placée dans les moteurs... pour une raison qu'elle ignore, et qui tient au fonctionnement propre des moteurs. Devra-t-elle de nouveau être condamnée ? Cela reviendrait à être responsable du fait d'un tiers. Et, à relire l'arrêt critiqué, c'est bien ce que la Cour d'appel de Douai semble avoir fait : retenu la responsabilité d'un site du fait de la façon dont il apparaît sur des moteurs tiers, dont il n'a pourtant pas le contrôle.
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Sur le pur plan "noms de domaine", la Cour d'appel de Douai confirme ce qu'elle fut la première à juger, en 2002 : des entreprises concurrentes peuvent librement utiliser des noms génériques pour leur site. Ceux qui se souviennent de l'affaire "Bois Tropicaux" se rappellent qu'il avait été jugé qu'une entreprise peut utiliser le nom boistropicaux.com même si sa concurrente exploite déjà le même nom - à un tiret près - bois-tropicaux.com.
Ici, l'entreprise en demande exploite le nom selection-biere.com. Le gérant de la société attaquée avait enregistré avant cette exploitation le nom selectionbiere.com. La Cour estime, justement cette fois, que :
Attendu que le terme de sélection désigne l’activité du site qui offre un choix de produits proposés à la vente ; que le terme bière désigne le produit vendu ; que ces deux termes pas plus que leur association ne présentent de caractère distinctif par rapport à l’objet du site désigné, qu’ils évoquent en eux-mêmes, ni ne permettent l’identification d’une entreprise particulière ; que dans ces conditions, il ne peut être fait grief aux intimés d’en avoir fait usage ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné Julien L. et à la SARL Saveur Bière à transférer à Céline S. le nom de domaine selectionbiere.com ;
October 28, 2011
Toujours la question de la responsabilité des registres et registrars
Inversion des rôles dans le couple franco-allemand du droit des noms de domaine ? En Allemagne, les juridictions sont habituellement plus favorables aux acteurs des noms de domaine que leurs homologues françaises. On ne compte plus, par exemple, le nombre de jugements gagnés par Sedo outre-Rhin, alors qu'on les cherche en France. Des investisseurs allemands en noms de domaine sont allés jusque devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme, alors qu'ils préfèrent faire profil bas en France. S'il fallait des facteurs d'explication, on pourrait peut-être les chercher du côté du tropisme "naturel" des juges, et aussi de l'ampleur respective des marchés (13 millions de noms en .de, 2 millions en .fr).
Alors qu'il y a quelques jours la cour d'appel de Versailles a jugé que le registre ne peut être tenu responsable si un enregistrement illicite a été effectué dans l'espace qu'il gère, voici que le Bundesgerichtshof, soit la plus haute instance allemande, est allé en sens inverse - ou presque !
Dans une affaire relative au nom regierung-oberfranken.de (I ZR 131/10), les juges ont estimé que le registre local, DENIC, a l'obligation d'annuler l'enregistrement d'un nom de domaine s'il est établi que la violation du droit est évidente et vérifiable sans qu'il soit besoin de chercher des informations supplémentaires ("Die DENIC eG muss eine ihr bekannt gegebene rechtsverletzende Domainregistrierung löschen, wenn die Rechtsverletzung offenkundig und ohne weiteres für sie feststellbar ist").
Question : comment un registre (ou un registrar) peut-il identifier un nom violant manifestement un droit ? Car à l'impossible nul n'est tenu !
Imaginons le cas pratique suivant : nous sommes en France en décembre 2011, le .fr vient de s'ouvrir aux ressortissants européens. Un gallois veut enregistrer conas.fr, qui signifie "comment" dans sa langue, le gaëlique. Admettons que "conas" (mot dans lequel on prononce le s...) soit considéré comme contraire à l'ordre public en France parce qu'injurieux. Tenons compte aussi de l'existence d'une marque française CONAS. Faut-il considérer que l'enregistrement viole l'ordre public, ou un droit de propriété intellectuelle, alors qu'il s'agit d'un terme banal dans la langue de la personne qui l'enregistre ?
Sans connaissance de paramètres tels que la langue ou la nationalité du demandeur de nom de domaine, l'utilisation qu'il compte en faire et sur quel marché (= territoire), il n'est pas possible pour un intermédiaire en noms de domaine d'appliquer la loi. Il ne peut donc être responsable d'une carence.
[Source]
Alors qu'il y a quelques jours la cour d'appel de Versailles a jugé que le registre ne peut être tenu responsable si un enregistrement illicite a été effectué dans l'espace qu'il gère, voici que le Bundesgerichtshof, soit la plus haute instance allemande, est allé en sens inverse - ou presque !
Dans une affaire relative au nom regierung-oberfranken.de (I ZR 131/10), les juges ont estimé que le registre local, DENIC, a l'obligation d'annuler l'enregistrement d'un nom de domaine s'il est établi que la violation du droit est évidente et vérifiable sans qu'il soit besoin de chercher des informations supplémentaires ("Die DENIC eG muss eine ihr bekannt gegebene rechtsverletzende Domainregistrierung löschen, wenn die Rechtsverletzung offenkundig und ohne weiteres für sie feststellbar ist").
Question : comment un registre (ou un registrar) peut-il identifier un nom violant manifestement un droit ? Car à l'impossible nul n'est tenu !
Imaginons le cas pratique suivant : nous sommes en France en décembre 2011, le .fr vient de s'ouvrir aux ressortissants européens. Un gallois veut enregistrer conas.fr, qui signifie "comment" dans sa langue, le gaëlique. Admettons que "conas" (mot dans lequel on prononce le s...) soit considéré comme contraire à l'ordre public en France parce qu'injurieux. Tenons compte aussi de l'existence d'une marque française CONAS. Faut-il considérer que l'enregistrement viole l'ordre public, ou un droit de propriété intellectuelle, alors qu'il s'agit d'un terme banal dans la langue de la personne qui l'enregistre ?
Sans connaissance de paramètres tels que la langue ou la nationalité du demandeur de nom de domaine, l'utilisation qu'il compte en faire et sur quel marché (= territoire), il n'est pas possible pour un intermédiaire en noms de domaine d'appliquer la loi. Il ne peut donc être responsable d'une carence.
[Source]
October 24, 2011
Proposition de loi tendant à protéger le nom des communes et des territoires
Il n’existe pas de droit sur les noms de collectivités territoriales (art. L. 2111-1 et R. 2111-1 du code général des collectivités territoriales).* Cela étonne souvent les élus, mais la règle est de bon sens : le nom des villes et villages est d'abord une désignation géographique commune à tous. Son utilisation est nécessaire dans l'activité politique ou économique, ce qui justifie l'absence de droit privatif.
L'affaire Elancourt avait ainsi illustré la nécessité de pouvoir parler de la ville et de l'action municipale sans en être empêché par un droit de propriété intellectuelle. La liberté de mentionner le lieu d'exercice d'une activité économique fut reconnue par la Cour de cassation, qui jugea que la présence du nom géographique Baccarat dans les marques de la société 'Compagnie des Cristalleries de Baccarat' n'interdisait pas à une entreprise concurrente ayant son siège social dans cette ville de l'utiliser comme adresse (Cass. com., 17 mai 1982). Aller dans le sens d'une reconnaissance des collectivités à un droit sur le nom reviendrait à mettre celles-ci en porte-à-faux avec les activités des personnes physiques et morales présentes sur leur territoire.
Pourtant, une proposition de loi (n° 2882) vient d'être déposée à l'Assemblée Nationale en ce sens, que son auteur justifie ainsi : "Les collectivités territoriales ont droit à la protection de l’ensemble des éléments de leur statut, et en particulier de leur nom" - justification qui n'est qu'un postulat, n'étant pas démontré d'où naîtrait un tel "droit".
L'exposé des motifs de la proposition de loi indique plus loin : "la protection des droits des collectivités territoriales sur ces éléments de leur statut doit faire l’objet de dispositions spécifiquement consacrées par le droit public et non traitées au détour de dispositions relevant du code de propriété intellectuelle ou du code des postes et communications électroniques". Référence est ainsi faite à la protection que les collectivités ont pu avoir de leur désignation en tant que nom de domaine. Aussi est-il proposé que soit adopté un nouvel article dans le code général des collectivités territoriales, qui serait libellé ainsi : « Les communes, les départements et les régions bénéficient d’une disponibilité pleine et entière de leur dénomination et peuvent en faire librement usage dans le cadre de l’exercice des missions de service public qu’elles assurent ».
On voit mal ce que signifie "disponibilité" :
- soit il s'agit d'exclure toute autre personne de la possibilité de déposer ou d'enregistrer ce nom sous quelque forme que ce soit - et dans ce cas cette proposition n'a pas de sens ;
- soit il s'agit de permettre aux communes de pouvoir utiliser leur nom sans courir le risque de se le voir reprocher par un tiers - ce qui est déjà le cas : le droit n'a donc pas besoin d'être changé !
* pour une application, voir par exemple la décision 4204 du 20 juillet 2007 rendue par l’Arbitration Center for .EU Disputes à propos du nom 92.eu
[merci à Marc pour l'info]
L'affaire Elancourt avait ainsi illustré la nécessité de pouvoir parler de la ville et de l'action municipale sans en être empêché par un droit de propriété intellectuelle. La liberté de mentionner le lieu d'exercice d'une activité économique fut reconnue par la Cour de cassation, qui jugea que la présence du nom géographique Baccarat dans les marques de la société 'Compagnie des Cristalleries de Baccarat' n'interdisait pas à une entreprise concurrente ayant son siège social dans cette ville de l'utiliser comme adresse (Cass. com., 17 mai 1982). Aller dans le sens d'une reconnaissance des collectivités à un droit sur le nom reviendrait à mettre celles-ci en porte-à-faux avec les activités des personnes physiques et morales présentes sur leur territoire.
Pourtant, une proposition de loi (n° 2882) vient d'être déposée à l'Assemblée Nationale en ce sens, que son auteur justifie ainsi : "Les collectivités territoriales ont droit à la protection de l’ensemble des éléments de leur statut, et en particulier de leur nom" - justification qui n'est qu'un postulat, n'étant pas démontré d'où naîtrait un tel "droit".
L'exposé des motifs de la proposition de loi indique plus loin : "la protection des droits des collectivités territoriales sur ces éléments de leur statut doit faire l’objet de dispositions spécifiquement consacrées par le droit public et non traitées au détour de dispositions relevant du code de propriété intellectuelle ou du code des postes et communications électroniques". Référence est ainsi faite à la protection que les collectivités ont pu avoir de leur désignation en tant que nom de domaine. Aussi est-il proposé que soit adopté un nouvel article dans le code général des collectivités territoriales, qui serait libellé ainsi : « Les communes, les départements et les régions bénéficient d’une disponibilité pleine et entière de leur dénomination et peuvent en faire librement usage dans le cadre de l’exercice des missions de service public qu’elles assurent ».
On voit mal ce que signifie "disponibilité" :
- soit il s'agit d'exclure toute autre personne de la possibilité de déposer ou d'enregistrer ce nom sous quelque forme que ce soit - et dans ce cas cette proposition n'a pas de sens ;
- soit il s'agit de permettre aux communes de pouvoir utiliser leur nom sans courir le risque de se le voir reprocher par un tiers - ce qui est déjà le cas : le droit n'a donc pas besoin d'être changé !
* pour une application, voir par exemple la décision 4204 du 20 juillet 2007 rendue par l’Arbitration Center for .EU Disputes à propos du nom 92.eu
[merci à Marc pour l'info]
October 23, 2011
Des chambres à air aux chambres des tribunaux
Il va peut-être falloir ouvrir sur ce blog une rubrique entièrement dédiée au contentieux "pneu-online".
Désireuse d'obtenir le transfert à son profit des noms pneu-online.com, pneuonline.com et pneusonline.com, la société suisse Pneus-Online avait attaqué la société allemande Delticom devant le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI en 2006. Sans succès.
Elle s'en fut donc tenter sa chance ailleurs : tribunal de commerce de Lyon (16 décembre 2005), puis Cour d'Appel de Lyon (31 janvier 2008), et Cour de cassation (9 mars 2010). Elle obtint gain de cause sur divers aspects mais pas sur le transfert des noms de domaine.
Elle retraversa le Lac Léman pour faire entendre devant les juridictions suisses que Delticom ne peut exploiter les noms pneus-online.ch, pneu-online.ch, pneusonline.ch et pneuonline.ch. Comme ses cousines françaises, la Cour de Justice du Canton de Genève interdit à Delticom d'utiliser ces noms de domaine en relation directe ou indirecte avec la vente de pneumatiques (12 février 2010). Le Tribunal Fédéral de Lausanne a confirmé cette décision (19 juillet 2010). Quelques mois plus tard, le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI accorda à Pneus-Online ce qu'elle n'avait pas obtenu des juges de son pays : le transfert de ces quatre noms en .ch (12 décembre 2010). Elle avait déjà tenté la même action, mais sans succès, deux ans plus tôt (3 septembre 2008).
Parallèlement, en Allemagne, le Landgericht München a débouté le 3 février 2009 puis le 12 novembre 2009 la société suisse de son action en radiation de la marque PNEUSONLINE.COM (n° DE 306 008 09) déposée par Delticom en 2006.
Toujours dans le but de mettre la main sur les noms de domaine en .com, la société à l'origine de toutes ces procédures a engagé une nouvelle procédure UDRP, et vient d'essuyer un nouvel échec.
Cela fait donc à ce jour 3 décisions judiciaires connues en France, 2 en Allemagne, 2 en Suisse, et 4 procédures alternatives dont 2 UDRP. C'est dire si les adversaires sont gonflés à bloc !
Désireuse d'obtenir le transfert à son profit des noms pneu-online.com, pneuonline.com et pneusonline.com, la société suisse Pneus-Online avait attaqué la société allemande Delticom devant le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI en 2006. Sans succès.
Elle s'en fut donc tenter sa chance ailleurs : tribunal de commerce de Lyon (16 décembre 2005), puis Cour d'Appel de Lyon (31 janvier 2008), et Cour de cassation (9 mars 2010). Elle obtint gain de cause sur divers aspects mais pas sur le transfert des noms de domaine.
Elle retraversa le Lac Léman pour faire entendre devant les juridictions suisses que Delticom ne peut exploiter les noms pneus-online.ch, pneu-online.ch, pneusonline.ch et pneuonline.ch. Comme ses cousines françaises, la Cour de Justice du Canton de Genève interdit à Delticom
Parallèlement, en Allemagne, le Landgericht München a débouté le 3 février 2009 puis le 12 novembre 2009 la société suisse de son action en radiation de la marque PNEUSONLINE.COM (n° DE 306 008 09) déposée par Delticom en 2006.
Toujours dans le but de mettre la main sur les noms de domaine en .com, la société à l'origine de toutes ces procédures a engagé une nouvelle procédure UDRP, et vient d'essuyer un nouvel échec.
Cela fait donc à ce jour 3 décisions judiciaires connues en France, 2 en Allemagne, 2 en Suisse, et 4 procédures alternatives dont 2 UDRP. C'est dire si les adversaires sont gonflés à bloc !
October 18, 2011
L'office d'enregistrement du .fr n'est pas responsable de l'usage fait des noms de domaine en .fr
Quand un nom de domaine est enregistré, c'est qu'il a été alloué par un regIstre, le plus souvent via un registrar.
Parce qu'ils sont intervenus dans la création du nom, et que de fait ils en permettent l'existence, peut-on engager leur responsabilité si ce nom est, par exemple, contrefaisants ?
La cour d'appel de Versailles a répondu par la négative, et elle a bien fait ! Mes commentaires sur un arrêt du 15 septembre 2011, à lire aujourd'hui sur Dalloz.fr.
October 13, 2011
Trois récentes décisions UDRP
1.
Début 2011, les douanes américaines ont saisi des noms de domaine donnant accès à des sites accusés de violer le copyright, dont rojadirecta.com. Il a ensuite été allégué que la saisie de ce nom de domaine, sans notification préalable au titulaire, revient à fermer un canal d'expression, de façon non contradictoire, et ce alors même que le nom de domaine n'est pas irrégulier en lui-même. La justice américaine a pour l'heure confirmé la saisie.
La société Puerto 80, titulaire du nom rojadirecta.com, a suite à cela enregistré d'autres noms de domaine plus ou moins proches de celui qui a été neutralisé. Parallèlement, elle a attaqué en UDRP devant l'Arbitration Center for Internet Disputes une société Publistyle qui détient les noms tarjetarojadirecta.net et tarjetaroja.info. Selon la société américaine requérante, il existerait un risque de confusion entre ces noms et sa marque, augmenté par l'attention médiatique portée à son contentieux aux Etats-Unis et son effet sur le référencement de ces noms de domaine sur la version espagnole de Google. Le centre d'arbitrage a rejeté la demande (n° 100309).
2.
De son côté, devant le National Arbitration Forum, Google cherchait à récupérer les noms de domaine goggle.com, goggle.net et goggle.org. Une première procédure UDRP avait déjà été engagée, qui s'était terminée par la signature d'une transaction, confidentielle, et non par une décision. Les noms auraient postérieurement été transférés à une autre entité, et utilisés d'une manière qui viole cet accord.
Le défendeur réplique qu'il a repris ces noms dans le respect de cet accord, qu'il qualifie de contrat de coexistence (et produit devant les arbitres). Il soutient donc qu'il n'est pas de mauvaise foi.
Les arbitres considèrent qu'un tel litige ne relève pas de leur compétence : les cas UDRP qu'ils peuvent trancher doivent être simples, autrement dit consister en un enregistrement et une utilisation abusifs d'un nom de domaine. Dans le contexte de cette affaire, il ne leur appartient pas de se prononcer (n° 1403690).
3.
Une nouvelle affaire pagesjaunes.com !! Il devient difficile de résumer le contentieux entre le groupe français et l'exploitant du nom basé aux Etats-Unis. L'affaire a été portée devant les tribunaux français, les juridictions communautaires... et connaît ici une sorte de "retour aux sources".
En août 2000, il fut jugé par le centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI à propos de pagesjaunes.com et pagesjaunes.net qu'il est nécessaire que les termes descriptifs restent dans le domaine public afin d'éviter les frictions dans la société de l'information (n° D2000-0489). C'est le même centre qui est saisi, 11 ans plus tard, d'un contentieux portant sur ces deux mêmes noms ainsi que pagesjaunes.biz.
Comme il avait été précédemment jugé que les noms n'avaient pas été enregistrés de mauvaise foi, les arbitres parviennent mécaniquement au même constat, car ils statuent sur le même fait (ceci étant, on observera qu'ils se prononcent ainsi à propos des noms en .com et .net, mais ne se prononcent pas spécifiquement sur le .biz qui n'était pourtant pas visé dans la première décision). A noter que les arbitres se réfèrent à la décision précédemment rendue par un tribunal français afin d'apprécier la légitimité de l'exploitation des noms litigieux (n° D2011-1203).
Début 2011, les douanes américaines ont saisi des noms de domaine donnant accès à des sites accusés de violer le copyright, dont rojadirecta.com. Il a ensuite été allégué que la saisie de ce nom de domaine, sans notification préalable au titulaire, revient à fermer un canal d'expression, de façon non contradictoire, et ce alors même que le nom de domaine n'est pas irrégulier en lui-même. La justice américaine a pour l'heure confirmé la saisie.
La société Puerto 80, titulaire du nom rojadirecta.com, a suite à cela enregistré d'autres noms de domaine plus ou moins proches de celui qui a été neutralisé. Parallèlement, elle a attaqué en UDRP devant l'Arbitration Center for Internet Disputes une société Publistyle qui détient les noms tarjetarojadirecta.net et tarjetaroja.info. Selon la société américaine requérante, il existerait un risque de confusion entre ces noms et sa marque, augmenté par l'attention médiatique portée à son contentieux aux Etats-Unis et son effet sur le référencement de ces noms de domaine sur la version espagnole de Google. Le centre d'arbitrage a rejeté la demande (n° 100309).
2.
De son côté, devant le National Arbitration Forum, Google cherchait à récupérer les noms de domaine goggle.com, goggle.net et goggle.org. Une première procédure UDRP avait déjà été engagée, qui s'était terminée par la signature d'une transaction, confidentielle, et non par une décision. Les noms auraient postérieurement été transférés à une autre entité, et utilisés d'une manière qui viole cet accord.
Le défendeur réplique qu'il a repris ces noms dans le respect de cet accord, qu'il qualifie de contrat de coexistence (et produit devant les arbitres). Il soutient donc qu'il n'est pas de mauvaise foi.
Les arbitres considèrent qu'un tel litige ne relève pas de leur compétence : les cas UDRP qu'ils peuvent trancher doivent être simples, autrement dit consister en un enregistrement et une utilisation abusifs d'un nom de domaine. Dans le contexte de cette affaire, il ne leur appartient pas de se prononcer (n° 1403690).
3.
Une nouvelle affaire pagesjaunes.com !! Il devient difficile de résumer le contentieux entre le groupe français et l'exploitant du nom basé aux Etats-Unis. L'affaire a été portée devant les tribunaux français, les juridictions communautaires... et connaît ici une sorte de "retour aux sources".
En août 2000, il fut jugé par le centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI à propos de pagesjaunes.com et pagesjaunes.net qu'il est nécessaire que les termes descriptifs restent dans le domaine public afin d'éviter les frictions dans la société de l'information (n° D2000-0489). C'est le même centre qui est saisi, 11 ans plus tard, d'un contentieux portant sur ces deux mêmes noms ainsi que pagesjaunes.biz.
Comme il avait été précédemment jugé que les noms n'avaient pas été enregistrés de mauvaise foi, les arbitres parviennent mécaniquement au même constat, car ils statuent sur le même fait (ceci étant, on observera qu'ils se prononcent ainsi à propos des noms en .com et .net, mais ne se prononcent pas spécifiquement sur le .biz qui n'était pourtant pas visé dans la première décision). A noter que les arbitres se réfèrent à la décision précédemment rendue par un tribunal français afin d'apprécier la légitimité de l'exploitation des noms litigieux (n° D2011-1203).
September 27, 2011
Usage électronique du signe d'un tiers : la décision Interflora
En Grande-Bretagne, la marque Interflora est utilisée par les distributeurs de ce réseau de livraison de fleurs.
Marks & Spencer voulait faire savoir qu'il proposait le même service : dans les jours qui précédèrent la Saint-Valentin, le groupe choisit de faire de la publicité AdWords sur la base du terme «Interflora» et de variantes de ce mot, ainsi que des expressions comportant le mot «Interflora» comme «Interflora Flowers», «Interflora Delivery», «Interflora.com», «Interflora co uk».
Comme de nombreux internautes, le titulaire de la marque vit apparaître des publicités pour Marks & Spencer sur Google après que la recherche "Interflora" était saisie.
Une juridiction d'outre-Manche, puis celle du Luxembourg ont été saisies. Cette dernière, la Cour de Justice de l'Union Européenne, a confirmé sa jurisprudence selon laquelle le titulaire d’une marque n’est habilité à interdire l’usage publicitaire de celle-ci par un tiers que si cette utilisation est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque, en la précisant. Mes observations sur cette décision sont accessibles aujourd'hui sur Dalloz Actualités.
Marks & Spencer voulait faire savoir qu'il proposait le même service : dans les jours qui précédèrent la Saint-Valentin, le groupe choisit de faire de la publicité AdWords sur la base du terme «Interflora» et de variantes de ce mot, ainsi que des expressions comportant le mot «Interflora» comme «Interflora Flowers», «Interflora Delivery», «Interflora.com», «Interflora co uk».
Comme de nombreux internautes, le titulaire de la marque vit apparaître des publicités pour Marks & Spencer sur Google après que la recherche "Interflora" était saisie.
Une juridiction d'outre-Manche, puis celle du Luxembourg ont été saisies. Cette dernière, la Cour de Justice de l'Union Européenne, a confirmé sa jurisprudence selon laquelle le titulaire d’une marque n’est habilité à interdire l’usage publicitaire de celle-ci par un tiers que si cette utilisation est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque, en la précisant. Mes observations sur cette décision sont accessibles aujourd'hui sur Dalloz Actualités.
September 16, 2011
Le "point" sur la sécurité des systèmes des entreprises
Les noms de domaine sont les sas d'entrée des entreprises numériques. S'ils ne sont pas gardés, cela peut leur poser problème pour la circulation d'informations sensibles.
Une étude révélée par Wired (et présentée en français par le sympathique Korben) montre les possibles conséquences du dotsquatting sur la fuite d'informations à l'extérieur d'une entreprise. Les chercheurs ont constaté que les grands groupes internationaux allouent souvent à leurs employés des adresses dont la fraction droite comporte trois niveaux, du type @ru.bank.com. De tels identifiants sont pratiques, tant en interne qu'en externe, pour situer son interlocuteur.
Mais cette habitude peut aisément être exploitée par des tiers qui viendraient à enregistrer des noms de domaine très proches... par exemple rubank.com. Il suffit ensuite que l'émetteur d'un message omette le point dans l'adresse de son destinataire pour que son courrier arrive entre de mauvaises mains.
On pourrait penser que le risque est faible : les adresses électroniques ne se saisissent pas à la main, mais sont appelées depuis un carnet d'adresses. Et pourtant ! Les chercheurs révèlent dans leur étude qu'ils ont récupéré 20 gigaoctets de données en une demi-années. Ce qui peut paraître peu comparé aux teraoctets d'information qui circulent tous les jours... et beaucoup au regard du type de données collectées, touchant 151 entreprises :
L'expérience soulève une question en creux : celle de la violation du droit des marques à des fins de recherche.
Les chercheurs ont conduit leurs tests pendant six mois, période pendant laquelle on peut tout à fait imaginer qu'ils soient attaqués pour dotsquatting par les entreprises concernées ! Vu la façon habituellement très sommaire dont est envisagée la mauvaise foi du titulaire dans les procédures UDRP, ils auraient probablement perdu un nom employé pour leur étude (en pratique, il est probable qu'une communication se serait établie entre les parties avant la procédure ou au cours de celle-ci, permettant d'éviter une décision). L'occasion de se rappeler que les personnes qui découvrent des failles dans des systèmes oeuvrent bien souvent dans l'insécurité juridique, ce qui peut engager leur responsabilité.
Une étude révélée par Wired (et présentée en français par le sympathique Korben) montre les possibles conséquences du dotsquatting sur la fuite d'informations à l'extérieur d'une entreprise. Les chercheurs ont constaté que les grands groupes internationaux allouent souvent à leurs employés des adresses dont la fraction droite comporte trois niveaux, du type @ru.bank.com. De tels identifiants sont pratiques, tant en interne qu'en externe, pour situer son interlocuteur.
Mais cette habitude peut aisément être exploitée par des tiers qui viendraient à enregistrer des noms de domaine très proches... par exemple rubank.com. Il suffit ensuite que l'émetteur d'un message omette le point dans l'adresse de son destinataire pour que son courrier arrive entre de mauvaises mains.
On pourrait penser que le risque est faible : les adresses électroniques ne se saisissent pas à la main, mais sont appelées depuis un carnet d'adresses. Et pourtant ! Les chercheurs révèlent dans leur étude qu'ils ont récupéré 20 gigaoctets de données en une demi-années. Ce qui peut paraître peu comparé aux teraoctets d'information qui circulent tous les jours... et beaucoup au regard du type de données collectées, touchant 151 entreprises :
During a six‐month span, over 120,000 individual emails (or 20 gigabytes of data) were collected which included trade secrets, business invoices, employee PII, network diagrams, usernames and passwords, etc.
L'étude met clairement en lumière l'intérêt de posséder des noms proches de ceux qui sont utilisés pour les systèmes de messagerie. Les chercheurs suggèrent différents moyens pour prévenir les risques, ou pour se défendre, moyens techniques ou juridique (en l'occurrence l'UDRP).
L'expérience soulève une question en creux : celle de la violation du droit des marques à des fins de recherche.
Les chercheurs ont conduit leurs tests pendant six mois, période pendant laquelle on peut tout à fait imaginer qu'ils soient attaqués pour dotsquatting par les entreprises concernées ! Vu la façon habituellement très sommaire dont est envisagée la mauvaise foi du titulaire dans les procédures UDRP, ils auraient probablement perdu un nom employé pour leur étude (en pratique, il est probable qu'une communication se serait établie entre les parties avant la procédure ou au cours de celle-ci, permettant d'éviter une décision). L'occasion de se rappeler que les personnes qui découvrent des failles dans des systèmes oeuvrent bien souvent dans l'insécurité juridique, ce qui peut engager leur responsabilité.
September 14, 2011
La zone .eu va compter 9000 noms de domaine de moins
... suite à l'exécution par le registre EURid d'un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles.
On se souvient peut-être qu'une même personne avait enregistré des noms en .eu sans respecter les conditions règlementaires. La juridiction belge a confirmé que ces enregistrements avaient tous été fait de mauvaise foi.
La liste des noms concernés peut être consultée ici. Ils seront de nouveau disponibles à l'enregistrement après une période de 40 jours, soit à partir du 24 octobre 2011.
[source]
On se souvient peut-être qu'une même personne avait enregistré des noms en .eu sans respecter les conditions règlementaires. La juridiction belge a confirmé que ces enregistrements avaient tous été fait de mauvaise foi.
La liste des noms concernés peut être consultée ici. Ils seront de nouveau disponibles à l'enregistrement après une période de 40 jours, soit à partir du 24 octobre 2011.
[source]
August 29, 2011
Wikileaks cables & domain names
People familiar with ICANN circles and meetings now that diplomacy extends there too. It could therefore be expected to find Wikileaks cables covering domain names issues!
Three days ago, Wikileaks.org released a May 2008 cable related to... IDNs (!) Nothing confidential: It's mainly a report on a UNESCO meeting on Internationalized Domain Names that took place that same month. The reporter is clearly disconcerted by the lack of expertise of participants, and regrets that "it is these same voices that will try to draft UNESCO resolutions on Internet governance once this issue becomes sexy".
Cybersquatting was also discussed in a meeting on Intellectual Property Rights enforcement between Brazil and USA in 2005 (also released 3 days ago).
[merci à Benoît pour le tuyau sur le premier câble cité]
Three days ago, Wikileaks.org released a May 2008 cable related to... IDNs (!) Nothing confidential: It's mainly a report on a UNESCO meeting on Internationalized Domain Names that took place that same month. The reporter is clearly disconcerted by the lack of expertise of participants, and regrets that "it is these same voices that will try to draft UNESCO resolutions on Internet governance once this issue becomes sexy".
Cybersquatting was also discussed in a meeting on Intellectual Property Rights enforcement between Brazil and USA in 2005 (also released 3 days ago).
[merci à Benoît pour le tuyau sur le premier câble cité]
August 23, 2011
Un jugement qui n'est pas révolu-Sion-Air
Sion Air est le nom d'une société spécialisée dans la climatisation, fondée en 2007. Désirant disposer d'un site web, elle a approché un professionnel, qui avait par ailleurs créé le site web d'une société concurrente, Has Climatisation.
Contact est pris le 21 février 2008. Le 25, la société réserve le nom sionair.fr. Le 28, le créateur de site enregistre sion-air.fr. Parallèlement, les discussions menées pour la discussion du site web n'aboutissent pas (la société soutient qu'aucun accord n'est intervenu, le professionnel réplique qu'il y a eu rupture de relations pré-contractuelles).
Les pièces présentées au tribunal lui permettent de constater que la proposition formulée par le créateur de site web a été rejetée par la société le 26 février. Un soupçon pèse donc sur l'intérêt qu'avait le professionnel à enregistrer sionair.fr.
Le tribunal constate qu'un site est accessible via ce nom, site de... simulateur de vol (!), qui comporte des mentions telles que "gaines climatisées", "location de gaines de climatisation", "maintenance de gaines", "nettoyage de gaines de climatisation", "désinfection de gaines climatisées", "réparation de gaines de climatisation", toutes comportant des liens vers la société concurrente Has Climatisation.
Le tribunal condamne donc le titulaire du nom réservé à mauvais escient, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil permettant de sanctionner la faute qu'il a commise. Le préjudice de la société Sion Air - détournement de clientèle - est indemnisé à hauteur de 5.000 €.
[TGI Nantes, 5 mai 2011]
Contact est pris le 21 février 2008. Le 25, la société réserve le nom sionair.fr. Le 28, le créateur de site enregistre sion-air.fr. Parallèlement, les discussions menées pour la discussion du site web n'aboutissent pas (la société soutient qu'aucun accord n'est intervenu, le professionnel réplique qu'il y a eu rupture de relations pré-contractuelles).
Les pièces présentées au tribunal lui permettent de constater que la proposition formulée par le créateur de site web a été rejetée par la société le 26 février. Un soupçon pèse donc sur l'intérêt qu'avait le professionnel à enregistrer sionair.fr.
Le tribunal constate qu'un site est accessible via ce nom, site de... simulateur de vol (!), qui comporte des mentions telles que "gaines climatisées", "location de gaines de climatisation", "maintenance de gaines", "nettoyage de gaines de climatisation", "désinfection de gaines climatisées", "réparation de gaines de climatisation", toutes comportant des liens vers la société concurrente Has Climatisation.
Le tribunal condamne donc le titulaire du nom réservé à mauvais escient, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil permettant de sanctionner la faute qu'il a commise. Le préjudice de la société Sion Air - détournement de clientèle - est indemnisé à hauteur de 5.000 €.
[TGI Nantes, 5 mai 2011]
August 22, 2011
Navigation directe : des données nouvelles
La valeur d'un nom de domaine tient à de nombreux paramètres. L'un de ceux-ci est sa capacité à être saisi directement dans les barres d'adresse des navigateurs.* Ce qui postule que les internautes pratiquent la navigation directe et ne se tournent pas systématiquement vers les moteurs de recherche.
Quelle est l'ampleur de la navigation directe ? Le phénomène n'est malheureusement pas documenté. Un insider y avait consacré un article... sans donner un chiffre. Une société avait indiqué que 67 % des internautes dans le monde utiliseraient au moins une fois par jour la navigation directe, ce qui est peut-être l'une des rares données existant en la matière (autres sources bienvenues en commentaires !). Encore émane-t-elle d'un acteur ayant intérêt à promouvoir cette pratique, puisqu'il dispose d'un important portefeuille de noms de domaine.** Et son information, si elle est vérifiée, ne permet pas de mesurer la proportion de la navigation directe dans la recherche d'informations.
Cet été, quelques infos supplémentaires ont été fournies par Christopher Finke, développeur d'un add-on pour Firefox qui lui a permis de collecter les noms de domaine tapés directement dans la barre d'adresse de ce navigateur. En 6 mois, cela représente ~7.500.000 noms - mais on ignore combien ce logiciel compte d'utilisateurs, et quel est leur profil (même si l'on imagine aisément qu'il s'agit d'utilisateurs plutôt aguerris).
Les noms qui forment le "top 10" (facebook.com, google.com, youtube.com, gmail.com, twitter.com...) sont un reflet de la popularité des services portant ces noms, et du pouvoir de leurs marques. Le premier de ces noms de domaine a été saisi dans 9 % des cas (soit 675.000 fois environ). Finke indique qu'il arrive que le nom faceboook.com (notez le troisième "o") soit tapé... mais que cela ne se produit que toutes les 7.930 saisies correctes. Calculons ensemble : cela veut dire que ce nom n'a été tapé que... 85 fois. Oui, sur 7.500.000 saisies, le nom est saisi correctement près de 700.000 fois est mal moins de 100 fois ! A se demander pourquoi certains persistent dans le typosquatting.
Si 1 % des noms de domaine tapés directement sont en .fr, le .com est fort logiquement le plus récurrent... ainsi que des formes approchantes, telles que .ocm, .con, .cmo, .copm. De quoi faire écho à la protection des TLDs existants mise en place par l'ICANN dans son guide du candidat aux nouvelles extensions.
* V. par ex. OECD, Generic Top Level Domain Names:Market Development And Allocation Issues, 13 juil. 2004, DSTI/ICCP/TISP(2004)2/FINAL, p. 29
** Marchex, “Marchex announces updated financial guidance and planned financing event in connection with asset acquisition”, 23 nov. 2004
Quelle est l'ampleur de la navigation directe ? Le phénomène n'est malheureusement pas documenté. Un insider y avait consacré un article... sans donner un chiffre. Une société avait indiqué que 67 % des internautes dans le monde utiliseraient au moins une fois par jour la navigation directe, ce qui est peut-être l'une des rares données existant en la matière (autres sources bienvenues en commentaires !). Encore émane-t-elle d'un acteur ayant intérêt à promouvoir cette pratique, puisqu'il dispose d'un important portefeuille de noms de domaine.** Et son information, si elle est vérifiée, ne permet pas de mesurer la proportion de la navigation directe dans la recherche d'informations.
Cet été, quelques infos supplémentaires ont été fournies par Christopher Finke, développeur d'un add-on pour Firefox qui lui a permis de collecter les noms de domaine tapés directement dans la barre d'adresse de ce navigateur. En 6 mois, cela représente ~7.500.000 noms - mais on ignore combien ce logiciel compte d'utilisateurs, et quel est leur profil (même si l'on imagine aisément qu'il s'agit d'utilisateurs plutôt aguerris).
Les noms qui forment le "top 10" (facebook.com, google.com, youtube.com, gmail.com, twitter.com...) sont un reflet de la popularité des services portant ces noms, et du pouvoir de leurs marques. Le premier de ces noms de domaine a été saisi dans 9 % des cas (soit 675.000 fois environ). Finke indique qu'il arrive que le nom faceboook.com (notez le troisième "o") soit tapé... mais que cela ne se produit que toutes les 7.930 saisies correctes. Calculons ensemble : cela veut dire que ce nom n'a été tapé que... 85 fois. Oui, sur 7.500.000 saisies, le nom est saisi correctement près de 700.000 fois est mal moins de 100 fois ! A se demander pourquoi certains persistent dans le typosquatting.
Si 1 % des noms de domaine tapés directement sont en .fr, le .com est fort logiquement le plus récurrent... ainsi que des formes approchantes, telles que .ocm, .con, .cmo, .copm. De quoi faire écho à la protection des TLDs existants mise en place par l'ICANN dans son guide du candidat aux nouvelles extensions.
* V. par ex. OECD, Generic Top Level Domain Names:Market Development And Allocation Issues, 13 juil. 2004, DSTI/ICCP/TISP(2004)2/FINAL, p. 29
** Marchex, “Marchex announces updated financial guidance and planned financing event in connection with asset acquisition”, 23 nov. 2004
August 18, 2011
Décret noms de domaine du 3 août 2011 : (4) enregistrements de noms de domaine
[billets précédents :
L'article L. 45-2 2° et 3° du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'enregistrement de noms de domaine français peut être refusé quand le nom est susceptible d'entrer en conflit avec certains signes préexistants. Ces mêmes dispositions prévoient la possible suppression de tels noms. Dans les deux cas, le garde-fou est la démonstration d'un intérêt légitime et de la bonne foi de celui qui détient le nom de domaine.
Cette condition n'est pas uniquement requise pour les noms de domaine qui faisaient naguère partie de la liste des termes fondamentaux ou réservés. Toutefois, une procédure spécifique a été mise en place pour l'enregistrement de ces termes, afin de vérifier de manière systématique l'existence de l'intérêt légitime et de la bonne foi (un traitement particulier dont on pourrait imaginer qu'il rejaillisse sur le registre si un tiers cherchait à engager sa responsabilité).
Pour ces demandes de noms autrefois réservés comme pour les autres, le demandeur doit avoir un "intérêt légitime" et "agir de bonne foi". L'article L. 45-1 pose la présomption simple que ces conditions cumulatives existent, en ces termes : "L'enregistrement des noms de domaine s'effectue sur la base des déclarations faites par le demandeur et sous sa responsabilité".
Dans toute occasion où il sera nécessaire de démontrer que ces conditions sont réunies, l'article R. 20-44-43 liste des éléments permettant d'attester que ces critères sont respectés. Il est à noter que la liste fixée par décret n'est pas limitative, l'adverbe "notamment" étant employé
Qu'est-ce que l'intérêt légitime dans les exemples prévus par le texte ? C'est d'abord le fait d'utiliser le nom pour une activité commerciale ("dans le cadre d'une offre de biens et de services"). L'hypothèse ne vise donc que les cas dans lesquels le nom est déjà utilisé, et qu'un tiers en prenne ombrage. Qu'est-ce que cette "offre de biens et de services" ? La question est critique dans le cas d'une personne ayant mis un nom en parking : s'agit-il d'une offre de services ? Dans la mesure où le parking est généralement la mise en oeuvre d'un service automatique fourni par un prestataire spécialisé, on peut en douter, le texte semblant plutôt renvoyer à une offre qui serait le fait du titulaire du nom. A cet égard, le fait que le texte ne vise que ce "titulaire" peut être problématique pour celui qui donne licence d'un nom : c'est alors celui qui a la licence qui l'utilise, et pas le titulaire. Il faut espérer que l'expression "dans le cadre d'une offre" soit interprétée comme s'étendant à l'activité du licencié permise par la location du nom (dans cette hypothèse, l'interprétation du texte est contradictoire avec celle imaginée précédemment pour le parking...).
Dans le cas d'un demandeur de nom qui se verrait requis de justifier de son intérêt légitime (c'est l'hypothèse des demandes visant les ex termes fondamentaux ouverts à l'enregistrement depuis le 1er juillet 2011), il pourra le faire en démontrant qu'il s'est "préparé" à fournir des biens ou des services. Le texte ne prévoit donc que le cas d'un usage du nom propre au titulaire... Quant à la démonstration, elle passera par tout élément de fait : constitutiion d'une société, par exemple. Situation paradoxale, car le nom de domaine devrait toujours être la première démarche d'un projet entrepreneurial : la rareté des noms impose de réserver celui/ceux que l'on veut le plus tôt possible. Comment démontrer qu'existe un intérêt légitime à la date de la demande si l'obtention du nom conditionne le projet que l'on a ? C'est ici qu'il n'est pas inutile de se rappeler que le Conseil Constitutionnel a estimé que la réglementation des noms de domaine doit respecter la liberté d'entreprendre.
On peut encore démontrer que l'on a un intérêt légitime si l'on exploitait déjà un "nom identique ou apparenté". Le même nom dans une autre extension, par exemple. Ou une enseigne : le gérant de la paillote corse "Chez Francis" peut enregistrer chez-francis.fr (en attendant le jour où la Corse aura sa propre extension, bien sûr !). La détention antérieure d'un droit de marque, ou d'autres signes (desquels le décret n'exclut pas le pseudonyme), fait aussi partie des prévisions du texte.
On le voit, toutes ces hypothèses postulent que l'on enregistre un nom à des fins commerciales. Peut-on démontrer un intérêt légitime hors du domaine des affaires ? L'enregistrement est possible si l'on prévoit de "faire un usage non commercial" du nom, dès lors qu'on n'a pas l'intention de tromper le consommateur, ou si on ne cherche pas à porter atteinte ("nuire à la réputation", dit le texte) à un signe protégé. Outre ces interdits, le texte prévoit qu'on doive "faire un usage non commercial" du nom de domaine en question. On observera que le texte revient ici à faire peser sur le demandeur une obligation d'usage non-commercial dès la création du nom.
Qu'est-ce qu'un demandeur ou un titulaire de nom de domaine "de mauvaise foi" ? Le texte décrit trois situations (là aussi non limitatives).
Première hypothèse : "avoir obtenu ou demandé l'enregistrement de ce nom principalement en vue de le vendre, de le louer ou de le transférer de quelque manière que ce soit à un organisme public, à une collectivité locale ou au titulaire d'un nom identique ou apparenté sur lequel un droit est reconnu et non pour l'exploiter effectivement".
On voit bien que cette première hypothèse vise à lutter contre les enregistrements frauduleux. Néanmoins, il est permis de se demander si elle ne pourrait avoir des effets secondaires. Soit un registrar qui pour le compte d'un client cherche à racheter un nom de domaine en .fr. Il ne dit pas qu'il agit pour le compte de son client, de façon à essayer d'avoir le prix le plus faible possible. Une fois la négociation aboutie et le registrar titulaire du nom, il le transfère à son client. Relisez maintenant l'article ci-dessus : à la lettre, il s'applique ! (dans les faits toutefois, de façon générale, le "titulaire d'un droit reconnu" sera le client du registrar...ce qui neutralisera l'application de cet alinéa).
Deuxième hypothèse : "avoir obtenu ou demandé l'enregistrement d'un nom de domaine principalement dans le but de nuire à la réputation du titulaire d'un intérêt légitime ou d'un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou à celle d'un produit ou service assimilé à ce nom dans l'esprit du consommateur".
De cette deuxième hypothèse naît une question : comment la faire coexister avec le droit de critique, reconnu y compris en faveur des consommateurs ? Un juge français avait estimé, par exemple, que jeboycottedanone.com n'est pas contraire au code de la propriété intellectuelle ; devrait-il juger que jeboycottedanone.fr est contraire au code des postes et des communications électroniques ?
La dernière hypothèse vise les parasites : "avoir obtenu ou demandé l'enregistrement d'un nom de domaine principalement dans le but de profiter de la renommée du titulaire d'un intérêt légitime ou d'un droit reconnu sur ce nom ou sur un nom apparenté, ou de celle d'un produit ou service assimilé à ce nom, en créant une confusion dans l'esprit du consommateur".
On observera que, dans son ensemble, le décret est plus léger que les versions qui l'avaient précédé.
August 17, 2011
Décret noms de domaine du 3 août 2011 : (3) Activité du registre
[billets précédents :
La liste des noms enregistrés par le registre est rendue publique le lendemain. Vraisemblablement destinée à rendre plus transparente l'activité du registre, cette règle rend surtout plus transparente les activités de ceux qui enregistrent ! Les ayants droit ne s'en plaindront pas, qui disposent ainsi d'un moyen de surveiller au quotidien ce qui se passe dans l'espace de nommage français... à la condition d'y consacrer un peu de temps chaque jour (sinon, subsistent les systèmes automatisés de surveillance proposés par divers professionnels spécialisés).Depuis le 1er juillet, l'AFNIC publie cette liste, qui reste accessible pendant 7 jours. Sa pratique n'a pas changé depuis l'entrée en vigueur du décret. On peut se demander si cet accès limité dans le temps est conforme à l'esprit du décret, qui ne prévoit pas d'échéance de fin de publication. Comme ce texte parle d'un "accès libre", on peut l'interpréter comme fixant le principe d'une publicité aussi large que possible, et donc pas restreinte dans le temps.
Le registre accrédite les registrars ("bureaux d'enregistrement") et tient publique la procédure permettant de le devenir. Il ne peut lui-même, directement ou indirectement, avoir ou être sous le contrôle d'un registrar.
Nota : c'est un point infime, mais je me suis toujours demandé si le registre peut réserver des noms de domaine pour son compte sans passer par un registrar. La convention Etat - AFNIC prise sous l'empire de la loi ancienne le prévoyait (pour web.fr, par exemple) ; néanmoins le cadre juridique posé par la loi et le décret précédents, comme celui défini par la loi et le décret actuels, dispose (seulement) que l'enregistrement se fait via un bureau d'enregistrement (article L. 45-4 CPCE). Dans ces conditions, le registre devrait désormais systématiquement passer par un des registrars qu'il a accrédités.
L'article R. 20-44-40 du décret pose les conditions générales pour devenir registrar, notamment : compétences professionnelles et techniques, capacité à respecter les règles du décret (en particulier ses dispositions relatives aux données personnelles), et capacités commerciales. Rien sur les moyens de paiement.
Un registrar qui ne respecterait pas ses obligations peut se voir suspendu pendant une période pouvant aller jusqu'a 4 mois, voire être désaccrédité. Aucune décision de ce type ne peut être prise sans préavis préalable (et droit de réponse de l'interessé). On observera qu'ici, le ministère n'est pas "mis dans la boucle", alors que le reste du décret prévoit régulièrement son implication. A noter encore que les obligations spécifiques du registre en matière de conservation des données personnelles ne sont pas précisées dans le décret, même si l'ARCEP avait émis un voeu en ce sens.
[suite : (4) enregistrements de noms de domaine]
August 16, 2011
Décret noms de domaine du 3 août 2011 : (2) la désignation du registre
[billet précédent : présentation du décret]
C'est du Ministre en charge des communications électroniques que ressort l'encadrement normatif des noms de domaine. Il désigne le registre ("office d'enregistrement" dans la terminologie législative) après consultation publique.
Le registre sera désigné pour 5 ans... au minimum. Au terme de cette période le ministre pourra choisir de reconduire pour 5 années supplémentaires le registre désigné, ce qui peut porter à dix années la désignation (l'occasion de se demander : que seront dans dix ans les noms de domaine devenus ?). Une personne morale ne peut devenir registre que si elle a son siège dans l'Union Européenne. Ses obligations sont lourdes, à la hauteur de sa mission, d'importance : l'article R. 20-44-35 prévoit que le cahier des charges de désignation comporte des prescriptions, dont la moitié sont relatives à la sécurité. C'est à cette aune que l'on mesure l'importance stratégique de la structure de nommage pour l'activité régalienne. On avait d'ailleurs déjà pu observer ce mouvement dans d'autres textes, par exemple la loi du 12 mai 2010 sur les jeux en ligne qui impose aux sociétés agréées d'opérer sur le territoire en utilisant un nom de domaine en .fr... ce qui permet une plus grande capacité de réaction en cas de contravention aux normes françaises.
Le registre rend compte au ministère d'au moins deux manières. Il est prévu un rendez-vous annuel, sous forme de rapport d'activité. Il est en outre posé le principe d'une information immédiate du pouvoir exécutif quand un nom "manifestement illicite ou contraire à l'ordre public" fait l'objet d'une demande d'enregistrement ou a été créé dans sa base.
A cet égard, il est à noter que, contrairement à ce qu'on a pu lire ici ou là, le registre n'est réglementairement tenu que de "signaler" un nom manifestement illicite ou contraire à l'ordre public. Il ne ressort ni du décret ni de la loi qu'il a l'obligation de le supprimer.
Le registre devra aussi répondre aux questions que lui poserait sa tutelle administrative. Ce serait bien que tout cela soit rendu public.
[suite : (3) l'activité du registre]
August 15, 2011
Décret noms de domaine du 3 août 2011 : (1) présentation
La
loi du 22 mars 2011 définit les modalités nouvelles de gestion et
d'attribution des noms de domaine français (.fr, .re et quelques
autres). Ce texte définit le rôle du registre, les obligations des
registrars, prévoit qui peut enregistrer des noms de domaine et à
quelles conditions.
Pour son application, le texte renvoyait à un décret, qui a finalement été publié le 3 août 2011. "Finalement", car, en matière de noms de domaine, jamais encore peut-être un texte administratif n'avait été aussi impatiemment attendu par des personnes qui habituellement pourtant se défient des textes : la communauté des personnes qui depuis le 1er juillet se sont portées candidates à la réservation de noms qui jusqu'alors ne pouvaient être appropriés* - titulaires de marques concernés, professionnels des noms de domaine, ou amateurs d'opportunités pour qui Noël allait tomber le 1er juillet ont ensemble formulé plus de 6.000 voeux auprès du registre. Pour donner suite à ces demandes, ce dernier devait attendre les lignes directrices du pouvoir exécutif dont il dépend.
Dans les jours qui viennent, ce décret n° 2011-926 du 1er août relatif à la gestion des domaines de premier niveau français fera l'objet de quelques observations sur ce blog.** La première remarque qui peut être formulée est que la loi est relative à l'attribution et à la gestion des noms de domaine français, alors que, selon son titre, le décret ne vise que la gestion (ce qui ne ressort pourtant pas de son contenu).
* justement parce que nombre d'entre eux étaient jugés inappropriés !
** on en trouvera prochainement une étude plus approfondie dans le Répertoire Dalloz de droit commercial, V° Nom de domaine.
Pour son application, le texte renvoyait à un décret, qui a finalement été publié le 3 août 2011. "Finalement", car, en matière de noms de domaine, jamais encore peut-être un texte administratif n'avait été aussi impatiemment attendu par des personnes qui habituellement pourtant se défient des textes : la communauté des personnes qui depuis le 1er juillet se sont portées candidates à la réservation de noms qui jusqu'alors ne pouvaient être appropriés* - titulaires de marques concernés, professionnels des noms de domaine, ou amateurs d'opportunités pour qui Noël allait tomber le 1er juillet ont ensemble formulé plus de 6.000 voeux auprès du registre. Pour donner suite à ces demandes, ce dernier devait attendre les lignes directrices du pouvoir exécutif dont il dépend.
Dans les jours qui viennent, ce décret n° 2011-926 du 1er août relatif à la gestion des domaines de premier niveau français fera l'objet de quelques observations sur ce blog.** La première remarque qui peut être formulée est que la loi est relative à l'attribution et à la gestion des noms de domaine français, alors que, selon son titre, le décret ne vise que la gestion (ce qui ne ressort pourtant pas de son contenu).
[suite : (2) désignation du registre]
* justement parce que nombre d'entre eux étaient jugés inappropriés !
** on en trouvera prochainement une étude plus approfondie dans le Répertoire Dalloz de droit commercial, V° Nom de domaine.
July 28, 2011
Enregistrement de noms de domaine : une question de savoir-.fr
Depuis le 1er juillet, 800 à 2000 noms de domaine sont enregistrés chaque jour auprès de l'AFNIC. La liste de ces enregistrements est publique.
Quels enseignements empiriques tirer de la consultation quotidienne de ces données ? Un billet estival pour le Petit Musée des Marques.
Quels enseignements empiriques tirer de la consultation quotidienne de ces données ? Un billet estival pour le Petit Musée des Marques.
July 26, 2011
.Ca : évolution des règles de résolution des litiges
Le CIRA, registre du domaine national canadien, fera évoluer le 22 août les règles de résolution des litiges relatifs aux noms en .ca. On pourra trouver ici un aperçu des changements opérés.
Depuis 2002, il y a eu un peu plus de 150 décisions rendues en application des précédentes règles.
Depuis 2002, il y a eu un peu plus de 150 décisions rendues en application des précédentes règles.
July 25, 2011
Extorsion d'extension
Plus de 30.000 décisions UDRP, plus de 800 décisions judiciaires en France, plus de 200 décisions PREDEC : le contentieux sur les noms de domaine de deuxième niveau est abondant. Rares en revanche sont les litiges relatifs aux noms de domaine de premier niveau.
On vit un plaideur chercher à saisir le ccTLD du Congo, le .cg, pour se faire payer d'une créance que cet Etat lui doit. On a vu des menaces de procès entre porteurs de projets de nouvelles extensions. Aujourd'hui, c'est une action en justice qui se dessine autour du domaine national de Porto Rico, .pr.
Comment les domaines nationaux ont-ils été tour à tour créés pour être délégués ? En s'appuyant sur les RFC fixant les conditions de la délégation, les entités qui ont précédé l'ICANN puis l'ICANN s'en remettaient à des personnes de confiance, dans le pays considéré. Le plus souvent, ce sont des universités qui devenaient ainsi délégataires du ccTLD du pays.
C'est ainsi que cela s'est passé à Porto Rico, dont l'Université nationale - et plus particulièrement son centre de recherche "Gauss Laboratory" - devint délégataire du .pr en 1988.
Il y a quelque temps, cette Université s'est rendue compte qu'elle avait été dépossédée de la gestion de l'extension. Le whois de ce domaine montre que c'est désormais le Gauss Research Laboratory Inc. qui est la sponsoring organization. On pourrait penser qu'il s'agit de la même entité qui aurait procédé à un léger toilettage de son nom - mais il n'en est rien, à en croire l'Université victime. La modification cosmétique apparente cache une transmission à une société privée, soutenue par un ancien enseignant de l'Université qui, ès qualité, aurait mystifié l'ICANN.
Tout changement de titulaire se fait en effet dans le cadre d'une procédure de re-délégation qui n'a pas été respectée. La question de la responsabilité éventuelle de l'ICANN ne se pose toutefois pas ici : l'Université attaque conjointement son ex-enseignant et l'entité qu'il a créée en revendication du domaine, en remboursement de fonds publics et en indemnisation.
L'extraordinaire le dispute à l'incroyable : si l'on était dans le monde physique, il s'agirait rien moins que du vol du territoire d'un pays... dont le responsable mettrait plusieurs années à s'en rendre compte ! L'affaire montre aussi que les fraudes déjà observées pour les noms de domaine de second niveau - faux documents pour activer un transfert - peuvent aisément être répliqués au premier niveau.
[Source : DomainIncite]
On vit un plaideur chercher à saisir le ccTLD du Congo, le .cg, pour se faire payer d'une créance que cet Etat lui doit. On a vu des menaces de procès entre porteurs de projets de nouvelles extensions. Aujourd'hui, c'est une action en justice qui se dessine autour du domaine national de Porto Rico, .pr.
Comment les domaines nationaux ont-ils été tour à tour créés pour être délégués ? En s'appuyant sur les RFC fixant les conditions de la délégation, les entités qui ont précédé l'ICANN puis l'ICANN s'en remettaient à des personnes de confiance, dans le pays considéré. Le plus souvent, ce sont des universités qui devenaient ainsi délégataires du ccTLD du pays.
C'est ainsi que cela s'est passé à Porto Rico, dont l'Université nationale - et plus particulièrement son centre de recherche "Gauss Laboratory" - devint délégataire du .pr en 1988.
Il y a quelque temps, cette Université s'est rendue compte qu'elle avait été dépossédée de la gestion de l'extension. Le whois de ce domaine montre que c'est désormais le Gauss Research Laboratory Inc. qui est la sponsoring organization. On pourrait penser qu'il s'agit de la même entité qui aurait procédé à un léger toilettage de son nom - mais il n'en est rien, à en croire l'Université victime. La modification cosmétique apparente cache une transmission à une société privée, soutenue par un ancien enseignant de l'Université qui, ès qualité, aurait mystifié l'ICANN.
Tout changement de titulaire se fait en effet dans le cadre d'une procédure de re-délégation qui n'a pas été respectée. La question de la responsabilité éventuelle de l'ICANN ne se pose toutefois pas ici : l'Université attaque conjointement son ex-enseignant et l'entité qu'il a créée en revendication du domaine, en remboursement de fonds publics et en indemnisation.
L'extraordinaire le dispute à l'incroyable : si l'on était dans le monde physique, il s'agirait rien moins que du vol du territoire d'un pays... dont le responsable mettrait plusieurs années à s'en rendre compte ! L'affaire montre aussi que les fraudes déjà observées pour les noms de domaine de second niveau - faux documents pour activer un transfert - peuvent aisément être répliqués au premier niveau.
[Source : DomainIncite]
June 30, 2011
Nouveau cadre du .fr au 1er juillet : quid du décret ?
La loi a divers effets, notamment celui d'offrir à l'enregistrement un ensemble de noms qu'il n'était jusqu'alors pas possible d'enregistrer (une série de noms considérés comme illicites, ou liés à des activités régaliennes, ou encore des noms de commune).
Ces noms seront disponibles à l'enregistrement à partir de demain midi. Les candidats à l'enregistrement de ces noms (dont certains ont un potentiel économique important) devront respecter une procédure spécialement mise en place pour cette occasion : "seuls les demandeurs justifiant d’un intérêt légitime et d’un usage de bonne foi pourront enregistrer ces termes" a indiqué l'AFNIC dans un communiqué.*
En application de l'article 10.2 de la charte de nommage, le candidat devra fournir "les justificatifs nécessaires permettant de vérifier [qu'il] peut prétendre à l’enregistrement du nom de domaine envisagé au regard des dispositions du Code des Postes et des Communications Electroniques".
Que dit ce code à propos de l'intérêt légitime et de la bonne foi ? Il ne dit rien... ou plus exactement il ne dit rien encore.
Le décret devant venir préciser ce que le pouvoir exécutif entend par "absence d'intérêt légitime" ou "usage de mauvaise foi" n'est toujours pas paru. Les actes administratifs entrant en vigueur au lendemain de leur publication (article 1er du code civil), cela conduit** à une situation inconfortable :
- pour les candidats qui ont à présenter les motifs de leur demande sans savoir précisément ce que l'office d'enregistrement attend,
- et pour l'office d'enregistrement, qui doit commencer l'examen des demandes sans cadre juridique sûr.
Faute de décret applicable au moment où les candidatures sont émises, la situation est la suivante : tout le monde doit s'en tenir à un texte de loi qui fixe le principe de conditions, mais sans connaître le contenu de celles-ci.
La situation n'est pas inédite : nombre de textes de loi n'ont jamais reçu leurs décrets d'application, ou ces derniers ont été promulgués très tardivement. Mais rappeler l'existence de ces précédents ne mettra pas de baume au coeur des lecteurs de ce blog !
* Nota : en l'état, cette procédure est pour partie contraire au texte de la loi.
** Sauf si le gouvernement décide d'une application en urgence, comme cela s'observe de temps à autre. L'enregistrement débutant à 12 h le 1er juillet, il est encore possible d'imaginer un tel scénario.
June 29, 2011
PROTECT-IP Act
PROTECT-IP est l'acronyme de Preventing Real Online Threats to Economic Creativity and Theft of Intellectual Property Act. Ce texte actuellement en cours de discussion au Parlement des Etats-Unis (PROTECT-IP Act of 2011, S. 968) a pour objectif de lutter contre la contrefaçon en s'appuyant sur le DNS.
Si ce texte est adopté, il permettra d'enjoindre aux fournisseurs d'accès à internet, et aux opérateurs de serveurs de nommage, de refuser de donner suite à des requêtes d'accès à tout nom de domaine dont un tribunal américain aura dit qu'ils sont dédiés à des activités contrefaisantes (“dedicated to infringing activities”). Le juge américain pourra prendre une telle décision de manière très sommaire, sans même que l'exploitant du nom puisse répondre.
Ce texte vise tout nom de domaine, pas seulement ceux qui seraient en .us, par exemple ! Un nom de domaine en .fr peut être frappé d'une telle décision, même si le site n'a pas de lien avec les Etats-Unis, dès le moment où un juge considère qu'il est le lieu d'une possible violation de droits de la propriété intellectuelle américains.
Le texte frappe aussi d'autres intermédiaires : moteurs de recherche, prestataires de paiements, régies publicitaires.
Inutile de s'arrêter longtemps sur ce texte pour dire qu'il porte atteinte à diverses libertés, et à la neutralité de l'infrastructure de nommage, et contribuer à la "balkanisation" de l'internet.
[MAJ, 14.7.11 : le point de vue de la MPAA]
Si ce texte est adopté, il permettra d'enjoindre aux fournisseurs d'accès à internet, et aux opérateurs de serveurs de nommage, de refuser de donner suite à des requêtes d'accès à tout nom de domaine dont un tribunal américain aura dit qu'ils sont dédiés à des activités contrefaisantes (“dedicated to infringing activities”). Le juge américain pourra prendre une telle décision de manière très sommaire, sans même que l'exploitant du nom puisse répondre.
Ce texte vise tout nom de domaine, pas seulement ceux qui seraient en .us, par exemple ! Un nom de domaine en .fr peut être frappé d'une telle décision, même si le site n'a pas de lien avec les Etats-Unis, dès le moment où un juge considère qu'il est le lieu d'une possible violation de droits de la propriété intellectuelle américains.
Le texte frappe aussi d'autres intermédiaires : moteurs de recherche, prestataires de paiements, régies publicitaires.
Inutile de s'arrêter longtemps sur ce texte pour dire qu'il porte atteinte à diverses libertés, et à la neutralité de l'infrastructure de nommage, et contribuer à la "balkanisation" de l'internet.
[MAJ, 14.7.11 : le point de vue de la MPAA]
June 21, 2011
"Les noms de domaine" - Thèse, Versailles, 2011.
Pour ne pas être confiné dans l'espace des revues juridiques papier, j'ai créé ce blog il y a un peu plus de 6 ans. Ecrire ici des notes ponctuelles sur les noms de domaine a fait naître un autre besoin : celui de consacrer une étude juridique d'ensemble sur les noms de domaine. Aujourd'hui 21 juin, je peux dire que c'est chose faite : à l'heure où sont publiées ces lignes, je suis en train de soutenir à l'Université de Versailles ma thèse de droit sur les noms de domaine.
Ceux que cela intéresse pourront consulter :
- l'invitation à la soutenance à l'adresse www.soutenance.fr ;-)
- le texte (non édité) par lequel je prévois de présenter mon travail au jury,
- la page de remerciements
- et le plan de la thèse.
Je renouvelle mes excuses aux collègues toulousains qui m'avaient invité le même jour à les rejoindre pour parler de noms de domaine.
Ceux que cela intéresse pourront consulter :
- l'invitation à la soutenance à l'adresse www.soutenance.fr ;-)
- le texte (non édité) par lequel je prévois de présenter mon travail au jury,
- la page de remerciements
- et le plan de la thèse.
Je renouvelle mes excuses aux collègues toulousains qui m'avaient invité le même jour à les rejoindre pour parler de noms de domaine.
June 20, 2011
Décision UDRP à propos d'un domaine de troisième niveau
Certains registrars proposent l'enregistrement de noms de troisième niveau se rattachant à un nom de domaine court : .co.nl, par exemple. Le registrar CentralNIC en a fait le coeur de son activité, proposant des noms en .uk.com, .cn.com ou .us.com.
Afin d'anticiper les éventuels litiges, il a incorporé aux règles d'enregistrement les règles UDRP (sous l'appellation "CentralNic Resolution Policy"). Les contentieux sont si rares que celui qui vient d'être tranché à propos du nom feiyue.eu.com mérité d'être signalé.
Dans sa décision, l'arbitre a estimé que ce nom est similaire au point de prêter à confusion avec la marque FEIYUE. Sur le plan méthodologique, on notera qu'il s'appuie sur les précédents UDRP, qui pourtant ne devraient pas être pris en compte, les noms auxquels s'appliquent les règles UDRP étant différents des noms qu'administre CentralNIC.
Afin d'anticiper les éventuels litiges, il a incorporé aux règles d'enregistrement les règles UDRP (sous l'appellation "CentralNic Resolution Policy"). Les contentieux sont si rares que celui qui vient d'être tranché à propos du nom feiyue.eu.com mérité d'être signalé.
Dans sa décision, l'arbitre a estimé que ce nom est similaire au point de prêter à confusion avec la marque FEIYUE. Sur le plan méthodologique, on notera qu'il s'appuie sur les précédents UDRP, qui pourtant ne devraient pas être pris en compte, les noms auxquels s'appliquent les règles UDRP étant différents des noms qu'administre CentralNIC.
June 19, 2011
Les administrations et leurs noms de domaine
En février 2010, dans un rapport sur l'amélioration de la relation numérique à l'usager, un groupe d'"experts numériques" (B. Bejbaum, Y. Costes, P. Lemoine, H. de Maublanc, R. Picard, F. Riester...) proposait qu'un site officiel soit reconnu par l'internaute dès le premier coup d'oeil.*
Avant de parvenir à cette recommandation, ils avaient établi un diagnostic selon lequel, par exemple, "la forte hétérogénéité en termes de dénomination de l’url des sites ne permet pas d’identifier de façon intuitive un site public officiel (à la différence du nom impots.gouv.fr qui est intuitif). Service-public.fr ne reprend pas la terminaison en .gouv.fr". Ils observaient que "l’hétérogénéité des url augmente les budgets de communication".
Afin de résoudre ce problème, ils avançaient des solutions aussi singulières que "rendre obligatoire par les moteurs de recherche la prise en compte du caractère « officiel » d’un site public"**, ou facilement implémentables comme "définir une dénomination des sites administratifs publics qui soit unifiée et intuitive pour faciliter l’identification du site par l’usager".
En annexe du rapport (p. 38), il était fait référence à une étude britannique de 2006 qui montrait que sur des milliers de sites administratifs, seule une trentaine devait être conservée... suite à quoi la Grande Bretagne a lancé un vaste programme de suppression de sites.
De façon intéressante, c'est dans un même mouvement que s'engagent aujourd'hui les Etats-Unis. L'administration américaine estime qu'elle a trop de sites (24.000) et de noms de domaine en .gov (2000). Elle veut réduire ce nombre (et lutter contre la redondance, les services difficilement utilisables et accessibles, et en définitive économiser l'argent public), et vient d'annoncer un gel des créations de nouveaux noms en .gov. La liste de tous les noms de cette extension sera publiér d'ici la mi-juillet, et il sera ensuite décidé lesquels supprimer.
En France, en 2010, 420 noms de domaine étaient enregistrés dans le sous-domaine .gouv.fr (p. 16 de l'annexe du rapport). Ce nombre perdurera-t-il ?
* source de l'info : S. Cottin
* après avoir relevé qu'"Il est techniquement possible pour un moteur de recherche d’identifier un élément visuel pour décider ou non de tagger un site lors de son référencement (certes Google refuse, mais le droit peut l’y contraindre).
Avant de parvenir à cette recommandation, ils avaient établi un diagnostic selon lequel, par exemple, "la forte hétérogénéité en termes de dénomination de l’url des sites ne permet pas d’identifier de façon intuitive un site public officiel (à la différence du nom impots.gouv.fr qui est intuitif). Service-public.fr ne reprend pas la terminaison en .gouv.fr". Ils observaient que "l’hétérogénéité des url augmente les budgets de communication".
Afin de résoudre ce problème, ils avançaient des solutions aussi singulières que "rendre obligatoire par les moteurs de recherche la prise en compte du caractère « officiel » d’un site public"**, ou facilement implémentables comme "définir une dénomination des sites administratifs publics qui soit unifiée et intuitive pour faciliter l’identification du site par l’usager".
En annexe du rapport (p. 38), il était fait référence à une étude britannique de 2006 qui montrait que sur des milliers de sites administratifs, seule une trentaine devait être conservée... suite à quoi la Grande Bretagne a lancé un vaste programme de suppression de sites.
De façon intéressante, c'est dans un même mouvement que s'engagent aujourd'hui les Etats-Unis. L'administration américaine estime qu'elle a trop de sites (24.000) et de noms de domaine en .gov (2000). Elle veut réduire ce nombre (et lutter contre la redondance, les services difficilement utilisables et accessibles, et en définitive économiser l'argent public), et vient d'annoncer un gel des créations de nouveaux noms en .gov. La liste de tous les noms de cette extension sera publiér d'ici la mi-juillet, et il sera ensuite décidé lesquels supprimer.
En France, en 2010, 420 noms de domaine étaient enregistrés dans le sous-domaine .gouv.fr (p. 16 de l'annexe du rapport). Ce nombre perdurera-t-il ?
* source de l'info : S. Cottin
* après avoir relevé qu'"Il est techniquement possible pour un moteur de recherche d’identifier un élément visuel pour décider ou non de tagger un site lors de son référencement (certes Google refuse, mais le droit peut l’y contraindre).
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dot-gov
June 10, 2011
Noms de villes
Le Sénateur le plus cité sur ce blog est le Sénateur Masson. Habitué des questions écrites au gouvernement, il en a déjà posé plusieurs relatives à la protection des noms de commune sur internet. Visiblement, le Ministère fait désormais du copier-coller de ses réponses, car la réponse à sa dernière question ne tient pas compte du nouveau régime du .fr adopté par la loi du 22 mars 2011 !
Je reproduis donc ici pour info la réponse, mais en attirant l'attention du lecteur sur le fait que le régime juridique a changé depuis.
Question écrite n° 17518 posée par M. Jean Louis MASSON (de la Moselle - NI)
publiée dans le JO Sénat du 10/03/2011 - page 582
Réponse de M. le ministre chargé des collectivités territoriales
publiée dans le JO Sénat du 09/06/2011 - page 1538
Je reproduis donc ici pour info la réponse, mais en attirant l'attention du lecteur sur le fait que le régime juridique a changé depuis.
Question écrite n° 17518 posée par M. Jean Louis MASSON (de la Moselle - NI)
publiée dans le JO Sénat du 10/03/2011 - page 582
M. Jean Louis Masson demande à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de lui préciser quels sont les moyens dont dispose une commune pour empêcher l'usage abusif de son nom par un profil pirate sur Internet.
publiée dans le JO Sénat du 09/06/2011 - page 1538
La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et ses décrets d'application ont permis de réserver aux collectivités territoriales l'enregistrement de leur nom dans le nom de domaine en « .fr » et d'interdire l'enregistrement dans ce nom de domaine en « .fr » de dénominations ayant pour effet ou pour objet d'entraîner une confusion avec le nom d'une collectivité territoriale. Par ailleurs, lorsque le nom d'une commune est utilisé pour renvoyer à un site n'ayant pas de rapport avec celle-ci, dans le seul but de capter du trafic d'Internet, l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle permet de s'opposer à l'enregistrement du nom de la commune sur Internet lorsque le titulaire n'a pas un droit ou un intérêt légitime sur ce nom ou encore lorsque cet usage constitue une atteinte au nom, à l'image ou à la renommée de la collectivité. Un tel acte peut être qualifié de parasitisme créant, de ce fait, un préjudice à la commune (CA Paris, 27 octobre 2004, sur paris2000.info). De même, l'article L. 711-4, alinéa h, du code de la propriété intellectuelle interdit d'adopter comme marque un signe portant atteinte au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale. Ces dispositions constituent une reconnaissance du droit des communes sur leur nom. Ainsi, lorsqu'une commune estime que son nom a été enregistré ou utilisé de façon abusive, elle peut engager une action en justice sur la base de l'article 1382 du code civil, en s'appuyant sur l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle. À titre d'exemple, la cour d'appel de Montpellier a considéré que constituait un trouble manifestement illicite l'utilisation seule de l'abréviation du nom d'une commune, dans la dénomination d'un site Internet sans précision ou complément permettant la différenciation avec le nom de la collectivité, ce qui était de nature à induire une confusion dans l'esprit du public en laissant croire aux internautes qu'il s'agissait d'un des sites officiels de la commune (CA Montpellier ch. 5, section A, 16 octobre 2008, n° 08/00878. L'association La Voix du Riberale/commune de Saint-Estève).
June 03, 2011
Marché unique : et les noms de domaine ?
La Commission Européenne a récemment présenté une communication "Vers un marché unique des droits de propriété intellectuelle", également présentée comme sa stratégie en ce domaine pour les années à venir.
La Commission adopte la définition classique des droits de propriété intellectuelle : "Les droits de propriété intellectuelle incluent les droits de propriété industrielle, tels que les brevets, marques, dessins et indications géographiques, les droits d’auteur et les droits voisins". On ne s'étonnera donc pas qu'il n'y ait pas une seule ligne consacrée aux noms de domaine, qui ne constituent pas de tels droits (pas un mot non plus sur le .eu).
Néanmoins, comme la Commission souligne que "la rapidité du progrès technologique a modifié la façon dont les entreprises exercent leur activité et dont les produits et services sont distribués, reçus et consommés, comme c’est le cas pour les services audiovisuels et de musique en ligne. De nouveaux modèles d’entreprise apparaissent, et les modèles traditionnels évoluent. De nouveaux acteurs économiques et prestataires de services s’implantent sur le marché". La Commission en tire la conclusion qu'en la matière "la législation européenne (...) doit doter l’UE du cadre dont elle a besoin pour encourager l’investissement en récompensant la créativité, stimuler l’innovation dans le cadre d’une concurrence non faussée et faciliter la diffusion des connaissances".
On pourra donc regretter que les diverses formes de nommage internet ne soient pas prises en compte dans ce rapport dont le sous-titre est "Doper la créativité et l'innovation pour permettre à l'Europe de créer de la croissance économique, des emplois de qualité et des produits et services de premier choix". Ces activités constituent en effet le point d'accès aux nouvelles formes d'activité que la Commission souhaite encourager.
La Commission adopte la définition classique des droits de propriété intellectuelle : "Les droits de propriété intellectuelle incluent les droits de propriété industrielle, tels que les brevets, marques, dessins et indications géographiques, les droits d’auteur et les droits voisins". On ne s'étonnera donc pas qu'il n'y ait pas une seule ligne consacrée aux noms de domaine, qui ne constituent pas de tels droits (pas un mot non plus sur le .eu).
Néanmoins, comme la Commission souligne que "la rapidité du progrès technologique a modifié la façon dont les entreprises exercent leur activité et dont les produits et services sont distribués, reçus et consommés, comme c’est le cas pour les services audiovisuels et de musique en ligne. De nouveaux modèles d’entreprise apparaissent, et les modèles traditionnels évoluent. De nouveaux acteurs économiques et prestataires de services s’implantent sur le marché". La Commission en tire la conclusion qu'en la matière "la législation européenne (...) doit doter l’UE du cadre dont elle a besoin pour encourager l’investissement en récompensant la créativité, stimuler l’innovation dans le cadre d’une concurrence non faussée et faciliter la diffusion des connaissances".
On pourra donc regretter que les diverses formes de nommage internet ne soient pas prises en compte dans ce rapport dont le sous-titre est "Doper la créativité et l'innovation pour permettre à l'Europe de créer de la croissance économique, des emplois de qualité et des produits et services de premier choix". Ces activités constituent en effet le point d'accès aux nouvelles formes d'activité que la Commission souhaite encourager.
La dénomination d'un site suffit-elle à le rendre illicite ?
Prenons un nom au hasard, ou presque : antisemitisme.fr
Ce nom figure dans la liste des termes fondamentaux définis par l'AFNIC, et n'a jamais pu être réservé. Il le sera à partir du 1er juillet 2011.
Imaginons qu'une personne acquière ce nom. Elle peut le faire pour y créer un site dénonçant l'antisémitisme, comme elle pourrait vouloir l'acquérir pour déverser sa haine. Comme toujours en matière de nom de domaine, ce n'est pas le nom en soi qui est illégal, c'est l'usage qui en est fait.
Tel n'est pourtant pas l'avis de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui vient de rendre un arrêt curieusement motivé. Invitée à se prononcer sur la légalité des sites torrentnews.net et torrent-public-center.com, elle a estimé que :
L'éditeur de ces sites a été condamné pour contrefaçon. Sans entrer ici dans l'analyse de la régularité de cette sanction (l'arrêt n'est pas des plus rigoureux...), il est utile d'isoler cette considération relative aux noms de domaine pour la critiquer.
Un mot peut avoir plusieurs sens, et être utilisé à des fins différentes. Un torrent est par exemple à la fois un courant d'eau, ou un protocole. Inférer du seul nom choisi pour un site qu'il est illégal est contraire aux principes du droit pénal, mais aussi de la logique la plus élémentaire. Il faut donc espérer que cet arrêt sera rapidement oublié, ainsi qu'il le mérite !
Ce nom figure dans la liste des termes fondamentaux définis par l'AFNIC, et n'a jamais pu être réservé. Il le sera à partir du 1er juillet 2011.
Imaginons qu'une personne acquière ce nom. Elle peut le faire pour y créer un site dénonçant l'antisémitisme, comme elle pourrait vouloir l'acquérir pour déverser sa haine. Comme toujours en matière de nom de domaine, ce n'est pas le nom en soi qui est illégal, c'est l'usage qui en est fait.
Tel n'est pourtant pas l'avis de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui vient de rendre un arrêt curieusement motivé. Invitée à se prononcer sur la légalité des sites torrentnews.net et torrent-public-center.com, elle a estimé que :
la seule dénomination de ces sites établit leur activité illicite, les sites torrent étant connus des internautes comme permettant d'accéder au protocole BitTorrent dont l'objet principal, voire unique, est le téléchargement d'oeuvres protégées par le réseau peer to peer dont l'avantage est de diversifier et d'accélérer l'accès aux fichiers recherchés
Un mot peut avoir plusieurs sens, et être utilisé à des fins différentes. Un torrent est par exemple à la fois un courant d'eau, ou un protocole. Inférer du seul nom choisi pour un site qu'il est illégal est contraire aux principes du droit pénal, mais aussi de la logique la plus élémentaire. Il faut donc espérer que cet arrêt sera rapidement oublié, ainsi qu'il le mérite !
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